Remacle Le Loup, Le château de Hermal, gravure, 1735 – détail.
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Au XXe siècle





En 1828, la Société Métallurgique d’Engis avait été créée pour l'exploitation des gisements de zinc régionaux ; elle est devenue, par fusion avec d'autres entreprises, la société de la Nouvelle Montagne qui, après la découverte de gisement de phosphate en Hesbaye, va se mettre à fabriquer aussi des engrais chimiques et devenir le groupe mondial Prayon. Son charbonnage de Bon-Espoir lui procure des bénéfices considérables mais, au tournant du siècle, un changement de direction provoque une modification des investissements et une baisse salariale pour les ouvriers de 3 francs par jour. S'en suit une grève de plus d'un mois et demi dont on discute au Parlement car sept grévistes - dont deux Engissois -, n'ayant pas accepté l'autorité d'un porion violent (d'ailleurs déjà condamné à une trentaine de condamnations diverses) et accusés par lui, sont arrêtés chez eux à 6 h du matin, le 5 juin 1901, bien que les bourgmestres d'Engis et des Awirs, M. Plumier et M. de Clerx d'Aigremont, aient refusé de requérir la gendarmerie ; garrotés (et même pour l'un d'eux enchainé), ils sont conduits à la gendarmerie d'Engis puis à Liège où ils subissent dix jours de détention préventive… [Demblon].

Le 13 juillet 1861, le Conseil provincial de Liège avait débattu d’une demande de scission des communes de Saint-Georges et de Hermalle car la Mallieue désirait être rattachée à Flône.  L’un des enjeux était l’école : il n’y en avait pas sur la rive gauche et les enfants de la Mallieue devaient passer la Meuse quatre fois par jour, par bac, pour se rendre sur la rive droite, à l’école d’Hermalle…   Chacun, d'ailleurs, devait faire de même, s'il devait aller d'une rive à l'autre, que ce soit pour se rendre au travail ou pour prendre le train.  

De cause à effet, l’instauration d’un passage d’eau.
La barque suivait un câble accroché aux poteaux.
Que la Meuse soit calme ou impétueuse,
Il fallait la passer, même par vagues dangereuses.

Gustave Séverin, Souvenirs
(La rue de la Meuse)

carte postale

Carte postale représentant le château et la cour d'honneur, adressée d'Engis en 1903.

Un projet de passerelle en fer, élaboré en 1894, n'aboutit pas. En mars 1904, le député de Huy-Waremme rappelle à la Chambre :

J'ai, en second lieu, à réclamer du gouvernement un autre travail d'une utilité non moins grande ; je veux parler de la construction d'un pont sur la Meuse, sur le territoire de la commune de Hermalle-sous-Huy.

Cette importante commune est coupée en deux tronçons par la Meuse. La partie la plus considérable de la commune, ainsi que les communes environnantes situées sur la rive droite de la Meuse, sont sans communication avec les usines de la rive gauche et le chemin de fer du Nord-Belge, sis sur cette rive.

Ces communes, parmi lesquelles je citerai, outre Hermalle-sous-Huy, Clermont-sur-Meuse et Saint-Séverin ont une population de plusieurs •centaines d'ouvriers qui, journellement, matin et soir, doivent traverser la Meuse en barquette pour se rendre aux usines de la rive gauche, depuis Flône jusqu'à Liège, et, depuis Flône jusqu'à Huy. Il y a, en outre, en moyenne, une centaine d'autres personnes qui, quotidiennement, circulent d'une rive à l'autre; ce qui fait environ 600 passagers par jour. -

En cas d'inondation et de fortes pluies ou bien lors du chômage de la Meuse, ce qui représente, au total, une moyenne de 60 jours par an, les malheureux habitants de ces communes sont obligés, soit de rester chez eux, soit de déloger, soit de faire le matin et le soir un détour de plusieurs lieues pour rejoindre l'autre rive par les ponts d'Ombret ou d'Engis. Il existe sur le territoire de ces communes des richesses inexploitées et inexploitables par suite de l'absence de communications, notamment des carrières, qu'un pont mettrait en valeur.

Dois-je insister sur les difficultés d'approvisionnement pour les habitants et les cultivateurs de ces communes déshéritées? C'est à grands frais qu'ils sont obligés d'aller prendre leurs marchandises ou expédier leurs produits aux gares d'Ombret et d'Engis ! Enfin, au point de vue spécial de la commune de Hermalle, sa séparation par un obstacle difficilement franchissable, entrave et gêne les divers services publics, tel que état-civil, sépulture, service du culte, fréquentation des écoles, etc.

Les efforts conjoints des autorités communales et du député de Huy-Waremme aboutissent enfin au projet d'un pont construit en béton armé, pour des raisons de cout et de rapidité ; le travail se fait en cinq mois (1908-1909).  

photo d'époque

Photo parue dans la revue Le Béton armé, 1911.

« Examinons le côté économique du problème et les raisons qui, dans le cas considéré, ont fait préférer un pont en béton armé à un pont métallique.
   Le pont de Hermalle-sur-Huy et le raccordement sur la rive droite au chemin reliant le village au passage d'eau n'ont coûté, tout compris, que 205.800 francs. Déduction faite du prix de la rampe, qui est évalué à 20.600 francs, le coût du pont proprement dit serait de 179.200 francs, soit par mètre carré 222 fr. 60, y compris les supports, le pavage de la chaussée et des trottoirs.
   Un pont à travées métalliques du type poutre droite, qui semble le plus économique dans le cas actuel reviendrait, toute chose égale d'ailleurs, sensiblement à 240 francs le mètre carré, en réalisant la charpente métallique et les pavages  seulement.
   Il faudrait, en outre, ajouter le prix des supports en maçonnerie (béton avec parements en pierre) 40.000 francs en moyenne pour les piles en rivière et 15.000 francs pour les culées, ce qui, au total, donnerait une dépense de 240 x 805 + 40.000x2 + 15.000x2 = 303.200 francs en supposant le pont composé de trois travées.
   Il y aurait donc, d'après ces calculs une augmentation de dépenses de 124.000 francs environ pour l'établissement d'un pont métallique.
   On pourrait ajouter à cette raison que les ponts en béton armé offrent sur les ponts métalliques l'avantage d'un entretien moins onéreux.
   Un pont métallique, à poutre droite, ne présente pas à la vue la même harmonie de lignes qu'un pont en arc et en béton armé.
   Un pont métallique, à poutre droite, n'aurait pas permis de donner au pont son tirant d'air maximum.
Il aurait nécessité des culées plus élevées et par conséquent des rampes d'accès à inclinaison plus forte.
   Un pont métallique à arcs ou suspendu ne présenterait pas cet inconvénient mais le prix d'exécution en serait plus élevé encore.
   Un pont en béton armé est plus rapidement construit. Celui de Hermalle-sous-Huy le fut en 5 mois ; un pont métallique avec supports en maçonneries aurait nécessité beaucoup plus de temps.
Résistance. — Les épreuves auxquelles on soumet les ponts en béton armé montrent que ces ouvrages sont très rigides. Au moment des épreuves, le pont de Hermalle fut chargé à raison de 400 kilogrammes par mètre carré, on fit rouler ensuite une charge de 70 tonnes sur cet ouvrage d'art.
   Les flèches mesurées pendant ces épreuves furent à peine de quelques millimètres et le recul des culées inappréciable.
   Ces flexions minimes furent élastiques et momentanées. »[Béton armé]

La « charge roulante » a été constituée de locomotives de 30 tonnes sur 3 essieux et wagons de 14 tonnes sur 2 essieux.

Il faut aussi noter que c'est le deuxième pont de ce type construit sur la Meuse - le premier le fut à Rouillon (Annevoie) en 1905 - et que l'utilisation du béton armé pour un pont n'existe alors que depuis une dizaine d'années.

scaphandrier et ouvriers sur une barge

Scaphandrier et ouvriers à Hermalle - coll. BMG

Des scaphandriers ont été nécessaires pour déraser le lit du fleuve, enlever des poches de gravier et placer les sacs de béton à la base des deux caissons.

L'inauguration du pont donne lieu à de fastueuses cérémonies en présence de la famille de Potesta, du bourgmestre Diesmans et des autorités communales. Les journaux hutois en font le reportage :

« (…) Le cortège se remet en marche pour faire à travers les deux parties de la commune, La Mallieue et Hermalle réunies, une promenade triomphante.  Des terrasses de la gare, on peut assister au spectacle du défilé de cet innombrable cortège.  Les cavaliers sont déjà aux portes du château que le dernier groupe est encore sur le terrain de la gare.  Le pont et le village sont décorés de drapeaux, de guirlandes et de fleurs.  Le pont était remarquable par sa décoration de drapeaux nationaux et du Congo.  La soirée était superbe et la foule massée (plus de 10 000 personnes) sur les deux rives put admirer l'éblouissant feu d'artifice.  Le bouquet représentait le pont de Hermalle avec en lettre de feu Hermalle, le 11 juillet 1909. »

Notons que le village comptait seulement 1280 habitants en 1910…

Le malheur marque cependant le reste des 50 premières années…


Et d'abord la Première Guerre mondiale qui amène comme partout son lot de souffrance.

En 1914, une jeune fille préserve pourtant le village :

« La scène se passe à Hermalle-sous-Huy, petit village des bords de Meuse, à quatre ou cinq kilomètres en aval de la cité mosane.  Nous sommes en aout 1914.

Au sud du village dominé par le bois d'Hermalle, un coin paisible, la Trihette.  Quelques modestes demeures campagnardes s'y échelonnent le long du chemin conduisant au bois qu'il traverse pour atteindre Aux Houx, une sorte de lieu-dit.  Marie habite avec ses parents et son frère une maison longue et basse perpendiculaire au chemin.

Soudain, une voisine, brave femme qui habite une humble bâtisse juste avant le bois, fait irruption, hors d'haleine, dans la cuisine.  « Mademoiselle, hoquète-t-elle à Marie, venez un peu.  Il y a chez moi des soldats et je ne comprends pas ce qu'ils veulent. »

Devant le trouble évident de la pauvre femme, Marie n'hésite pas et toutes deux courent à toutes jambes vers la maison du haut du chemin.  En effet, il y a là quelques cavaliers armés, coiffés de curieux casques et vêtus de gris.  Immédiatement, Marie, qui termine l'école moyenne, reconnait la langue allemande. « Ils ont soif, dit-elle à la femme apeurée, et demandent de l'eau pour eux et pour leurs chevaux.  Donne-leur à boire ».

Une fois désaltérés, les cavaliers remontent en selle et reprennent le chemin du bois par où ils étaient venus.
Le lendemain ou le surlendemain, c'était l'invasion. Toutes à leur élan, les armées allemandes submergèrent la contrée.  Une troupe s'arrêta à Hermalle pour y prendre position.  L'officier qui la commandait s'en fut trouver le bourgmestre afin de régler des problèmes d'installation. « Monsieur le Bourgmestre, dit-il au brave homme éberlué, comme nos éclaireurs ont été bien accueillis, vous pouvez être tranquille, il ne sera rien fait à votre village ».

D'heureux effets parfois… pour de bien petites causes !

Marie Maréchal (†), récit recueilli par son neveu, Léopold Maréchal. »

Maréchal, Léopold, Comment Marie Maréchal sauva son village Hermalle-sous-Huy en 1914,
revue Le Guetteur wallon, 1994, 4, p 175.  Nous communiqué par les Archives de l'État de Namur en mars 2007.


Aout 1914…
Le 1er, la garde civique liégeoise est arrivée par train pour garder ce pont de Hermalle qui a cinq ans. Les hommes sont logés dans des bâtiments réquisitionnés, sur de la paille.  Le sous-lieutenant Léon Mélotte a décrit le corps de garde :

« Quelle masure ! Quel délabrement ! Il fallait aller vite ; on a occupé le premier bâtiment sous la main. Parmi les marches branlantes, les murs lézardés, les plafonds croulants, où d'énormes araignées courent, les hommes ont jeté leur paille. On entrera là-dedans que s’il pleut ; l'odeur est trop infecte. Cela sent la moisissure, le fumier et les rats dérangés fuient de tous côtés. »

Les officiers ont droit à une chambre à l'auberge ou chez l'habitant.
Le 2, l'Allemagne adresse un ultimatum à la Belgique.
Le 3, la garde arrête un individu qui a tenté de passer inaperçu en se jetant dans le fossé qui borde le chemin. C'est un Allemand !
Le 4, la garde est remplacée par l'armée.

photo

Pont de Hermalle en aout 1914. À l'arrière-plan la Tour Malakoff – photo offerte par Georges Plumier † – coll. BMG

Dans la nuit du 4 au 5, le lieutenant du génie Beaupain obéit aux ordres de l'armée belge et, vers 4 heures [Leman], fait sauter le jeune pont de Hermalle…  Un pont qui ne sera reconstruit (quasiment à l'identique) qu'en 1923-1924 … pour être miné par le génie belge le 11 mai 1940 et reconstruit péniblement en 1947-48 - péniblement, car l'effondrement d'une arche en septembre 1947 va provoquer la chute de 12 travailleurs dans le fleuve et 5 y perdront la vie selon Le Patriote illustré. du 21 septembre 1947 :

photo et texte parus dans le patriote illustré

Plusieurs Hermalliens, faits prisonniers par les Allemands, passent par le camp d’immatriculation et de transit de Gießen ; parmi eux, le receveur communal Camille Lecrenier, honoré ensuite par l’attribution de son nom à la rue de la Héna.

Une femme joue un rôle majeur à Hermalle mais disparait dans les oubliettes de l'Histoire hermallienne…


Marie Ladry :


Née à Saint-Servais (Namur) le 15 juillet 1869, Marie Ladry arrive le 9 octobre 1910 à Hermalle-sous-Huy venant de Messancy (province de Luxembourg). Selon le registre de la population de Hermalle, elle exerce la profession de « gouvernante ».

Elle a été engagée comme préceptrice du jeune René de Potesta, fils héritier du baron Édouard de Potesta décédé en 1911 à l'âge de 43 ans, et d'Isabelle de Géradon qui va assurer la gérance des biens familiaux. Durant le premier semestre de 1914, la baronne Isabelle se rend à Gand d'où sa famille est originaire et elle confie la garde du domaine hermallien à Marie Ladry. Celle-ci est alors âgée de 45 ans.

Marie Ladry commence à rédiger un journal le 13 aout 1914, jour où les Allemands envahissent le village. Elle va noter quasi quotidiennement les évènements afin de pouvoir transmettre ultérieurement des informations précises à sa patronne et justifier ainsi ses propres décisions en tant que régisseuse.

photo du carnet

On y trouve des renseignements directement relatifs au château mais aussi d’autres qui concernent le village et la région et complètent les données recueillies par les historiens. Ses informations, vérifiées par nous pendant des mois, s'avèrent exactes à plus de 90 %.  Le pourcentage restant n'en est pas pour autant inexact : simplement, nous n'avons pas réussi à les rattacher à des faits connus.

Le journal démontre que le comportement et les décisions de Marie pendant la 1ère année de la guerre ont contribué à maintenir calme et relations courtoises avec l’envahisseur, allant parfois jusqu’à inciter celui-ci à alimenter le personnel du château – un comportement rarissime de l’occupant lors d’une invasion caractérisée par le pillage généralisé.

Il est évident que Marie Ladry, par sa maitrise d'elle-même vis-à-vis d'un envahisseur qu'elle exécrait, pour son attitude posée, par son éducation et son intelligence, a réussi à établir un climat serein propice à la mise en confiance et au respect de l'occupant.

Elle a aussi protégé le personnel du château, soit de la vindicte de certains villageois par exemple vis-à-vis d’une villageoise d’origine allemande qui servit d’interprète, soit d’un blâme de la baronne en dissimulant dans son compte rendu l’arrestation du jardinier qui fut traduit devant un Conseil de Guerre de campagne au prétexte d’avoir conduit des soldats dans un guet-apens (qui n’était autre que le local servant de réservoir pour l’alimentation du système d’éclairage en gaz éthylène).  

En résumé, Marie Ladry a réussi à assumer :
  • la gestion totale de la propriété : château, labours, vergers, bétail ;
  • la gestion du personnel avec prise en compte des dégâts psychologiques ;
  • l’accueil et la notation des visiteurs : Allemands qui, pour passer le temps, viennent visiter les salons, châtelains voisins qui viennent s’informer ou apportent des nouvelles, civils fugitifs, etc. ;
  • le relevé des nouvelles, vraies comme fausses qui circulent dans la région, pour mémoire ;
  • les ventes de légumes, de vin, de genièvre, de confitures, de piquets de sapin (pour la restauration des ponts) aux Allemands, ce qui lui procure la trésorerie nécessaire au paiement du personnel ;
  • la notation quasi journalière du nombre d’aéroplanes, dirigeables, camions, trains de soldats comme de blessés, voitures mortuaires, voitures pleines d’ouate, charriots pleins et vides – ce qui serait considéré comme de l'espionnage par l'occupant s'il avait découvert le carnet ;
  • la mise à l'abri des biens précieux de la famille de Potesta ;
  • la mise à l’abri du trésor de l’église dans la chapelle funéraire des Potesta ;
  • l’expédition d’un colis et de 300 frs à sa maitresse restée à Gand ;
  • la mention de commentaires de soldats allemands qui se plaignent de la guerre et disent leur désir de rentrer chez eux ;
  • la notation de l’état de santé de la population en fonction de la pollution atmosphérique et
  • la gestion des litiges que celle-ci entraine ;
  • la notation des attentats contre les Allemands ;
  • la location d’une chambre et du billard à un officier allemand… qui y reçoit des demoiselles de la région ;
  • la distribution de bons aux pauvres qui viennent aussi chercher chez elle du linge et des vêtements ;
  • la remise en état et la mise à disposition du manège pour l’exercice des cavaliers allemands et la grande fête qu'ils y organisent, y rassemblant officiers, soldats et… musiciens stationnés à Amay.
photo des musiciens allemands devant un café amaytois

Le café de l'époque a changé d'affectations au fil du temps.
En 2025, l'immeuble accueille un centre récréatif pour enfants, La forêt de Popy.


Le carnet s'arrête le 19 juillet 2015, jour du retour de la Baronne et de René de Potesta.

Marie Ladry quitte notre commune le 29 avril 1919 pour aller à Hompré (Vaux-sur-Sûre). Plus personne ne se souvient d'elle à Hermalle.


Le problème de l'alimentation se révélé crucial dès le début de la guerre, particulièrement pour la ville de Liège qui se fournissait principalement aux Pays-bas et en Allemagne par le transport fluvial. Dans les campagnes, certains paysans ne connaitront pas la faim, s'enrichisseront et seront d'ailleurs détestés par leur concitoyens moins favorisés.

Tableau représentant un fermier fort jouflu

Peinture naïve mais explicite présentée dans l'exposition Cuisine de guerre au Musée de la gourmandise en 2014.

Bien sûr, l'humour garde ses droits… ce qui nous permet de connaitre les noms de ce tibercule qui, avec le pain, constituait la base de l'alimentation :

faire-part humotistique de décès de la pomme de terre

Faire-part également présent dans l'exposition précitée.

Les autorités communales organisent la distribution de potage aux écoliers hermalliens. Sur cette photo qui rassemble le Personnel de la Soupe Scolaire se trouve assis, à droite, un certain Lambert Lepage… dont nous parlerons plus loin.

5 femmes et 3 hommes autour d'une table portant des bols et un panier de cuillers


En janvier 1915, un attentat a été commis à Flône contre les Allemands.

C'est probablement en réaction qu'est née, le mois suivant, une Association Mutuelle momentanée pour la réparation de dommages aux bâtiments, mobiliers et marchandises résultant de l’incendie ou de la destruction par fait de guerre, d'émeute ou de révolution, pour l’arrondissement de Huy-Waremme ; il est prévu que, prenant cours le 10 février 1915, elle entrera en liquidation « six mois après la date de la signature de la paix entre la Belgique et les puissances avec lesquelles elle est en guerre ». Denis Demoulin, cordonnier à Hermalle, y a souscrit.


photo du contrat

Contrat d'assurance, en vitrine dans l'exposition Hermalle 1914-1915 jour par jour, septembre 2014.


Le viol des femmes et des enfants est l'une des pires horreurs de la guerre.
On en parle peu… ou on n'en parle pas.
Sans qu'il soit excusable, il fut parfois pardonné… Ici par une maman – rien ne permettant d'affirmer que les deux jeunes filles violées aient pardonné… : 

« 32e témoignage : REFUGIÉ BELGE. À Hermalle-sous-Huy, au mois de Septembre, j'étais sur  la place en face de la gare.  Il y avait une escouade ou un peloton de soldats allemands, sous les ordres d’un officier. Ils ont placé un autre officier qui était avec eux contre un mur. J'ai alors vu une femme, qui tient un café à Hermalle, sortir et parler à l'officier responsable du peloton. L’homme debout contre le mur opposé à la section a ensuite été autorisé à partir. Le frère de la dame m’a dit que l'officier placé contre le mur avait violé la fille de sa sœur, âgée d'environ 18 ans, et avait été pris en flagrant délit de viol de la deuxième fille, âgée d'environ 12 ans.
C'était la mère qui avait surpris l'officier en train de violer sa cadette.
Elle a porté plainte auprès des officiers supérieurs allemands et le violeur a été condamné à être fusillé. C’est pour cela qu’on l’a amené comme je l’ai décrit ci-dessus.  La mère était la dame qui est sortie, et le responsable de la section lui a demandé si elle voulait pardonner l'officier condamné. Elle ne voulait pas le voir exécuter et a dit qu'elle pardonnait. Il a ensuite été libéré. Le policier était habillé de gris et avait un casque avec une pointe au-dessus. Il appartenait au 32e Régiment de ligne. Je le sais parce que j'ai vu le nombre sur le revêtement de toile qu'il portait sur son casque. Les autres soldats présents sur la place appartenaient au même régiment. »

Committee on alleged German outrages.  Evidence and documents laid before the committee on alleged German outrages.
Being an Appendix to the Report of the Committee appointed by His Britannic Majesty’s Government and presided over by The Bight Hon.
Viscount Bryce, O.M. etc.etc. Formerly British Ambassador at Washington.
MacMillan Company, New York for His Majesty’s stationery Office,

London, appendix A, p.19

Il nous reste de cette époque des cartes-photos, souvent en format carte postale, de civils comme de militaires qui posaient volontiers devant un photographe, sérieux ou pas.

groupe de jasses

Humour de jasses... Le panneau indique « Un condamné Boche ».
Le trompettiste est Henri Feron.


Ces photos témoignent parfois des relations qui, vaille que vaille, se perpétuaient malgré l'éloignement. Nous respections ci-dessous la graphie des auteurs.

photo de Joséphine Ancia Joséphine Ancia, carte photo.
Texte au verso :

Monsieur Feron Jules
Hameln 17 n°42486 Province Hannover,
Deutschland

Hermalle le 6-1-18 [reçue le 1-2-18]

Cher Jules

espérant que votre coeur serat à la joie de recevoir cette photo il n'est pas besoin de vous dire comment va ma santé vous le verez bien elle n'est pas fort bien faite mes enfin elle serat toujour trouver le coeur que jaime Recevez mon Jules les amitier de votre Joséphine


Carte photo, texte au verso :

Mademoiselle Josephine Ancia
Hermalle (sous) Huy
Province de Liége

Le 5-2-18

Très cher Joséphine
Je viens toujours par une photo voire comment va à ta cher santé car j’en suis bien inquiet je ne recois plus rien de ta cher main Je ne sais vraiment à quoi attribuer le manque de t’est nouvelle avans tu m’écrivais toujours des si belle lettre et sétais rare une semaine que je ne recevais rien m’aintenans plus rien de toi Enfn je ne peux rien vous apprendre que de vous dire que j’attant avec inpassionse de vos nouvelles
Recevez de loin les maillieure baisers de votre Jules a toujours
Jules Féron, 1er du 2e rang, à droite.

groupe de soldats avec Jules Feron


Les cartes-photos nous permettent aussi de mettre parfois un visage sur le nom d'une personne citée dans une lettre, comme dans le cas de Julia Feron :

photo de Julia feron Le 29 juillet 1914, le caporal hermallien Marcel Hella a reçu l’ordre de rejoindre son unité. 

Il revient au village en 1919, démobilisé pour raison de santé et y retrouve Julia, une amie d’enfance et de jeunesse.

Il l’épouse, bien que ses propres parents déconseillent le mariage car Marcel a respiré du gaz moutarde (ypérite encore utilisé au XXIe siècle) et a été transféré longuement d’un hôpital militaire à l’autre.

Dix mois après les noces, Marcel décède.

Et Julia reçoit une lettre de l’État :

« Votre mari était invalide de guerre à 100 %, nous regrettons Madame de ne pouvoir vous accorder la pension de Veuve de guerre parce que vous n’aviez pas un an de mariage accompli. »


Le village est libéré par les Canadiens en 1918 ; des familles hermalliennes les hébergent quelque temps avec plaisir.

photo d'époque

Soldats canadiens hébergés en 1918 par Rosalie et Camille Feron. © Jean Mossoux.





La famille de Potesta - II :


Pour mémoire : Édouard René Charles de Potesta (Couthuin 17.08.1868-Hermalle 28.04.1911) + Isabelle Louise Julie de Géradon (1873-11.1957) => Emma et René Édouard Marie de Potesta

René Édouard Marie de Potesta (Hermalle 22 juillet 1899-Hermalle 25 juin 1977)

Lorsque les Allemands envahissent la Belgique au début de la Première guerre mondiale, le jeune homme de 15 ans est donc à Gand avec sa mère. 

À son retour à Hermalle en juillet 1915, il brule de s'engager auprès des alliés et va finalement tenter de rejoindre l'armée. Trahi par une sentinelle à la frontière, il sera emprisonné pendant un an à Anrath (Allemagne de l'ouest), avant d’être transferé dans le camp de Celle-Schloss, au nord de l'Allemagne, comme d'autres officiers belges, britanniques, polonais, roumains, français et russes.
La baronne Isabelle lui envoie des colis de vivres :

carte postale officielle de l'armée allemande

Comme d'autres prisonniers, René de Potesta reçoit aussi des colis de l'Œuvre de secours aux prisonniers de guerre, basée à Lausanne :

carte de l'OSPG recto-verso 
Comme bien des épouses veuves, avant et après elle, Isabelle Louise Julie de Géradon assure l'intérim de la direction de la seigneurie de Hermalle que, très traditionnellement, son fils devrait assumer à sa majorité.

Elle se heurte par exemple à la commune au sujet des écoles que la famille a fait construire rue de Meuse (actuelle rue du Pont) à 300 m du château et publie la réalité du problème :

photo de la 1ère page
page 2

René rentre à Hermalle après la guerre. Il a 19 ans, il n'est pas encore majeur.

menu de repas

Menu du repas offert au château de Hermalle au baron G. de Potesta de Waleffe - coll. BMG M-I 0036




Il y a eu d'autres catastrophes que la guerre :

Les inondations étaient courantes. On se rappelle de celle de 1910, de celle de janvier 1920 où la Meuse est montée jusqu'à 1,89 m au-dessus du quai d'Engis (photo de gauche, remerciement à Charly Debatty) ; le même endroit sera également inondé en octobre 1924, en décembre 1925 et en mai 1959, après un violent orage accompagné de grêle (photo de droite).

inondations 1920 inondations 1959

En janvier encore mais en 1926, suite à des pluies torrentielles, le fleuve déborde et inonde complètement le quartier Chaumont de Hermalle ; on sauve les gens mais pas la totalité du bétail.

La Meuse autrefois était bien différente ;
Peu draguée, elle devenait facilement envahissante.
Des crues terribles sont restées en mémoire.
Celle de janvier 1926 aura marqué l’histoire.

L’eau monta très vite, créant une vraie crise.
Chaumont était devenu comme un quartier de Venise.
Quelques audacieux devinrent des marins improvisés.
Il fallait ramer pour garder le cap vers les sinistrés.

La ferme Orban devait souffrir davantage.
Le bétail, lui, ne pouvait monter à l’étage.
Bravant les périls, on parvint à sauver l’essentiel,
Devant ce cataclysme, on implorait la clémence du Ciel.

Gustave Séverin, Souvenirs (Mon Chaumont d’autrefois)

Engis est envahie ! L'eau atteint la rue Maréchal Foch, quasiment au sommet de la rue de la station... soit une hausse de quelque 6 mètres !

inondations pires en 1926

Inondées, les usines sont à l'arrêt… comme toute l'activité économique.

Et surtout…

« Messieurs, le vendredi 5 décembre 1930, à Engis, par un temps couvert et froid, une ménagère d'une soixantaine d'années vaque à ses occupations, sort de sa maison, ressent brusquement à la gorge une insoutenable brûlure et immédiatement après une sensation d'étouffement. Elle rentre chez elle, s'alite, et meurt quelques heures après.

Ce fait ne reste pas isolé. Des centaines et des centaines d'hommes, de femmes, d'enfants, habitant la vallée de la Meuse ressentent les mêmes symptômes, sont victimes du même mal inconnu. Soixante-douze d'entre elles meurent dans les 48 heures; plus de 300 échappent à la mort mais conservent en elles les traces du mal. Des centaines de bêtes à cornes sont brusquement frappées de mort dans les étables.

Les morts habitaient les communes de Hermalle-S-Huy, Engis, La Maillieu [sic], Flémalle-Grande, Flémalle-Haute, Vierset [sic], Ivoz-Ramet, Seraing, Jemeppe, Ougrée. »
Archives de la Chambre, au 7 juillet 1931, interpellation du député Jacquemotte.


De fait : du 1er au 5 décembre 1930, un épais brouillard s'étend sur l’Angleterre, la France, la Belgique causant de multiples accidents d'aviation, de train, de voitures.

Il règne particulièrement sur toute la vallée mosane, de Jemeppe-sur-Meuse à Huy. C'est un brouillard tellement épais qu’à Engihoul, on ne peut plus voir quelqu’un à côté de soi pendant des heures, un air visqueux, une odeur âpre qui brule la gorge, fait tousser et cracher noir ou jaune, sucré, une poussière gris ardoise, grasse et collante.  
Faute de pouvoir soulager les bêtes, on met des bonbonnes d’oxygène dans les étables et puis on doit les abattre pour qu’elles restent propres à la consommation.

Le jeudi, le brouillard épaissit encore et s’étend sur des hauteurs jamais atteintes. Les gens continuent à travailler des 11, 12 heures durant.  Les usines ne s’arrêtent pas. Les symptômes s’aggravent.  Panique. 

Ce brouillard fait stagner les particules fines et les gaz émanant des 27 grandes usines de la vallée qui utilisent, comme les particuliers, la combustion du charbon.
Gens et animaux ne peuvent que les respirer.
Dès le troisième jour, de milliers de personnes souffrent d'affection respiratoire et plus de soixante en décèdent.
reproduction

Extrait d'un article paru dans le New York Times du 6 décembre 1930.

L'émotion est intense non seulement dans la région, mais dans la Belgique entière et même dans le monde.

 En témoignent les titres de journaux :

6 décembre
The Evening Independent (U.S.A.) : "Mysterious fog in Meuse valley",
The Times (Angleterre) : "Over forty deaths in Belgium"
Sydney Morning Herald (Australie) : "Fog of death"
Rotterdamsch Nieuwsblad (Pays-Bas) : "De doodende mist"

7 décembre :
New York Times : "Fog brought death only to old and ill" - sous-titre : "Peasants still in terror"
Le Matin (France) : « Le brouillard fait des victimes en Belgique »
Het Vaderland (Pays-Bas) : "De moordende mist"

8 décembre :
L’Humanité (France) : « Un brouillard mortel descend sur neuf villages et tue près de 70 personnes »
Canberra Times (Australie) : "The breath of death".

9 décembre :
Les archives de Gallica.fr indiquent que le quotidien français La Croix du 09 décembre 1930 (Numéro 14656) a écrit sous le titre « Le brouillard mortel dans la vallée belge de la Meuse » : A Hermalle-sous-Huy, on signale plus de 100 malades, mais il est impossible de vérifier le chiffre.

« Brouillard homicide »,  « Vallée de la mort »…

Le New York Times s'interroge : grippe espagnole, arme chimique ou microbe du Sahara ? Il précise que «  20 000 masques à gaz sont acheminés d'urgence de Londres à Bruxelles ».

photo du brouillard

Brouillard dans la vallée de la Meuse - Collection Albert Humblet.

Une hypothèse a effectivement surgi : le brouillard aurait été contaminé par la rupture de conteneurs contenant les gaz meurtriers utilisés par les Allemands durant la Grande guerre, conteneurs qui auraient souffert d'un affaissement de leur lieu de stockage suite aux périodes d'inondations des années 1926.  
Les journaux du nord de la France relatent d'autant plus l'évènement que les populations civiles françaises ont fortement souffert des gaz allemands et qu'elles ne peuvent donc que lire la presse avec intérêt… 
Mais il est vrai que des rescapés, anciens combattants gazés, ont établi la comparaison entre la brulure ressentie dans les tranchées et celle du brouillard de 1930 [Prochasson].

Le 6 décembre, le procureur du Roi lance une enquête sur base d'une plainte contre X et on crée une commission d'enquête criminelle.
Le 7 décembre, la reine Élisabeth de Belgique visite la zone sinistrée et assiste depuis la maison communale d'Engis à un cortège funèbre.
Le Premier ministre Henri Jaspar présente les condoléances du gouvernement lors d'une séance de la Chambre des représentants, et des parlementaires en profitent pour rappeler des incidents causés par des gaz industriels à Havre, Frameries, Tilleur, Vilvoorde, Willebroek…
Le 12 janvier 1931, une commission est chargée d'étudier l'application des dispositions légales et règlementaires destinées à prévenir les dangers résultant, pour l'hygiène publique et pour le régime des eaux, de l'exploitation des établissements insalubres.


Le total des morts est de 60 selon la plupart des auteurs récents :14 pour Engis la plus touchée (sur 3759 habitants), 12 pour Seraing (45133 habitants), 9 pour Jemeppe (13905 habitants) et Flémalle-Haute (6074 habitants), 7 pour Yvoz-Ramet (3786 habitants), 5 pour Flémalle-Grande (5840 habitants), 4 pour Amay (6353 habitants) [Buijsman]    

La consultation des archives de la Chambre, au 7 juillet 1931, donne d'autres informations, rappelons-le : le député Jacquemotte a cité 72 décès dans les premières 48 heures, et le ministre de l'industrie, du travail et de la prévoyance sociale qui lui répond, M. Heyman, n'a pas démenti pas ces chiffres : « plus de soixante décès se sont produits. Il ne fut constaté aucun cas de mort immédiate ou rapide. L'action du brouillard s'est surtout manifestée par une irritation des voies respiratoires, accompagnée de complications diverses. »

Le quotidien français La Croix du 9 décembre précise dans un petit article en page 2 : « À Hermalle-sous-Huy, on signale plus de 100 malades, mais il est impossible de vérifier le chiffre. »

Seuls les adultes ont été victimes : « il n'y a pas un seul enfant atteint », ajoute La Croix.



photo d'un cortège funéraire

Cortège funéraire rue Wauters, Engis.

Mais il y a eu plus de 300 malades de longue durée. Et des centaines de têtes de bétail mort sur place. À Hermalle-S-Huy, Engis, La Mallieue, Flémalle-Grande, Flémalle-Haute, Vierset, Ivoz-Ramet, Seraing, Jemeppe, Ougrée.


Quant à l'indemnisation des victimes…, le ministre précise que 1/ le juge d'instruction a chargé des experts d'étudier les questions relatives à cette affaire et d'établir, éventuellement, les responsabilités, que 2/ il ne peut être question pour l'Etat d'intervenir dans l'indemnisation des familles des victimes ou des personnes ayant subi des dommages matériels.
Les articles 1382 et 1383 du Code civil prescrivent en effet que tout fait quelconque de l'homme qui cause à autrui un dommage oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer et que chacun est responsable du dommage qu'il a causé, non seulement par son fait, mais encore par sa négligence et par son imprudence. C'est aux tribunaux qu'il appartient de se prononcer sur la question des indemnités à allouer. Le problème, c'est qu'il n'est pas possible de déterminer qui est responsable…

Il y a pourtant longtemps que la pollution par les usines posait problème !

En janvier 1860 a été imprimée par de Thier et Lovinfosse, à Liège, une plaquette intitulée Réponse par les principaux industriels en zinc de la Belgique à une note tendant à démontrer la prétendue insalubrité des fabriques de zinc adressée par MM. Collette et Laport à la Chambre des Représentants le 20 décembre 1859.  
Les directeurs de la Sté de Corphalie, de la Sté de Colladios, de la Sté de la Vieille-Montagne, de la Sté de la Nouvelle-Montagne), des propriétaires de fabriques de zinc à Ampsin et Ougrée, des lamineurs de zinc à Longdoz, Liège et Chênée y démontraient avec moultes annexes que les usines de zinc n'étaient pas responsables des cas de choléra que connaissait le pays de Liège.  
Et ils avaient raison puisque cette maladie contagieuse est due à une bactérie et non… au zinc !
Mais certains témoignages, cependant, évoquent cependant des problèmes résultant des poussières zinciques déposées par les fumées des usines sur les herbages environnants, nuisant à la santé des végétaux arborescents et des bestiaux.  Ces affirmations furent évidemment battues en brèche notamment par M. Pétry, vétérinaire, membre de l'Académie royale de médecine et de la Commission provinciale d'agriculture :

« Il n'existe pas une seule preuve claire, positive, que l'homme, l'animal, les prés et les plantes annuelles dépérissent ou meurent par l'action des fours à réduction de zinc.  Des observations, des expériences nombreuses, des ouvertures de cadavres, faites par des hommes compétents, n'ont décelé aucun signe caractéristique, démontré aucune lésion morbide sérieuse, qu'on puisse directement rapporter à un empoisonnement par le zinc ;  comme on n'a pas prouvé davantage, jusqu'à ce jour, par l'analyse chimique, la présence de ce métal dans les entrailles des animaux, ou dans les différents tissus des végétaux. »


carte postale montrant les fumées à flône

Carte postale, 1ère moitié du XXe siècle


Avant la Guerre de 1914-1918, la famille de Potesta avait cependant intenté un procès aux usines à Zinc de Flône et des experts se déplacèrent à Hermalle dans ce cadre.  Marie Ladry, la préceptrice du jeune baron de Potesta et devenue, à cause de la guerre, régisseuse du château dont nous avons parlé plus haut – a écrit dans son Cahier à la date du 4 décembre 1914 :

« Abordant un sujet local, disons que, les usines ne crachant plus leurs fumées empestées,  la santé générale des hommes et des animaux s’en ressent malgré tout : un fermier, voisin de l’usine de Flône, assurait qu’il voyait périr quantité de jeunes poulains, chose qui ne s’est pas produite cette année. Des personnes souffrant de l’estomac voient leur état s’améliorer au point de vue de la digestion.  Depuis le mois de Juin jusqu’à ce jour, il n’y a eu qu’un seul décès, et encore était-ce un suicide ! Aucun malade ! »

Et le 4 juin 1915 :

« Les Experts pour le procès des fumées sont venus hier et aujourd’hui. Ils avouent que le feuillage est beaucoup plus beau que les années précédentes. » .

De fait, le journal La Wallonie, dans son article « Le mauvais brouillard » du 15 décembre 1930, signale la lettre envoyée deux jours auparavant par le Bourgmestre de Hermalle au directeur de la Commission d'hygiène de la province de Liège pour faire état de la situation habituelle des habitants :

« Ces plaintes concernent d'abord, de façon générale, le tort causé à la santé des habitants, les ravages produits dans la végétation et les maladies occasionnées dans le bétail par les fumées et les émanations des diverses usines situées sur le territoire de notre commune ou voisine (sic) de celle-ci : fours à zinc des sociétés La Vieille et la Nouvelle Montagne, briquèterie et cimenterie Dumont-Wautier à la Mallieue, Hermalle et St Georges, produits chimiques à Engis.  Mais la présente requête vise avant tout la situation intolérable causée tous les jours, dans la matinée surtout par la société des fours à zinc de la Vieille montagne à Flône. [À ses abords] il s'agit […] de traverser sur une étendue de plusieurs centaines de mètres, un nuage opaque de fumée jaune, chargée de cendres qui brûle les yeux, oppresse la respiration, suscite une toux incoercible et va jusqu'à couper à certains moments la visibilité. […] Je conclus, Monsieur l'inspecteur en demandant, au nom de mes administrés et au nom de l'Administration communale […] qu'une enquête sérieuse et impartiale soit faite et que des mesures efficaces soient exigées des usiniers pour les obliger à annihiler ou tout au moins à amoindrir dans de très notables proportions les effets désastreux que les fumées et les émanations de leurs établissements causent à notre population. »

Cette catastrophe et la commission d'enquête ont induit la première étude scientifique au monde sur la mortalité et les maladies liées à la pollution de l'air. Le pathologiste liégeois Jacques Firket a dirigé une équipe de médecins, météorologues, toxicologues et chimistes qui ont déterminé que l'air froid saturé de toxines a été surplombé par une couche d'air plus chaude qui l'a piégé à une hauteur de 80 m. C'était le smog…

L'étude a conclu que

« Si les mêmes conditions se trouvent réunies, les mêmes accidents se reproduiront. (…) Si un désastre survenait à Londres dans des conditions analogues, on aurait à déplorer 3 179 morts immédiates. »

Et cela s'est reproduit : on attribue au brouillard de pollution qui a couvert Londres, du 5 au 9 décembre 1952, 12 000 morts « excédentaires » entre décembre 1952 et février 1953… [13]

Dans l'impossibilité où l'on se trouve d'empêcher le brouillard de se produire, l'effort demandé par les autorités va se porter sur le contrôle des émissions de gaz industriels, ce qui va prendre de nombreuses années ; en 1938, un parlementaire évoque encore à la Chambre les conditions dans lesquelles vit la population : obligation en certains endroits de « garantir les yeux » pour pouvoir circuler, obligation de vivre portes et fenêtres fermées sous peine de pouvoir en une heure à peine d'ouverture « avec le doigt, écrire votre nom sur les appuis des fenêtres, sur les parquets, sur les tables, sur les murs, partout », obligation de vivre dans cette atmosphère empoisonnée alors même que la plupart des mineurs souffrent de pneumoconioses contractées par le travail même dans les usines…

Près de l'entrée de la maison communale d'Engis, une sculpture de l'Engissois Paul Vandersleyen, installée en décembre 2000, commémore le drame environnemental de 1930 en évoquant une des toutes premières victimes engissoises, la jeune Louise Dams, dont on sait que…
À peine revenue de Liège à Engis, elle a gravi péniblement les quelques centaines de mètres qui la séparaient de la maison familiale.  On l’a alitée, le médecin a fait « une piqure » pour la soulager des douleurs respiratoires. Du feu dans la poitrine. Il ne savait ce qui se passait mais a dû intervenir chez d’autres pour les mêmes symptômes.
À l’aube du vendredi, Louise est décédée comme beaucoup d’autres.

photo de la sculpture

L'inscription indique :
« Louise était jolie. Louise avait vingt ans. Elle revenait du bal. Elle était une enfant…
À la mémoire de la soixantaine de morts, jeunes et âgés d'Amay, d'Engis, de Flémalle et de Seraing,
victimes de l'accident atmosphérique de décembre 1930 dans la grande région engissoise.
Toute entreprise humaine, fût-elle industrielle, est susceptible de perfectionnement ! »


Le Bourgmestre cité dans le journal La Wallonie est Lambert Lepage, depuis 1921.   

Le 1er janvier de cette année-là, un nouveau Conseil communal a été installé.
Pour la première fois, tous les citoyens mâles âgés de 21 ans ont pu participer aux élections, selon le principe « un homme, une voix ». Les socialistes ont obtenu la majorité.  Lambert Lepage a été nommé bourgmestre, avec autorisation exceptionnelle de continuer à exercer ses fonctions d'enseignant.


Lambert Lepage :

photo

Lambert, Louis, Léopold Lepage, frère ainé de Louis Lepage termine ses études diplômé de l'université de liège, docteur en philosophie et lettres.  
À l'âge de 23 ans, il entame sa carrière professorale à l'athénée de Thuin. Il exerce ensuite les fonctions de professeur à l'Athénée royal de Huy jusqu'en 1932 et reçoit la croix de chevalier de l'Ordre de Léopold.

En 1898, il a fondé la Mutuelle Saint-Lambert. Pendant la guerre 1914-18, il organise le ravitaillement de la population, crée la soupe scolaire et fait distribuer des petits pains. On lui décerne la médaille du Comité national.

Hermalle est la seule commune entre Liège et Huy qui ne dispose pas encore de l’électricité.
Lambert Lepage obtient le raccordement au réseau en 1922 ce qui est évidemment fêté.

photo de foule

En 1923, il transforme en écoles officielles les écoles adoptées des Potesta et crée de nouvelles classes maternelles et primaires, renouvelant le matériel scolaire et fournissant un caban imperméable à chaque enfant – ce qui est noté par un journaliste contemporain comme « une chose remarquable ».
L'inauguration des écoles et du kiosque de la place de Hermalle se déroule en 1929. (Pour l'histoire des écoles, lire la page dédiée.).

Avec des mandataires de communes voisines, il crée un Comité intercommunal des mieux doués avec dotation de bourses spéciales permettant aux enfants d'ouvriers de poursuivre leurs études, comité qui fonctionne jusqu'en 1928. À l'intention des enfants « débiles », il va organiser pendant plusieurs années des séjours à la mer. Il va aussi créer deux bibliothèques, l'une à Hermalle, l'autre dans le hameau de la Mallieue.

Il parvient à convaincre le ministre Ruzette de la nécessité de reconstruire le pont de Hermalle qui est ré-inauguré en 1924.

Il fait moderniser les routes du Tilleul, de la Héna, du Mabotte [? de Magotte ?], du pont et le chemin de Chaumont.  

Pour faire disparaitre les épidémies de typhus et de fièvre scarlatine, il fait canaliser les rigoles et fait passer un projet d'installation d'une distribution d'eau potable, dite « alimentaire » dans le village ; Le projet est accepté par la province suite à la demande du 13 octobre 1931.

L'arrivée de l'« eau alimentaire » est vécue comme un évènement d'importance ; chacun ne disposant pas d'un puits, il était fréquent que plusieurs voisins aillent s'alimenter dans une propriété voisine privée – ainsi en était-il à la ferme castrale qui approvisionnait en eau de source, notamment, le curé du village.

Le nom de Lambert Lepage, en reconnaissance, va être donné au petit square qui fait face à la Maison communale et au milieu duquel se trouve le buste du « bienfaiteur », et aussi à une rue parallèle à l'actuelle chaussée Freddy Terwagne. 

photo de l'inauguration

L'année de sa mise à la retraite par limite d'âge, en 1932, Lambert Lepage perd son épouse et reste avec ses deux fillettes Marthe et Lisette.

N.B. La majorité de ces informations provient du discours funéraire de Monsieur Orban, reproduit dans un hebdomaire de la région Huy-Waremme paraissant le samedi, daté du 28 février 1938 et nous communiqué par monsieur Jean Mossoux.
La parenté entre Lambert et Louis Lepage a été établie par les recherches de monsieur Benoît Louis.
Nous les en remercions vivement.


La famille de Potesta roule en automobile depuis de longues années. En témoignent différentes photos dont les plus anciennes ont été réalisées à partir de plaques photographiques en verre (commercialisées à partir des années 1890). Ce sont généralement des véhicules qui ne protègent pas le conducteur des intempéries – soit qu'il n'y ait tout simplement pas de toit au véhicule, soit que l'habitacle ne commence qu'après le siège du chauffeur.

en voiture sans toit de carrosserie

Brrr ! Quel temps pour aller en voiture ! Qu'on soit chauffeur ou passager…
Famille de Potesta, plaque photographique s.d.

En 1929, le baron René de Potesta change de voiture. Pour remplacer sa Voisin qui date de 1921, où le conducteur est exposé aux intempéries, il choisit une Buick 21 HP, conduite intérieure – ce qui indique que chauffeur et passagers sont tous installés à l'abri, à l'intérieur de la carrosserie.

Ce changement lui vaut une proposition d'assurance de la Cie belge d'Assurances Générales sise à Bruxelles. Le courtier lui fait remarquer que les tarifs, depuis 1921, « ont subi des hausses considérables, en présence du nombre croissant de sinistres, du coût élevé des réparations en cas d'accident et de la situation résultant de la dévalorisation du franc. C'est vous dire que nous ne pourrons acter le changement survenu dans votre risque que par l'application de nouvelles conditions. »
La prime est calculée en fonction de la garantie assurée : 1.050 francs pour une garantie de 100.000 fr, 1.100 fr pour 200.000 fr, 1.250 fr pour une garantie... illimitée, ce qui est inférieur au tarif normal, souligne l'assureur qui lui offre une ristourne de plus de 20 % « eu égard aux bonnes relations qui n'ont cessé d'exister entre vous [le baron] et notre Compagnie. »
Le baron a dû apprécier et comprendre car en matière d'accident... la famille en avait connu !

phto d'une voiture accidentée sur le point de basculer d'une colline

Accident d'un véhicule de la famille de Potesta,
plaque photographique s.d. (probablement de l'époque du Baron Édouard).



En mai 1940, la Deuxième guerre mondiale éclate !

Cela fait des mois que le Gouvernement belge, et les pouvoirs publics de tous niveaux y compris communal, se sont inquiétés de la situation politique européenne et de la menace d’une nouvelle invasion allemande; des plans, d'ailleurs souvent critiqués par les parlementaires, ont été mis en place.

L’État, par exemple, a prévu l'évacuation des populations les plus directement menacées (celles les plus proches de la frontière allemande). Rassurante à court terme, cette organisation va pourtant laisser à désirer car les pouvoirs communaux sont seuls juges alors qu'ils estiment que c'est aux autorités administratives et militaires à prendre cette responsabilité.
Et quand c'est l'exode...

À Hermalle, la population a été avertie par un courrier communal en décembre 1939, du parcours de 29 km qu’elle sera tenue de suivre par ses propres moyens pour aller à Momalle prendre le train qui la mettra à l’abri.

Mais quand l’attaque allemande se déclenche et que le Génie belge fait à nouveau sauter les ponts d’Engis et Hermalle – comme en 1914 –, chacun ne pense qu’à sauver sa peau et part – en camion, en voiture, en charrette, à vélo ou à pied – dans un immense chaos.

Arthur Vandebosch, fondateur de la section locale de la Croix-Rouge d'Engis décrit la situation pour sa commune, 60 ans plus tard dans le journal du Centre culturel L'Aguesse du 10 novembre 2005 :

«  Les Messieurs-Dames filent dans leurs autos.  Les pauvres diables s'en vont nantis d'un bric-à-brac qui serait du plus haut comique, si ce n'était la situation tragique dans laquelle nous nous trouvons. Cet exode est souhaité par l'ennemi : il entravera nos moyens de défense. Nos malheureux concitoyens vont payer cher cet exode : 14.000 d'entre eux seront tués par les bombardements. Il y a cependant une loi votée le 5 mars 1935 sur la mobilisation civile qui astreint tous les fonctionnaires à rester sur place quoi qu'il arrive ; loi qui prévoit des sanctions allant de 1 mois à 1 an de prison sans préjudice des peines disciplinaires. Mais la loi ne compte plus, c'est la nécessité qui fait la loi, selon un vieux proverbe boche.

(…) Des détonations se font entendre. Une explosion plus forte que toutes les autres nous jette à bas du lit : c'est le pont qui saute, il est 3 h 1/2.
On s'habille, on sort. Sur la route, vers chez Méard, des débris de toutes sortes jonchent le sol, les toitures sont criblées de trous, les carreaux sont cassés. Un cheval, toutes les entrailles dehors, est étendu sur l'accotement près de la maison Noirfalize. Le pont fait deux V majestueux, pointes vers le bas, entre les piles de la Meuse.

(…) Nous avons deux militaires tués, un autre a le fémur fracturé, un vieillard a le bassin défoncé, d'autres personnes sont couvertes de contusions, etc. «  Et alors, dis-je, les médecins sont auprès de nos blessés ? ». « Les médecins, fait M. Mélard, mais ils sont tous partis en exode. » Et nos infirmières qui avaient pris la garde ? Elles sont parties, comme sont partis les D.A.P. et toute la police auxiliaire.

(…) Nous voudrions envoyer nos blessés graves dans une formation où ils pourraient recevoir les soins voulus.  Les réponses viennent : ni Liège ni Huy ne désirent recevoir des blessés de notre section.  Il n'y a plus aucun médecin à 10 kms à la ronde.  Nous nous replions sur nous-mêmes, on tiendra. »


Certains Hermalliens tentent bien de gagner le lointain lieu de sauvegarde : Dottignies (village de Mouscron près de la frontière française), mais d’autres sont brimbalés de villages en villages au gré des bombardements, de la pénurie alimentaire, de l’accueil de la population et des autorités françaises.

Voici, pour comparaison, une carte qui retrace les parcours (aller-retour depuis Hermalle et Engis) de la famille Mossoux, et de Jean-Raoul Troquay qui recoupe en partie celui de Georges Longrée et Léonie Jacques :

tracé de deux parcours d'exode


Émile Fouarge n’a pas quitté Hermalle en mai 1940.
Avec quelques personnes, il organise un service de ravitaillement et la surveillance des fermes et des magasins abandonnés par leurs exploitants.
Faisant temporairement fonction de bourgmestre car le socialiste élu en 1936, Édouard Vandeweghe, est parti en exode comme pas mal de ses administrés, Émile Fouarge est menacé par les Allemands d’arrestation et d’exécution, faute de pouvoir fournir la main d’œuvre indispensable à la réparation des routes abimées par le charroi militaire. Il est sauvé par Hubert Obrié, l’ancien majordome du château, capable d’expliquer en allemand qu’étant donné l’évacuation des habitants, plus personne n’est disponible pour ce travail.
La Résistance va naitre et s'organiser ; pendant toute la guerre, membre du Mouvement national belge, Émile Fouarge  va s’occuper de la presse clandestine, avec l'aide de son épouse et de ses jeunes enfants Jean, Richard et Arlette qui décèdera à l’âge de 10 ans mais sera citée en 1945.

Rentré à Hermalle, Édouard Vandeweghe sera révoqué pour abandon de poste (arrêté du 13 juin 1941) par l'Autorité militaire allemande qui lui choisira, le 17 janvier 1942, un remplaçant en la personne de Louis Galère, tailleur de profession. Ce Hermallien était connu comme rexiste et, suite à des remarques qu'on lui avait faites, avait plusieurs fois menacé Édouard Vandeweghe de l’envoyer en Allemagne.
Face à des résistants qui tentent de lui voler le sceau communal, ce « bourgmestre de guerre » les mettra en fuite par menace armée. À partir de janvier 1944, il deviendra commandant, en uniforme, de la Formation B régionale, une unité (parfois appelée Étendard de Protection Paul Colin) chargée de la protection des autorités civiles rexistes. En déplacement ou pour la simple distribution des timbres de ravitaillement à la commune, il se fera accompagner de deux gardes du corps armés.
À la Libération, il prendra la fuite mais sera condamné en 1946 pour collaboration politique avec, en appel, trois ans d’emprisonnement et une amende de 40 000 francs.
Édouard Vandeweghe retrouvera sa place comme bourgmestre légal ; il sera réélu en 1946 et en 1952. Au plan professionnel, il a été directeur des Magasins de l'Union coopérative, rue Joseph Wauters (actuelle chaussée Freddy Terwagne) dont sa fille tenait la boucherie – témoignage de Victor Dardenne †).

Membres du conseil communal avec le maieur Vandeweghe

Édouard Vandeweghe portant la ceinture maïorale entouré des membres du conseil communal.
De g. à droite :
1 homme non identifié, Jules Sacré (le 2e, décoré), Julien Dardenne (arrière plan), Augustin Ameil,
Édouard Vandeweghe, Camille Moisse (secrétaire communal en arrière-plan), Henri Hayman, 2 personnes non identifiées,
Léon Hennuy, 1 homme non identifié, René Lebon et Victor Dumont.



En janvier 1942, l'hiver est si rude que la Meuse a gelé et qu'on peut la traverser à pied.

photo d'époque


La famille de Potesta - III :


En famille et dans le village, René de Potesta est jugé rigoureux voire difficile.
Il est fort bon tireur au tir aux pigeons ce qui l’amène à de fréquents voyages ; au retour de l'un d'eux, il ramène un Séquoia dendron giganteum, d'abord placé du côté du potager, puis déplacé à l'aide d'une grue dans la drève, en façade nord de la Ferme castrale. Ce séquoia est répertorié arbre remarquable par la Région wallonne depuis 2000. Le parc compte aussi un orme classé, cité dans le livre des arbres remarquables de Belgique, un catalpa et un tulipier de Virginie. La propriété compte alors 600 hectares.

peinture : le château en 1938

J. Silvestre, Le Château de Hermalle-sous-Huy, 1938.

Deuxième Guerre mondiale.

En 1943, au château, la famille fait ses courses comme tout un chacun : savon, thé, cacao, lames de razoir [sic], vêtements pour les enfants (robes pour Hélène et Anne, pyjama, chemises et gants pour Charles), et livres – de Carlo Bronne (Les Abeilles du manteau), Mazo De la Roche (Le Maitre de Jalna), René Besson (Destins en vrac), Friedrich Hartnagel (Amazones de Broadway) –, mais ces déplacements anodins cachent une autre réalité :

René de Potesta, 44 ans, s’est engagé activement dans l'AS, l’Armée Secrète, à l'état-major de la Région de Namur. Successivement chef de plaine et adjoint au chef de parachutage d’un secteur, il transporte armes, munitions, vivres, postes émetteurs.

Sans doute est-ce pour lui que la Gestapo débarque à Hermalle-sous-Huy le 4 mars 1943. Mais Jules Leclercq, caché par le fermier Wéry dans la Ferme castrale, prend peur et tente de s’échapper. Il est aussitôt abattu par les Allemands tout près de l’entrée du château. Une plaque sur le mur d'enceinte du site castral – chaussée Freddy Terwagne – rappelle, sans ambages, le décès de ce résistant.

texte : Ici tomba le Patriote Leclercq Jules lâchement assassiné par la gastapo 4 mars 1943

Dénoncé par un résistant chef de plaine à l’A.S., qui était en fait… un agent de la Gestapo carolorégienne !, René de Potesta est arrêté le 13 juin 1944 à Maredsous (Denée) avec des moines de l'Abbaye.
Torturé à Namur, le baron est ensuite incarcéré à Mons, puis à Charleroi. En aout, il est envoyé vers une destination inconnue.
Son épouse Alie – qui réside avec leurs deux filles au château Saint-Marc d’Annevoie tandis que le fils Charles est à Hermalle avec sa grand-mère, la baronne Isabelle – tente vainement, pendant des mois, de retrouver sa trace. Quelques maigres informations vont peu à peu surgir sur les conditions de détention de René et sur son état avant le transfert, mais en février 1945, la baronne ignore toujours où il se trouve.

On apprendra plus tard que René a été envoyé à Buchenwald puis dans le kommando de Blankenburg-Klosterwerke lié au tristement célèbre camp de Dora. Pendant 7 mois René de Potesta y subit comme les autres la vie décrite par Lucien Defauw ; comme lui, il va devoir faire la marche forcée d'évacuation de 80 km jusqu'à Magdebourg puis être embarqué sur une péniche pour descendre vers Lubeck où grâce à Folke Bernadotte, la Croix-Rouge prend en charge les prisonniers qui ont réussi à survivre et les transfère en Suède.

Vers le 13 mai 1945, un télégramme a appris à Alie l’arrivée de René dans en Allemagne.
Elle peut enfin correspondre avec son époux et lui donne des nouvelles de la famille et des amis : leur fils Charles, qui dès octobre 1944 voulait s’engager pour venger son père, est caporal dans les Fusiliers stationnés en Allemagne occupée ; Anne, leur fille cadette, se rend trois à quatre fois par semaine à Namur, au service des prisonniers revenus d’Allemagne ; le château de Hermalle est plus beau que jamais, hormis quelques carreaux cassés par les V1 ; etc.
Elle aussi lui envoie des colis.

René de Potesta est rapatrié le 5 ou le 6 juillet 1945.
Son fils ainé Charles, stationné à Verviers, est averti de son retour par un télégramme d'Alie le 13 juillet : PRIERE PREVENIR CAPORAL CHARLES DE POTESTA 22-EME MATAILLON (sic) 4_ME COMPAGNIE RETOUR SON PERE

Extrait de la Citation de l'Armée Secrète - 25 mars 1946 : (...) il [René de Potesta] se laisse torturer plutôt que de parler.  Bien plus, il risque de perdre sa dernière chance de sauver sa tête en prévenant à plusieurs reprises ses compagnons du danger qu'ils courent.

Le dénonciateur, Raoul Cassart, né à Ittre le 12 juillet 1904, sera traduit en justice devant le Conseil de guerre à Namur, et René de Potesta y témoignera. Le procès durera plusieurs jours et l'auditeur requerra 20 ans d'emprisonnement contre Cassart en juin 1948 tandis que la défense plaidera l'acquittement.  Le quotidien Vers l'Avenir y consacrera plusieurs articles.  
La Cour Militaire de Liège clôturera ce dossier, infligeant à Cassart 15 ans de détention ordinaire et accordant le franc symbolique à la partie civile du baron de Potesta.

Bien des choses se sont passées à Hermalle, Clermont et Engis pendant son séjour en Allemagne… Attentat contre un train allemand à la Mallieue en 1943, bateau allemand coulé dans la Meuse à hauteur de Hermalle par un avion anglais et vedette allemande détruite par la résistance la même année.

carte légendée avec attaques, bombes, etc.

La destruction de la vedette suscite évidemment des représailles : l'occupant rafle la famille Martin – père, mère et deux enfants – qui habite à proximité, à la limite de Hermalle et Ombret, et l'envoie en camp de concentration. N'en reviendront que deux personnes, le père et un fils ayant disparu au camp de Buchenwald.  Les postiers hutois honoreront leur mémoire par la pose d'une stèle dans la Grand poste de Huy. Et lorsque le bâtiment postal de Huy sera désaffecté, le monument – qui semble être le seul mémoriel dédié à des postiers – sera installé à l'entrée du musée Postes restantes dans la Ferme castrale de Hermalle-sous-Huy.

Grand poste de Huy  stèle mémorielle

Le 7 septembre 1944, enfin ! Les libérateurs américains sont tout proches, à Ombret.

Les Allemands font donc sauter le petit pont qui enjambe le ruisseau d'Oxhe pour les empêcher d'emprunter la grand-route qui mène directement au village de Hermalle.

Guidée par trois Hermalliens – Félix Halleur, René Davignon (cousin de Jules Lecrenier) et Jean Welliquet –, les premiers véhicules de l'armée de libération vont contourner la colline du Thier d'Olne et suivre l'antique chemin romain qui la mènera jusqu'à se faufiler entre la Ferme castrale (cachée par les arbres, à gauche, sur la photo suivante) et la Cense cassal (mur de droite) et déboucher enfin sur la place du village (qui s'appela ensuite place des Combattants). 

photo

Premier véhicule à entrer à Hermalle : une jeep Willys. Félix Halleur, René Davignon (cousin de Jules Lecrenier) et Jean Welliquet sont juchés sur le véhicule à côté des G I’s dont l'officier gardait en permanence la main sur son révolver.
L’homme au brassard qui court à gauche est Jules Lecrenier (le fils de l’ancien receveur communal Camille Lecrenier déporté par les Allemands pendant la Première Guerre mondiale) ; la femme souriante est Yvonne Sauveur. 
 Reproduction avec l’aimable autorisation de Jules Hastir ;
informations de Francis, fils de Jules Lecrenier.


Suivent d'autres véhicules légers dont un half-track du Combat Command A de la 3e Division blindée et des « autos blindées ».
Les blindés lourds de l'armée US du type Patton n'arriveront que le lendemain, par la voie directe normale, le génie ayant installé un pont sur l'Oxhe et ils commenceront à défiler dans le village, en direction d'Ivoz-Ramet. Mais l'armée américaine installe aussi un camp dans le domaine de la famille de Potesta, juste en face du cimetière villageois (voir la carte ci-dessus).
portrait photographique

Yvonne Ramackers, Hermallienne licenciée en langues germaniques,
servira d'interprète pour les nouveaux arrivés.

Hermalle est libérée mais la guerre n'en est pas finie pour autant.
Le 4 janvier 1945, une bombe volante tombe à Engis et tue deux personnes : Victor Bourguignon, 41 ans, combattant et prisonnier de guerre, rentré grand invalide et pourtant devenu maquisard dans l'Armée secrète, et son fils Marcel âgé de 9 ans.

En aout suivant, un grand cortège dont témoignent pas mal de photos parcourt le centre du village de Hermalle. En voici une explicite :

groupe de la Croix-Rouge

Participants et public se retrouvent ensuite au château pour commémorer le retour des prisonniers de guerre. Cette phto nous a été transmise par Victor Dardenne † :

photo plongeante sur la foule

Le photographe liégeois Félix Célis, lui, immortalise l'ensemble des soldats et résistants hermalliens, dont 6 femmes,  rassemblés dans la cour du château :

photo du groupe

Plus de cinq ans après la fin de la guerre, dans les années 1950,  les deux cloches (sur les trois que possédait l'église d'Hermalle), réquisitionnées par les soldats allemands pour être fondues et transformées en canons, sont enfin remplacées aux frais de l'État, en vertu de la loi du 6 juillet 1948.

photo des cloches sur la place de l'église

Sur le parvis de l'église Saint-Martin, le jour d'arrivée des deux nouvelles cloches

Deux dalles commémorent la mémoire des héros villageois des deux guerres mondiales, l'une placée longtemps sur le côté de l'ancienne maison communale – rue Wérihet –, puis déplacée sur le mur de l'église Saint-Martin pour cause de réaffectation du bâtiment communal,

photo de la plaque murale

l'autre contre l'église Saint-Martin - place des Combattants ; ce dernier monument a été déplacé vers le chevet de l'église lors de la rénovation de la place en 2013.

photo du monument en pierre bleue


Mais rien ne rappelle l'action des résistants et plus particulièrement celle de deux jeunes femmes…


Onolinda Cunaccia :


Elle nait le 1er octobre 1909 à Wells Creek. P.a., Comté de Somerset, Pennsylvanie, d'un couple d'ouvriers italiens originaires de Pinzolo (Trente, Italie) et possède donc la nationalité américaine.
Elle a 16 ans quand la famille arrive d'Italie en Belgique et s'installe à Gives (Ben Ahin) où « Linda » va travailler au charbonnage. Trois ans plus tard, elle déménage avec ses parents à Dudelange (Grand Duché de Luxembourg) et devient servante.
Le 6 juillet 1929, elle épouse à St-Georges « Joseph » Giuseppe Gianni Ceol, de six ans plus âgé, arrivé en Belgique en 1924 et devenu Engissois depuis 1927. Le couple va vivre successivement à Engis, Amay, Saint-Georges. La Sureté de l'État signale que Linda « parait honnête ». Elle ne travaille plus : Joseph a un bon salaire à l’usine de Flône.

photo de Linda

Le 25 avril 1936, la Gendarmerie contrôle les six participants à une réunion antifasciste à la maison du Peuple d’Engis. Parmi eux se trouvent Joseph et son cousin Lino Scarian, connu comme militant communiste. La Sureté publique enquête sur l’ « attitude au point de vue politique de Joseph »…  Elle constate qu'il est absent des meetings ou manifestation subversive du canton, non abonné à un journal subversif,… mais qu'il reçoit quotidiennement la visite de Lino.

Celui-ci, persécuté par l'OVRA (Organisation fasciste italienne de répression des anti-fascistes), a émigré en France (1923) puis en Belgique (1924). 
Lino devient délégué des groupes de langue italienne au comité central du P.C.B. (Parti Communiste Belge), responsable local à Engis de la section italienne du Secours Rouge International. En 1936, la guerre civile éclate en Espagne et Lino s'engage car

« Ayant souffert depuis mon enfance, je ne pouvais pas être absent de la lutte du peuple espagnol pour le pain et la liberté menacée (...) En tant qu'ouvrier opprimé et amoureux de la liberté, je me suis précipité à son secours et j'ai été parmi les premiers internationaux à avoir pris les armes contre l'ennemi commun : le fascisme. »

En septembre 1936 Lino se bat dans le bataillon Garibaldi, combat sur tous les fronts de Madrid à Guadalajara où il est blessé. Plus tard, dans le 2e bataillon de la brigade Garibaldi, il est présent dans toutes les actions militaires du département. Blessé sur le front de l'Èbre (07-11-1938), il rentre en France en 1939 et est interné au camp de Gurs.  
Il est évident que la famille Céol a subi l'influence de Lino Scarian et fermement partagé ses idées.

Linda et Joseph adoptent José Miguel Berastegui, un des 5130 enfants abrités en Belgique pendant cette guerre. « Zio (oncle) José » – comme l'appellera la famille –, décèdera à Huy le 30 juillet 2006, âgé de 81 ans.

Le 11 janvier 1941, le couple déménage à Hermalle /s Huy, Rue Magotte 218, avec ses deux fillettes Gloria et Jeannine (nées en 1933 et 1936).
Linda a gardé sa nationalité américaine mais, sur le conseil de Camille Moisse, secrétaire communal hermallien de l'époque, se fait inscrire comme Italienne au registre de la population pour éviter des représailles des Allemands. La situation administrative aurait dû être rétablie une fois le danger écarté ; ce ne sera fait qu'en 1962 lorsqu'elle souhaitera revoir ses frères et sœurs aux USA.
La même année, le consul italien signale que Lino a repris ses activités de résistance antifasciste. En fait, Lino sera reconnu résistant armé à partir du 1er juin 1940… la Belgique ayant été envahie le 10 août.

Les petites-filles de Linda, indépendamment l’une de l’autre, affirment que Linda était très taiseuse mais qu'« elle a sauvé le village ».  Elles sont certaines qu’elle a caché des Anglais et des Américains dans des galeries horizontales donnant sur le puits au fond du jardin – mais en 2021, il n’y a pas de puits… dans ce jardin de la rue Magotte.

poto de lino et Linda

1963 : Lino et Linda avec les petit-enfants
René (fils de Gloria), Chantal et Danièle (filles de Jeannine)


Deux certitudes :

1 - Elle a gardé un contact ininterrompu avec Lino Scarian, « ouvrier d’abattoir », domicilié à Hermalle-sous-Huy, reconnu résistant armé pour avoir
  • diffusé de la presse clandestine ; abrité un dépôt d’armes ;
  • brulé des champs de colza et de lin ;
  • participé à l’enlèvement des registres de la population à l’administration communale ;
  • hébergé des réfractaires et des résistants ;
  • aidé à l’évasion d’un prisonnier russe ;
  • été membre du Front de l’Indépendance, partisan armé III/1271.
2 - En 1962, un document administratif relatif à la nationalité de Linda indiquait 

« (...) De plus CUNACCIA est décorée de la Médaille de la résistance belge lui décernée par Ar. Min. n°5384 en date du 17/9/1948. »

Pour quels faits ? On l’ignore toujours…

Le 30 novembre 1948, famille et enfants ont déménagé de la rue Wauters Hermalle à Amay, ch. de Liège. Joseph est décédé en 1960, Lino en 1975, Jeannine en 1980, Linda en ±1990…




Marie José Brasseur :


Marie José, Thérèse, Joséphine, Brasseur nait le 22 aout 1926 à Hermalle-sous-Huy.  Elle habite avec ses parents, Jules Joseph Brasseur et Marie Victorine Rasquin, rue d’Aux Houx 203 à Hermalle.  

À l’âge de 16 ans et demi, elle est déjà affiliée aux mouvements clandestins S.R.A., Association des Filiéristes et Aide aux Ailes Brisées Alliées.
Elle est membre actif du Service D, mouvement de résistance armée. Elle a fait partie du réseau Escape et de l’U.S.R.A. (Union des Services de Renseignement et d’Action).

Son père Jules est un résistant convaincu : il va héberger des résistants, des parachutistes anglais et des prisonniers évadés d'Allemagne, et fabriquer des fausses cartes d'identité, de travail et des timbres de ravitaillement que Marie-José transmet. Elle vend aussi des vignettes représentant des fusillés de la citadelle et des journaux clandestins (ex. Le Coq Wallon et L'Arc-en-ciel) à des Hermalliens et à quatre régentes à l‘École moyenne de Huy où elle se rend à vélo en tant qu’élève ; elle remet les sommes recueillies à son père.
De son propre aveu, Marie-José lui obéit lorsqu’elle conduit des français évadés, et des paras Anglais sur le chemin qui les mène à un réseau de prise en charge.
En 1948 : elle est reconnue résistante armée isolée (n’appartenant pas à un groupement).

En 1949, monitrice dans un home ONE de Comblain-au-Pont, elle introduit une demande de reconnaissance au titre de résistante civile et l’obtient.
La commission de contrôle de Liège fait appel pour lui refuser ce titre car le Commissaire de l'État J. Blanpain donne pour avis : 

« (…) En fait l'activité principale était l‘œuvre de son père mais occasionnellement elle a été chargée par celui-ci de conduire à une autre personne des hébergés par son père; elle a également remis sur les ordres de son père des timbres et cartes d'identité, etc. à des gens qu'elle ne connaissait pas personnellement. Les faits sont attestés par (…)
Quoi qu'il en soit j'estime que pour louable et méritoire qu'elle ait été, cette activité ne peut valoir le titre de Résistant Civil. ».

 
Et le titre lui est retiré !

En fait, elle a trop minimisé son action : diverses attestations, dont la première date de 1942 !, indiquent
  • qu’elle servait aussi d’agent de renseignement,
  • qu’elle a apporté une aide précieuse aux prisonniers français évadés jusqu’à la Libération (daté 1947),
  • qu’elle a mis en lieu sûr des personnes hébergées lors de perquisition allemandes,
  • qu’elle a transporté depuis le dépôt du domicile hermallien, de 1943 à la Libération, des armes et des munitions nécessaires à l’A.S., à l’A.Lib., aux Partisans Armés et au 1er régiment du M.P. du Front de l'Indépendance, secteur Huy-Waremme (daté 1947),
  • qu’elle a fourni des vêtements civils à des prisonniers russes cachés au Bas-Bois (daté 1953).
Elle va en appel ; une enquête s’en suit (avec des questions pointues auxquelles il doit être difficile de répondre 10 ans après les faits, d’autant que le secret et le compartimentage étaient des impératifs de sécurité…) et, le 14 novembre 1953, elle obtient le « droit au titre de Résistant civil » pour la période du 31 mars 1943 au 8 septembre 1944.

Pour sa qualité de résistante armée, il y a aussi eu révision et cette qualité a été maintenue pour les actes
  • pilotage d'aviateurs - prisonniers évadés (Français et Russes)
  • placement et aide aux réfractaires
  • diffusion de la presse clandestine
  • membre réseau Escape : carte n° 306
  • membre U.S.R.A. - carte n° 782

Elle était alors mariée à Joseph Lomba et habitait à Seraing.

photo de Marie josé

Elle épousera en secondes noces Jean Del Bel Belluz qui nous a permis, en 2014, de photographier ses médailles.

les médailles

De gauche à droite : médaille « 1940 1944 Association nationale des filiéristes passeurs d’hommes de Belgique » ;
médaille de la Résistance armée « 1940 Resistere 1945 »  ; médaille de l’Union de la Résistance et Jeunesse patriotique belge « Résistance belge 1940-1944 », avec étoile en agrafe sur le ruban rouge et noir ;
médaille commémorative de la guerre 1940-1945  avec petite agrafe au ruban,
en forme de sabres croisés indiquant le service au combat en 1940 ou dans la Résistance armée.



Quasiment personne, même parmi les anciens de Hermalle, ne se souvient de ces courageuses jeunes femmes en 2020.

Certains n'ont découvert la qualité de résistante de Marie José qu'à son décès, son deuxième époux ayant fait placer les médailles sur le cercueil.
Pour Linda, il n'y a plus que la pauvre parole de ses petites-filles.

Quatre autres femmes ont aussi été résistantes mais nous ne connaissons que les noms de Jeanne Derwael l'infirmière, Laure Charlier l'épouse du garde-champêtre Vandeweghe, Isabelle Massart-Leroux... Rien sur leur vie. Merci pour vos compléments d'information ! Merci aussi de nous communiquer le ou les exemplaires de La vaillante hermallienne, Bulletin patriotique ne se soumettant à aucune censure, si vous en retrouvez.  Nous n'avons qu'une copie de l'exemplaire d'octobre 1943 – d'ailleurs menaçant un habitant…

Côté masculin, pour Hermalle et Engis, sont restés en mémoire soit par la parole des anciens, soit par la presse, soit par des photos et documents divers, soit par le nom de rues les patronymes des combattants résistants René de Potesta, Louis Dispas, Pierre Servais, Victor Bourguignon, Renier Baldewijns qui dirigeait le réseau local du Front de l’Indépendance. Alphonse Lecarte, chef de section de l’Armée secrète, et Nicolas Lhomme qui décéda le 30 mars 1945 dans le camp de concentration d’Ellrich.
Et encore Roger Ancia qui fut emprisonné à la citadelle de Liège avec Émile Dehin, le chef de réseau local du Front de l’Indépendance. Gaston Libert le fils du batelier, et René Dengis engagé volontaire à 18 ans aux chasseurs ardennais, René Boneux et Raoul Mossoux qui transportait des journaux clandestins et des marchandises pour les réfractaires de la commune d’Antheit dans le camion de la coopérative…
Il faut aussi se rappeler Georges Longrée qu’on a longtemps considéré comme un traitre alors qu'il accomplit de très nombreux actes de résistance et entra finalement dans la Gestapo avec l'intention de jouer un double jeu. Soupçonné et dénoncé par un de ses nouveaux collègues, il fut arrêté le 18 aout, torturé, incarcéré à la citadelle, condamné à mort et exécuté d'une rafale de mitraillette.


Dans un tout autre domaine, rien ne rappelle non plus que les rails de la 4e ligne de tramways ouverte par la Société Nationale des Chemins de fer Vicinaux (SNCV)  le 25 octobre 1913 entre Engis (gare) et Dammartin ont été démontés par l'occupant allemand en 1916 et réutilisés sur les chemins de fer militaires du front de l'Yser… 
Cette ligne fut reconstruite en 1923 et, n'étant utilisée que par peu de gens, fut supprimée en 1932 au profit des autobus ; comme le nombre de ceux-ci fut fortement réduit pendant la Deuxième Guerre mondiale, elle retrouva du service pendant quelques années - jusqu'au 19 mars 1950.  Il en reste quelques rails place des Déportés et des Réfractaires…

les rails devant la gare

Il ne reste rien, par contre, des câbles électriques qui permettaient le roulage des trolleybus (autobus à traction électrique dont le moteur reçoit le courant des câbles aériens conducteurs, les caténaires, par l'intermédiaire d'une perche mobile). Une ligne de la RELSE (Société Anonyme des Railways économiques de Liège-Seraing et extensions) a pourtant existé… Elle devait prolonger la liaison électrique Seraing-Ivoz jusqu'à la Mallieue et ce projet avait été approuvé par arrêté royal le 26 mars 1938.
Mais la guerre a modifié les plans : le pont-barrage d'Ivoz-Ramet étant détruit, la jonction du tronçon de la rive droite avec Flémalle n'est plus possible. Flémalle-Haute (passage à niveau)-Engis, ouverte le 5 janvier 1942, reste donc isolée du reste du réseau ; parqués au dépôt de Jemeppe, ses trolleys bi-mode arrivent à la tête de ligne de Flémalle grâce à la ligne de tramway et à leurs batteries qui permettent la très longue traversée du passage à niveau de Flémalle. Bien que prolongée jusqu'à la Mallieue le 5 janvier 1943 par un arrêté du Collège des Secrétaires généraux (qui fut confirmé le 11 février 1946 par un arrêté du Régent), l'exploitation de la ligne ne devient régulière qu'en octobre 1945 car la libération de Liège et le transit des convois alliés participent, autant que la pénurie de pneus et les restrictions d'électricité, à de nombreuses perturbations.
L'unification des tronçons des deux rives formant un trajet de 12 kilomètres[Lambou] se fait le 10 mars 1948, après la reconstruction du pont-barrage mais la section vers la Mallieue n'est constituée que d'une ligne, pour des raisons d'économie, et cela impose des changements de polarité et des déplacements de perches au personnel. Jusqu'aux années 1960, le départ vers la Mallieue se fait à chaque heure 47. Le 31 aout 1963, la ligne de trolley est arrêtée et remplacée par un service d'autobus ; les câbles, démontés l'année suivante, vont être largement réutilisés pour l'aménagement du tram vert au nouveau pont de Seraing[Godeaux].

Édouard Vandeweghe a donc été nommé bourgmestre de Hermalle en 1946 ; fort actif et apprécié, il va être réélu pour la législature 1952-1958. La cité d'habitations sociales construite au début des années 1960 portera son nom.

La population s'enrichit d'étrangers, et notamment d'Italiens. 
La reconstruction du pays après la Deuxième Guerre mondiale nécessitant une importante main d'œuvre, un protocole a été signé en 1946 entre la Belgique et l'Italie, garantissant des livraisons de charbon contre… 50 000 travailleurs que le gouvernement belge s'engage à loger et à payer décemment. Nous avons trouvé le témoignage d'un enfant d'immigrés [14] :

« Au début de 1947, la famille Barcaro vit à Vicenza, près de Venise. Le père, maçon fumiste - donc capable de travailler dans les fours à chaux –, a vent de la possibilité d'aller travailler en Belgique, en échange d'un bon salaire. Voyant là une solution à la misère, il décide de tenter le coup. Il signe un contrat avec la carrière des fours à chaux à Hermalle-sous-Huy et part seul au mois de février. Puis revient chercher femme et enfants en octobre.
Armando, cadet de la famille, a alors 4 ans. Il se rappelle…
«On était rassemblé sur le quai numéro 6 à la gare de Milano Centrale. On a voyagé dans des wagons en bois qui servaient au transport des troupes pendant la guerre 14-18. On a changé plusieurs fois de trains, notamment en Suisse. Puis on est arrivé à Liège-Guillemins. La rame de wagons a été rattachée à un train de marchandises, jusque Hermalle-sous-Huy, où on est arrivé dans une gare de triage après un voyage de plus de 20 heures.»
La première nuit, les Barcaro seront logés par une famille amie, aussi originaire de Vicenza. Le lendemain, ils s'installent dans la «maison» qui leur a été attribuée par la carrière où travaille le papa. Il s'agit d'une maison de quatre pièces au rez-de-chaussée et quatre pièces à l'étage… à partager à deux familles!  Les Barcaro s'installeront à l'étage.
Il n'y a pas de WC : le papa a lui-même creusé la feuillée au fond du jardin !
Un robinet et un poêle seront les seuls éléments de confort.
L'art de la débrouille, un peu de braconnage et de chapardage sont indispensables pour tenir le coup et manger à sa faim.
Par contre, dès leur arrivée, les enfants sont scolarisés et suivis, au niveau de la santé, par la Croix- Rouge de Belgique. Armando, anémique, sera d'ailleurs soigné pendant quelques temps dans un centre à Dolhain.
Le dimanche, les familles italiennes se réunissent à la Cantina, où les femmes discutent et les hommes jouent aux boules autour de charcuteries ou d'une pizza typiquement de là-bas… Deux ans plus tard, la famille s'installe à Engis, dans une petite maison unifamiliale avec un jardin, appartenant toujours à la carrière. »

Au centre de Hermalle, le cimetière emmuré qui longeait les deux flancs de l'église est réduit de moitié : sa partie sud, rasée, devient la place des Combattants, et la « place de l'église » (au nord de l'église, entre le mur du cimetière et la rue Gerée), où se réunissaient les villageois et où jouaient les enfants, perd son attrait public.

Quand je revois cette chère petite place déserte,
Je ressens comme un malaise, une espèce d’angoisse.
Son grand calme actuel me pèse sur le cœur
Quand on a connu naguère, tant de bruit et d’ardeur.

Tout gamin, la place était le privilège de nos ébats.
Elle a connu toutes nos prouesses et nos heureux exploits.
Le talus offrait une belle glissade en face du presbytère.
Notre souci, retrouver la balle dans le vieux cimetière.

Le soir nous rentrions parfois tout penaud [sic].
Lorsque nous marchions, le sabot donnait un son faux.
Le dribling trop rude avait créé l’accident ;
Remontrances, et petit cercle, servaient de renforcement.

La ruelle de l’Église était propice pour jouer des farces.
Avec une betterave, OSCAR, ce truculent comparse,
Avait fabriqué une tête de mort éclairée par une bougie.
Vue par dessus le mur, le passant RAPHAEL frisa l’apoplexie.

Le jeu de la cachette nous intéressait en particulier
Les murs, les véhicules, tout obstacle devenait un allié
Découvert, un sprint effréné désignait le gagnant ;
Nous avons battu des records, mais le chrono était absent.

Nous étions témoins des activités des fermes du château.

Dès l’aube, c’était le vacarme pour le repas des animaux.
Mélodie champêtre, piaffement et beuglement du bétail.
Pour les travaux, on apprêtait tout l’attirail.

photo des chevaux

Attelage dans la cour de la Ferme castrale. Nous remercions l'auteur de cette photo de se faire connaitre.

La sortie des chevaux était un spectacle inoubliable ;
Tête fière, crinière lissée, leur beauté était remarquable.
Dans le frimas du matin, la buée sortant de leurs naseaux
S’élevait vers le ciel en petits nuages de vapeur d’eau.

La saison des pâquerettes retrouvera le troupeau dans le pré.
Pour la traite, les vaches rentreront avec le vacher.
Assises sur un tabouret, les trayeuses collées à la panse
En rayons croisés, tireront le lait en abondance.

La rentrée des moissons nécessitait un nombreux personnel.
Sous le porche, la perte de gerbes était traditionnelle.
Les bras manieront la fourche pour la mise en place,
Un chardon mal placé décochera à l’entasseur une grimace.

Eh oui, bien sûr, c’était le temps de notre jeunesse.
Les décades ont passé amenant une certaine richesse.
L’affirmation n’empêche pas le droit de rêver,
Détruisons le moderne et les jeunes pourront travailler.

La petite place si déserte à présent me fait mal au cœur.
Pareil à la démolition de Flône, me donne la rancœur.
Le temps passé était difficile mais il faisait bon vivre ;
Époque d’heureux souvenirs, tu m’enivres.

Gustave Séverin, Souvenirs (La place de l'église)

1976, la sècheresse.

L’Institut royal météorologique (IRM) rappelle sur son site, à la date d'avril 76, qu'une sécheresse généralisée a frappé le pays déjà depuis l'hiver (fort froid) et qu'elle est à l'origine d'incendies dans les Hautes-Fagnes.

Le printemps est le plus sec du siècle : fin mai seulement 69,0 mm ont été recueillis pour ce mois au pluviomètre d'Uccle alors que la normale est de 179,8 mm.
Et pourtant il ne fait pas vraiment chaud, et le froid va même revenir à plusieurs reprises en juin et juillet. Les 2 et 3 juin : pas plus de 11 à 13°C en Basse et Moyenne Belgique, 5 à 9°C en Haute Belgique. La nuit du 4 au 5 : il gèle par endroits !  –0,1°C à Dourbes et –1,6°C à Rochefort...

Mais juin compte le plus petit nombre de jours de pluies de tous les mois de juin du XXe siècle, soit 5 jours contre 15,7 jours habituellement et le total des précipitations n'est que de 12,1 mm alors que la normale est de 66,4 mm.  

À partir du 22, c'est la canicule, la plus longue qu'on ait connue de mémoire d’homme : plus de 30°C pendant 16 jours consécutifs ! (Record toujours actuel en 2025…) La Campine limbourgeoise et la région de Maasmechelen connaissent de violents incendies.
 
Voici la situation le 3 juillet :

Et le 4 juillet... Voici ce qu'on lit dans le quotidien Vers l'Avenir du lendemain :

« Clermont : un violent incendie ravage la forêt entre la poudrerie et le hameau des Fontaines.

Dimanche 4, vers 10 h 30, un violent incendie s'est déclaré dans les bois du baron de Potesta, situés entre la poudrerie et le hameau des Fontaines.
Le feu a pris au lieu-dit «  Bois Madame  », en surplomb de la route des Fontaines qui relie ce hameau de Clermont à Hermalle-sous-Huy et à la vallée de la Meuse.
Rapidement, le feu se développa dans les plantations de pins sylvestres et menaça d’atteindre les premières habitations des Fontaines. Il s’agissait de cinq à six maisons, habitées par les familles Liégeois, Elen, Devalet, Rome et Deschamps.

Aussitôt les premiers pompiers venant de Seraing portèrent leurs efforts dans ce quartier afin de protéger les immeubles.
Parallèlement, les ouvriers du service de sécurité de la poudrerie de Clermont, laquelle se trouve à quelques centaines de mètres du bois en feu, ont aussitôt pris les premières mesures.
Des bulldozers de la firme Cop et Portier intervinrent pour élargir les coupe-feu [sic] protégeant les stocks d’explosifs. Pendant ce temps, le sinistre progressait sur plusieurs fronts de manière implacable.

Près de cinquante hectares de pins s’embrasèrent, le feu étant aspiré vers la cime des arbres, dans un souffle impressionnant, tandis qu’une colonne de fumée noire surplombait la vallée.
Étant donné la menace directe sur les stocks de poudre et sur le hameau (une quarantaine de maisons), un imposant dispositif de secours fut bientôt mis en place.

C’est ainsi qu’on fit appel aux pompiers de Hannut, de Jemeppe, de Flémalle et de Liège pour prêter main-forte à leurs collègues de Seraing.
La Protection civile de Kemexhe, une quarantaine de militaires de la base d’aviation de Florennes, en intervention à Huy, furent également appelés sur les lieux.
Un bulldozer et du matériel du 4e génie d’Amay arrivèrent aussi sur place, tandis que deux hélicoptères de la Protection civile et du Corps régional d’incendie dirigeaient les opérations et observaient le développement du feu.

La réquisition des habitants

M. Beaujean, échevin de Clermont, réquisitionna de son côté une centaine d’hommes dans le hameau et aux environs.
Ceux-ci, à l’aide de pelles et de lances fournies par les pompiers, établissaient principalement une barrière de protection des immeubles, à l’orée du bois. À ce moment, plus de deux cents hommes luttaient contre le feu.
Toutes les bouches à eau situées à proximité du bois furent utilisées, tandis que les autopompes faisaient la navette entre la Meuse et la forêt en feu.

Vers midi, les flammes traversaient la route en contrebas du village y progressaient vers les poudreries.
Vers 16 h, cependant, la protection des stocks de poudre semblait assurée, tandis que le vent tournoyant chassait le feu en direction du hameau des Fontaines, sans toutefois créer un danger immédiat.
Des bulldozers, dont deux de 65 tonnes, appartenant aux carrières Dumont-Wautier, accomplirent alors un travail gigantesque, travaillant jusqu’à minuit. Ils ouvrirent dans le bois un coupe-feu principal de vingt mètres de large sur une distance d’un kilomètre.

Une barrière de protection pratiquement infranchissable par le feu fut ainsi créée devant le premier stock de poudre également séparé du feu par la route d’Ehein aux Fontaines.
La pointe ultime de l’offensive du feu atteignit néanmoins la route, arrivant à quelque 150 mètres du magasin le plus menacé, contenant 40 tonnes de poudre.
De nombreux arbres furent à ce moment abattus mais les flammes, à deux reprises, franchirent la route, sans toutefois se propager dans les plantations les plus proches du stock.

Lundi pendant toute la journée, l’incendie, qui avait cependant perdu beaucoup de sa vigueur, se ranima à de nombreux endroits et notamment à quelques dizaines de mètres du coupe-feu principal.
Le feu se rapprocha du quartier des « Sarts », et des maisons des familles Davignon, Lecrenier et Delarue.
Les gendarmeries de Vierset-Barse, d’Amay, de Huy et de Braives se rendirent également sur les lieux, bloquant la circulation sur les voies secondaires entre Hermalle et Clermont et celles situées à proximité de la zone sinistrée.

On ignore encore les causes de ce grave sinistre.  Il faut cependant signaler que plusieurs mégots et des paquets de cigarettes vides avaient été récemment abandonnés dans le bois, négligence criminelle en cette période.

Le gouverneur sur les lieux

Rappelons que le gouverneur de la province de Liège s’est rendu sur les lieux au moment le plus intense de l’incendie, lors de la menace sur la poudrerie.
Lundi, le travail a repris normalement à la poudrerie qui comporte, outre les ateliers, sept magasins de 25 à 70 tonnes de poudre, séparés chacun par une centaine de mètres. »

Francis Hosdain, 18 ans, joue au bouchon [Jeu du bouchon] avec des copains sur la place de l’église St-Martin [légendé 1 dans le schéma ci-après], où une messe est en cours, quand quelqu’un annonce qu’il y a le feu dans le bois. Tous se précipitent  le long de la façade sud de la ferme castrale d’où ils ont une vue dégagée vers la colline – la salle de l’Amicale n’était pas encore construite.  Et oui, ça fume ! Il est environ 10h 30.
Benoît Louis, du même âge, habite avec ses parents à Hermalle, au 26 de la rue Lepage [légendé 2 dans le schéma ci-après]. Il dort encore en ce dimanche 4 juillet, quand le mugissement d’une sirène le réveille ; il ouvre les volets de sa chambre et voit de la fumée monter juste après le « virage de la fontaine St-Jean » ! C’est le début d’une longue journée dont il se souvient parfaitement.

photo : un peu de fumee monte de la colline  la fumée augmente

Deux photos prises par Benoît depuis la fenêtre de sa chambre, à quelques instants d'écart.


Le feu a pris derrière le tournant en épingle à cheveu de la route qui grimpe vers le hameau des Fontaines et va s’étendre en direction de Liège.
Les pompiers arrivent par la chaussée Terwagne, gravissent la rue Wérihet puis la route qui monte vers le hameau des Fontaines – le feu étant sur leur droite. Quasiment au sommet, ils laissent les camions dans le cul-de-sac de la 1ère route à droite et commencent, à pied, l’attaque du feu.

À Hermalle, tout le monde est dehors. Les nombreux fidèles qui assistaient à la messe, les habitants des rues Magotte, Wérihet, Ronheu, Lepage, Lecrenier, etc.
Inquiétude bien sûr, vraie panique pour certains – comme Madame Jean Maes qui ne cesse de supplier les pompiers de protéger sa belle villa (le « chalet » [comme on l’appelle au village], légendé 3 dans le schéma ci-après) qui est, à vrai dire, à 200 m maximum à vol d’oiseau du départ de feu !

Crainte mais curiosité aussi car des véhicules ne cessent d’arriver : voitures de la police, autopompes, véhicules et petits bulldozers de la protection civile, etc.
Forcément on veut voir. Et on veut savoir ! On veut aider aussi.

La police doit canaliser les gens au croisement des rues Lepage-Wérihet-Magotte et se heurte d’ailleurs au baron de Potesta qui, tout rouge d’énervement, force le passage avec son gros véhicule pour rejoindre les sapeurs-pompiers qui, dans un premier temps, sont parvenus à contenir le feu au deuxième tournant de la route. Le Génie d’Amay les a rejoints et les soldats bataillent, pied à pied, avec leurs pelles.

Il fait chaud, très chaud. Tellement… brulant… qu’une idée vient à Claudy Marsin qui habite au 19 rue Magotte. Cuistot en hiver, glacier ambulant en été, il possède une chambre froide : on va faire des glaçons ! Avec Marie-Louise, la maman de Francis, il s’y met et 2 heures plus tard, Francis et Benoit seront autorisés à monter la colline – en vélo et dans une certaine obscurité vu l’avancée du jour et surtout les fumées – pour porter à 2 ou 3 reprises les sacs de glaçons qui rafraichiront les pompiers « mourant de soif ».

Le feu. C’est un feu rampant car les bois ne sont pas constitués de résineux – même s'il y en a une ou deux parcelles de jeunes arbres). Un feu de broussailles et de taillis, un feu qui attaque la base des bouleaux, des hêtres, des houx qui constituent les bois du baron, un feu qui va se jouer des sentiers, sauter le ruisseau du Roua puis celui du Sart, avancer inexorablement vers le hameau des Fontaines et, surtout, vers Éhein, donc vers les stocks de tonnes de poudre… des Poudreries de Clermont, dans le Bois de Cornillon contigu au Bois Jacob et au Bois Madame qui brulent !
La poudre n’étant pas confinée, on ne craint pas d’explosion mais un développement gigantesque de l’incendie !

Et on sait ne sait comment le vent va tourner et l'incendie se développer..., on annonce aux habitants du sud-ouest des Fontaines [légendé 4 dans le schéma ci-après] comme à ceux du Sart Lombard [légendé 5 dans le schéma ci-après] qu'ils doivent être prêts à évacuer.
On tente de joindre le Gouverneur de la province…

Malgré tous les efforts, malgré l’accroissement des moyens mis en œuvre, la situation se détériore très vite, il faut absolument établir des coupe-feux et les petits bulldozers de la Protection civile, qui dérapent et patinent, n'arrivent pas à gravir le flanc droit du vallon St-Jean tout en abattant des arbres, sont insuffisants.

En fin de matinée se tient une réunion dans la cuisine des parents de Benoit, qui y assiste, avec seulement deux responsables des opérations : Un gradé en uniforme (le commandant des pompiers ?) et le bourgmestre Camille Jamagne car on n'a pas encore réussi à joindre le Gouverneur de la province.
Il est décidé de faire appel à la firme Dumont-Wautier qui exploite la carrière sur la rive gauche de Hermalle et possède un matériel performant. Le papa de Benoit, cadre dans cette entreprise, contacte le directeur par téléphone et explique la gravité de la situation.
Discussion… Oui, Dumont-Wautier pourrait prêter deux machines, mais à condition qu’elles soient conduites par deux chauffeurs bien précis de la firme et que le risque de dégradation de la voirie dont les bulldozers occuperaient toute la largeur, d’infrastructures privées  et publiques (comme des poteaux électriques), soit couvert par les autorités.
Or il est impossible d’établir un écrit, de rédiger une décharge, et de la porter à Marchin où habite ce directeur : on n’en a plus le temps !
Bourgmestre et commandant des pompiers rassurent le directeur et s’engagent verbalement devant témoins.  L’opération est lancée et une trentaine de minutes plus tard, les machines passent le pont de Hermalle pour monter vers la colline par la rue du Pont dans un bruit de plus en plus assourdissant, leurs chenilles attaquant l’asphalte de la voirie et y laissant des marques pour de longues années…

schéma du développement de l'incendie

Sur un fond de carte de 1971 © IRM :
1. Place de l'église – 2. Maison de Benoît Louis et de ses parents – 3. Chalet de M. et MmeMaes – 4. Maisons de l'impasse des Fontaines où les camions des sauveteurs durent s'arrêter et dont les habitants durent se préparer à évacuer – 5. Ferme du Sart Lombard où on se prépara aussi à évacuer – Petit cercle rouge et jaune près du 3 : point de départ du feu.
En blanc, à gauche : tracé du pont et de la route que suivirent les bulldozers de Dumont-Wautier. En voile orangé : le Roua.

Petit cercle noir et blanc  : emplacement du bulldozer Cop et Portier calciné.
En fuschia : tracé des deux coupe-feux réalisés par des bulldozers.

Par comparaison avec ceux de la Protection civile, les bulldozers de Dumont-Wautier sont des monstres : 2 fois plus larges et 3 fois plus hauts ; il font dans les 5 mètres de haut.
Ils vont entrer dans le bois par le virage de la Fontaine St-Jean à gauche du chalet de Mme Maes, passer à travers tout, abattre de gros arbres de plusieurs mètres de diamètre comme du bois d’allumette, pour créer une tranchée [trait fuschia dans le bas du schéma] vers les pompiers qui sont aux Fontaines [un peu au nord-est du point 4 du schéma].

Une vingtaine de Hermalliens – dont le papa de Francis – les suivent, ramassant les branchages, nettoyant le passage ; ils y passent la soirée et vont y veiller la nuit pour éviter les reprises.

À l’autre extrémité de la zone en danger, ce sont des bulldozers prêtés par la firme Cop et Portier qui ont établi un coupe-feu près des stocks de poudre. Un chauffeur qui s’est aventuré trop avant vers la zone en flammes au sud du Roua est obligé d’y abandonner son terrible engin… pour sauver sa propre vie.
Jean-Claude Ht, 16 ans à l'époque : « J'ai des souvenirs précis de cet épisode... Habitant La Mallieue à l'époque, nous étions avec ma soeur et mes parents sur la terrasse de la maison à observer le développement de l'incendie de l'autre côté de la Meuse avec des jumelles ! Je me souviens bien du bulldozer abandonné aux flammes... il était en bordure de la vallée et bien visible depuis ma maison. »
Et Francis Joseph Haidon précise : « C'était un Bull sur pneus. L'épave complètement calcinée se trouvait à qqs mètres de la route des Fontaines, route qui sépare le Bois du Baron René de Potesta et le Bois de la Poudrerie où était entreposée la poudre.»

Enfin le danger semble écarté mais les sapeurs-pompiers resteront plusieurs jours sur place pour parer les possibles reprises de feu.
On a eu chaud !  C'est le cas de le dire…
Et cela jusqu’à Saint-Georges, en rive gauche au nord de la Meuse, car la configuration de la vallée peut toujours (encore en 2025) y entrainer les fumées éventuellement toxiques de la poudrerie…

Les fumées, l'odeur... Cela va sentir pendant plusieurs jours.
Un feu intentionnel ? Des mégots abandonnés ?  On ne l'a jamais su.

Des arbres abimés vont être ensuite abattus et remplacés mais le baron de Potesta laisse globalement les choses en l’état et la nature va reprendre ses droits.

D'autres incendies se déclarent en Wallonie et l'un d'eux concerne Engis :
Michel Grigolo se souvient que « le bois des Fagnes a totalement brûlé à partir des pilasses de la rue des Fagnes jusqu’à l’entrée du Mosa actuel.
Je me souviens que les pompiers sont restés plusieurs jours – et les riverains leur offraient à manger et à boire ! – pour circonscrire cet incendie car ils avaient des problèmes pour se ravitailler en eau, leurs citernes étant occupées ailleurs. Ils devaient se brancher sur les bornes incendie des rues des Fagnes et Reine Astrid, et dérouler des centaines de mètres de tuyaux pour accéder aux flammes.
Sur Engis, je pense qu’il n’y eut pas de problèmes de blessé, mais je pense que sur Hermalle il y eut un ou deux blessés dans les rangs des pompiers !
Mais je n’ai pas trop suivi ce qui ce passait dans les bois d’Hermalle ; pour le gamin que j’étais, l’actualité ce passait avant tout dans ma rue ! »
. On peut le comprendre : il avait 11 ans cette année-là !

Et Lise Dubreucq précise qu'il y avait souvent des petits départs de feu à Engis car les dépôts d'immondices clandestins y étaient fréquents.  Or il suffit parfois d'un rayon de soleil sur un morceau de verre pour enflammer les broussailles par temps de sècheresse.  C'était tellement habituel, dit-elle, qu'elle n'y faisait même plus attention !

Nos sincères remerciements à tous ceux qui nous ont transmis leur témoignage début avril 2025, par les réseaux sociaux,
et qui nous ont permis de reconstituer ces moments de la vie engissoise.


La sècheresse dure jusqu'à l'automne.

En certains endroits de la province de Liège, il n'y a plus d'eau courante, on doit acheter de l'eau en bouteille, ce dont on n'a pas l'habitude car on consomme généralement une eau de distribution d'autant moins chère que le compteur d'eau n'est pas (encore) installé pour une bonne partie des Belges. [source : IRM]
Agriculteurs et éleveurs souffrent tellement que le gouvernement Tindemans doit prendre des mesures  : aides fiscales, prêts à taux réduits, intervention du fond des calamités et même aide de l'armée pour le transport de la paille.  
Il en a d'ailleurs été de même dans d'autres pays, ce qui n'a consolé personne évidemment.  

planisphère avec zones de sècheresse

Mais on ne parle pas encore ouvertement, à l'époque, du dérèglement climatique



La famille de Potesta - IV :


Le Guide des 7 châteaux, fine brochure de 16 pages produite par l'imprimerie St-Jean de Liège, rassemble des textes de présentation des châteaux de Donceel, Hermalle, Lamontzée (près de Burdinne), Longchamps (près de Waremme), Marchin, Xhos et Warfusée ; il parut à l'occasion d'une visite exceptionnelle de ces bâtiments, habituellement non accessibles, organisée le dimanche 30 juin 1957 au profit de l'institut Dominique Savio (Œuvre de Don Bosco, St-Georges s/ Meuse) [s/Meuse]. Cet écrit indique que l'appellation St-Georges sur Meuse est donc bien antérieure à la fusion des communes de 1977 !
Les visiteurs terminaient la journée par un Cocktail-Souper dansant avec l'Orchestre Joë Oblin à partir de 17 h. Les entrées étaient évidemment payantes.

Le descriptif de chaque château est rédigé par le ou la propriétaire du lieu – tous appartenant à la noblesse belge. Pour le château de Hermalle, il est signé Baron et Baronne René de Potesta mais c'est le nom de la Baronne Édouard de Potesta (mère de René) qui figure sur le feuillet volant servant de programme pour la journée.
Qu'importe ! C'est le texte qui nous intéresse : après un rappel du passé de Hermalle, il précise

« (…) le château subit encore des transformations au XVIIe s. Mais depuis, si l'extérieur est resté intact, il n'en est pas de même de la décoration intérieure, profondément remaniée en 1850. De magnifique gladiateurs en plomb, sculptés par Delcour [Saumery], ont cédé la place à des chimères de pierre, de grandes fenêtres ont remplacé les embrasures à meneaux tandis que subsistait un salon du XVIIIe s. aux moulures ajourées encadrant des toiles peintes représentant, probablement, des scènes de chasse de Louis XIV.

Les salons du rez-de-chaussée contiennent des armures ciselées, des portraits de l'École hollandaise dont un, daté de 1608, représentant le célèbre latiniste Gérard Vossius ; une scène de bataille signée van der Meulen, un Corot, un Ségers
[Adrien ?], des [des !] Claude le Lorrain et un portrait d'homme de Gérard Douffet (1594-1660), élève liégeois de Rubens.
Parmi les pièces d'argenterie ancienne, un nécessaire de voyage, dans son écrin, a appartenu à Jean-Louis René de Potesta, seigneur de Mostombe, Montigny et Bomrée, Capitaine de Dragons au service de la France. Il l'accompagna dans toutes ses campagnes. »
Don on clic so lès loyin èt vos-avez ine îdèye dès sôrt di pondeûres k' inmèt bin [Cliquez donc sur les liens : vous aurez une idée de leurs tableaux !]

L'épouse de René de Potesta, Amélie Paule Marie de Meeus dite «  Alie », décède le 1er septembre 1971 ; le corps - visage maquillé, ongles vernis -, revêtu d'une belle robe, est exposé dans le hall du château pour que les villageois puissent rendre hommage et garder encore un souvenir de cette femme d'une grande beauté et d'une extrême gentillesse.

Le 25 juin 1977, René meurt à son tour et laisse le domaine en indivision entre les enfants qu'il a eu de son épouse :
  • Hélène Emma Henriette Marie Ghislaine, 1922 - 2011 (qui a épousé en 1947 l'aviateur Léon Marie Joseph Yves Ghislain Benoit Baron de Villenfagne de Vogelsancx),
  • Anne Marie Claire Ghislaine, 1923 - 2000 (qui s'est mariée en 1946 avec Jean André Marie Joseph Ghislain Baron de Bassompierre, ambassadeur honoraire du Roi des Belges)
  • Charles Édouard René Marie Ghislain de Potesta, 6 juin 1925-27 avril 2015, qui convole le 20 Mars 1948 avec Nicole Marie Thérèse de Gaiffier d’Hestroy, puis en secondes noces, le 27 aout 1992, avec Nicole Motte.

Charles Édouard René Marie Ghislain de Potesta, dit Charly, a habité au château de Hermalle avec son épouse Nicole de Gaiffier d’Hestroy jusqu'en 1933, date où il s'installe dans une propriété d'Annevoie qui lui vient de sa mère, car la cohabitation d'un jeune couple dans la demeure familiale régie par un père autoritaire n'est pas toujours aisée.

menu du repas

Menu du repas offert à Charles de Potesta à la ferme Wéry coll. BMG M-III 0266

Charles s'occupe des fermes qui dépendent du château, d'abord de 1947 à 1954 en association avec un monsieur Romedenne, dont on dit qu'il s'est livré au marché noir durant la guerre - la nuit, des charriots quittaient la ferme, tirés par des chevaux dont les sabots étaient emmaillotés de linges - ce qui débouche sur un procès –, puis seul (et même après son installation à Annevoie).

Cultivant lui-même, Charles de Potesta fait construire vers 1950, sur l’idée de son père, dans les écuries de l’aile ouest de la Ferme qui avaient abrité une vingtaine de chevaux, une dalle en béton armé pour faciliter le pelletage à partir du charriot. La modification d'une baie que cela implique sera corrigée dans les années 1990.
La demi tourelle mitoyenne à l'avant-cour du château et à la bassecour de la ferme sert de chenil.

Dans un autre poème, Gustave Séverin a écrit :

Chère Gérée, les chevaux t’ont quittée, c’est dommage ;
Les moteurs te [sic] remplacent, ils travaillent davantage.
L’ancienne méthode était pourtant courage et passion,
Ces machines à chômeurs méritent quelques réflexions.

Pourtant, malgré la mécanisation, l'activité agricole générée par le château diminue dans les années 1970.
En cause, pour une grande part au moins, les expropriations prévues dès 1967 et réalisées pour la construction de la nationale 90 à quatre bandes qui coupe le village de ses campagnes mosanes et pour l'ouverture d'un parc industriel dans cette zone. Dans un premier temps, la culture reste possible mais d'une année à l'autre l'entrepreneur agricole peut voir la superficie cultivable fortement réduite.

Charles Édouard René Marie Ghislain de Potesta et Nicole Marie Thérèse de Gaiffier d’Hestroy ont eu 2 filles et deux fils :
  • Isabelle Marie Ghislaine, née le 23 janvier 1958 à Huy, qui épouse Jorgé-Enrique Carmona le 10 octobre 1986 à Arequipa (Pérou) ;
  • Doris Amélie, née le 15 avril 1949, qui épouse Bernard de Thomaz de Bossierre, puis Didier Piers de Raveschoot ;
  • Jean Louis René de Potesta, né le 8 février 1951 à Liège, baron, qui épouse la princesse Sophie de Hohenberg [lignée des 2 familles sur 4 générations]
  • Philippe Paul Guy de Potesta, né le 5 juillet 1954 à Liège, écuyer, qui épouse Nathalie Raphaëlle Camille baronne de Tornaco.

Philippe Paul Guy de Potesta
Aucun projet de rentabilisation des bâtiments (transformation en centre de détente et de loisirs ou en maison de repos…) n'a abouti. Philippe Paul Guy de Potesta continue l'activité agricole mais dans les mêmes conditions que son père.  
Il rachète le château qui était toujours en indivision mais ne le garde que peu de temps.
Après la vente de la ferme aux deux tours, après celle de la Ferme castrale, il vend le château en 1992 à Geoffroy de Jamblinne de Meux qui le remet sur le marché immobilier deux ans plus tard.

Le château, séparé de sa ferme castrale, n'est plus propriété d'aucune famille noble.



Le moulin hydraulique de Hermalle a cessé de travailler, semble-t-il, dans les années 1960, tandis que ses deux plus proches voisins ombrétois continueront de produire jusqu’en 1991-1992 de la farine panifiable mais aussi de la farine et des aliments pour le bétail et même des engrais.  Faute d’un entretien que l’activité commerciale n’impose plus, le bâtiment et le mécanisme se délabrent ; la végétation envahit la roue, difficile d’accès et donc pénible à nettoyer, une meule en pierre disparait, et il va être nécessaire d’étançonner la charpente pour éviter son effondrement.  L’axe de la roue, une grosse partie des engrenages et les trémies restent cependant en place. À front de rue, une annexe de stockage du XIXe siècle, sans intérêt architectural, va être démolie en 2009.

L'espace bâti s'accroit de part et d'autre du centre ancien, tout au long de la chaussée principale, et grignote peu à peu le contrefort du plateau condruzien en direction de Clermont-sous-Huy, sans trop de cohésion quant aux matériaux, plans et types de bâtiment.

photo

Panorama du centre de Hermalle vu du sud. Décembre 1992.
Au centre les tours du château.  À l'arrière la découpe de la colline causée par l'exploitation d'une carrière.


La comparaison entre le nombre de commerces à 50 ans d'intervalle indique clairement dans la seconde partie du siècle la modification de l'activité économique du village, sans nul doute due à la construction, dans les années 1980, de la voie express N90 qui allège fortement le charroi automobile… et prive les petits commerces de chalands, mais aussi à l'installation des « grandes surfaces » d'Amay, Engis, Huy, Jemeppe et à la modification des habitudes de consommation qui entraine la clientèle locale à délaisser les petits fournisseurs.

Les villageois ont trouvé emploi dans l'industrie et les services. L'agriculteur est devenu minorité.

Camille Jamagne est bourgmestre de Hermalle-sous-Huy et va donner son nom au centre culturel édifié rue du pont.  Il dirige un conseil composé de 4 membres du parti socialiste, 2 du parti social-chrétien et 1 communiste. 


photo Camille Jamagne et échevins

De g. à dr. Raymond Lizin (secrétaire communal); Georges Maréchal (échevin des travaux),
François Vandeweghe (échevin des finances) et Camille Jamagne (bourgmestre), circa 1975.


Il ne restera pas à la tête de la commune car…

Le 1er janvier 1977, Hermalle-sous-Huy « disparait » sur le plan administratif :

La fusion des communes décidée par le gouvernement belge réduit son territoire – la Mallieue [15], partie située sur la rive droite de la Meuse passe à la commune de Saint-Georges qui devient Saint-Georges-sur-Meuse.
Cette fusion rassemble Hermalle, l'ancienne commune de Clermont-sous-Huy, une partie d'Éhein et Engis (dont Vicky Albert est le bourgmestre socialiste) dans la nouvelle entité de « Engis » donnant à cette nouvelle commune une superficie de 27,7 km2. C'est Vicky Albert qui en est désigné bourgmestre. La nouvelle commune entre dans l'arrondissement de Huy-Waremme.
La nouvelle Engis va être jumelée avec la ville française Ribécourt-Dreslincourt, dans l'Oise, le 22 septembre 1980.



Le village d'Engis, où se trouve centralisée l'administration, est situé sur la rive gauche de la Meuse, à 4 km en aval de Hermalle.
Il n'y a pas de moyen de transport en commun direct entre le centre administratif et les sections de Hermalle-sous-Huy, Clermont-sous-Huy et Éhein-bas sises sur la rive droite du fleuve.
Le préfixe téléphonique étant différent, le tarif des communications est plus élevé pour les Hermalliens et Clermontois qui doivent appeler l'administration communale que pour les habitants d'Engis-village.
Et, surtout, les villageois des deux rives n'ont ni la même mentalité, ni la même culture. Ceux de la rive gauche, par exemple, font préférentiellement leurs courses vers Liège tandis que les autres privilégient la ville de Huy…

Pendant plus de 20 ans, les Hermalliens se sentiront frustrés et quelque peu négligés. Leurs anciennes archives officielles ne sont plus accessibles pour diverses raisons ; ils ont parfois l'impression que leur passé leur échappe.

Fin des années 2000, malgré de nombreux efforts – notamment des animateurs du Centre culturel –, l'intégration des différentes populations n'est toujours pas réalisée.
Malgré plusieurs demandes depuis 1994, il n'existe toujours pas en 2025, à Engis, de signalisation routière qui indique Hermalle ou Clermont-sous-Huy, et les automobilistes qui ne connaissent pas la région peuvent facilement tourner en rond pendant 20 kilomètres pour trouver ces sections de la commune d'Engis si par malheur ils se sont d'abord rendus à « Engis-village », l'officiel centre administratif…

La fusion des communes de 1977 a offert à Saint-Georges-sur-Meuse la gare de Hermalle qui est fermée au public en 1993. Pour prendre le train, les habitants de la rive droite doivent alors se rendre à Engis-village, rive gauche, par le seul bus (n°9) qui passe dans Hermalle, une fois l'heure, et s'arrête au « pont d'Engis », rive droite, un pont qu'il faut traverser à pied pour pouvoir monter jusqu'à la gare d'Engis-village prendre un omnibus.
En 1994, la SNCB, fermant les guichets de cette gare… et sa salle d’attente…, ne laisse aux voyageurs qu’un abri transparent, sans siège, sur chaque quai. Le souterrain remplaçant l'ancien passage à niveau pour l’accès à la voie 2 est en piteux état ; le parking latéral n’a de parking que le nom ; la gare elle-même n’est plus qu’un lieu de stockage pour quelques services de la SNCB ; l’information manque. La zone d’habitat environnante s’est dégradée, la place où se tenait la fête locale se meurt…  
On comprend que les Hermalliens préfèrent rejoindre Huy par ce même bus 9 qui les dépose à côté d'une gare moderne et fonctionnelle. Ils y perdent 5 minutes mais y gagnent en confort.

En 1991, la Ferme castrale a repris vie avec une nouvelle affectation basée sur la culture et le tourisme.  Le château est devenu l'année suivante propriété de la famille de Jamblinne de Meux, puis deux ans plus tard d'une société de cinéma publicitaire pour l'industrie.

En 1993, on procède à la réfection du pont de Hermalle : l'accroissement du trafic et, surtout, du passage de nombreux camions de fort tonnage l'impose.

L'hiver de cette année-là amène une crue importante de la Meuse et des inondations dans la vallée. Le centre de Hermalle, plus élevé de niveau, n'est pas touché à l'encontre d'Amay où 73 dossiers sont introduits auprès du Fonds des calamités.  Il en va de même l'année suivante.

L'eau envahissant le bas de la rue du Pont

1993 : la Meuse déborde, envahit le bas de la rue du pont.
Quelques mètres au nord du poteau de signalisation, la ridelle qui marque le bord du 
chemin de halage n'est plus visible.


Cette page a été revue ou complétée pour les dernières fois en janvier et février, les 21 mars et 3 avril de cette même année.


Commentaires :

Sur la page Facebook Les Engissois parlent aux Engissois, à propos de la sècheresse et du feu de forêt de 1976 :
Benoît Louis, d'Engis, 04-04-2025 : Félicitation pour ton superbe travail de compilation et de synthèse.

Au XXIe siècle... lire la suite



Notes  flèche


Jasse « Pendant la Grande Guerre, plusieurs dénominations désignant le soldat belge, telles “jass” (ou “jasse”, “jas”), “piotte”, “piou-piou” ou “poilu” sont indifféremment utilisées par les anciens combattants belges dans leurs carnets de guerre. Durant l’entre-deux-guerres, l’appellation « jass » va s’imposer. Ce terme est issu du mot flamand “jass” signifiant manteau. » Citation extraite de « Au Poilu et au Jass inconnus… Mémoires de 14-18 dans l'entre-deux-guerres », in Cahiers électroniques de l'imaginaire, n° 2, 2033-2004, éd. e-Montaigne, p. 167 en ligne sur http://www.uclouvain.be/cps/ucl/doc/ucl/documents/cahiers2.pdf   flèche

[13]  Informations plus détailléesflèche

[14]  Dans http://www.soumagne.beflèche

[Jeu du bouchon]
 Ce jeu d’adresse en plein air fut pratiqué en Wallonie mais aussi dans la partie nord et nord-est de la France depuis la période napoléonienne, au moins, par les populations locales et par les soldats pour occuper leur temps de loisir entre les périodes d’exercices.
On y jouait très fréquemment, dès que le temps le permettait. Il nécessite peu de choses :
• un terrain plat et dur – le sol de la place de l’église hermallienne était encore en 1976 en terre battue avec brique pilée (comme un terrain de tennis, explique Francis Hosdain) –,
• un petit bout de bois de faible section et de ± 10 cm de haut (jadis un gros bouchon, d’où le nom de l’objet et du jeu), remplacé parfois par un tuyau de plomb ou de fer,
• des rondelles d’aciers (entre 5 et 10 cm Ø x 1 cm d’épaisseur)  dites « palet », « take » ou « mal » selon la région, et
• des pièces de monnaie, posées en pile sur le bouchon, constituant la mise de départ des joueurs.
Les joueurs, placés derrière une ligne de départ à une petite dizaine de mètres du bouchon, lancent leur palet à plat vers le bouchon pour le renverser, ce qui fera s’éparpiller les pièces.
Le joueur dont le palet se trouve le plus près d’une pièce en devient propriétaire.
Ce jeu a progressivement laissé la place au jeu de boules (en ciment ou en pierres) importé par les ouvriers italiens.  flèche

[Chalet comme on l'appelle au village] Le bâtiment ressemble très exactement à un chalet de la Forêt-Noire ; situé sur la commune de Clermont-sous-Huy, juste à la limite de Hermalle, il fut construit en 1958 à la demande de M. et Mme Jean Maes, ingénieur-directeur technique de Dumont-Wautier, par le Bureau d'Architecture de l'Engissois Lucien Dardenne. Cette photo date de 2012 : flèche

photo du chalet


[Toponymie : variation des appellations] Il faut noter des différences dans la dénomination des lieux : selon les cartes géographiques de différentes époques, l'appellation d'un même lieu, d'un même bois peut varier. 

Ainsi la voirie prolongeant la rue Wérihet (à Hermalle) vers le hameau des Fontaines (à Clermont), au départ nommée route de Hermalle aux Fontaines, est devenue simplement Fontaines sur les plans géographiques puis rue aux Houx sur Google map... alors que les Hermalliens disent toujours route des Fontaines, appellation que les Clermontois appliquent aussi à la rue de la poudrerie – en toute logique… puisqu'elle mène aussi aux Fontaines !

De même le bois incendié en 1976, nommé Bois Madame sur la carte de 1850 établie par Vandermaelen, puis Bois Madame (moitié ouest) et Bois Jacob (moitié est) sur celle de 1865 dite Carte du dépôt de la Guerre, est couramment et indifféremment appelé par les gens du coin Bois de la poudrerie, Bois du baron (de Potesta) et Bois d'Hermalle – alors que cette dernière appellation devrait être réservée, selon les cartes, à des bois situés à l'ouest de Hermalle, à la limite d'Ombret et de Nandrin !

Dernier exemple… Hermalle compte deux places depuis la seconde moitié du XXe siècle : place d'Hermalle (où se trouvent friterie et grand parking en 2025) et place des Combattants (le long de l'aile sud de l'église St-Martin).
Mais jusque dans les années 1980-90, trois lieux étaient nommés la place par les villageois : les deux précités et aussi le terrain sis au nord de l'ancien cimetière paroissial, propriété de la famille de Potesta qui en permettait l'emploi pour des activités de délassement. 30 ans plus tard, les nouveaux propriétaires ont toujours du mal, malgré barrière et affichettes, à faire respecter le caractère privatif du lieu !
Une simple mention comme « on était sur la place quand le feu a commencé » nécessite donc investigations pour précision…   flèche

[Saumery] Ces gladiateurs sont cités dans le premier tome des Délices du Païs de Liége publié par Pierre-Lambert de Saumery  en 1738, dans le chapitre consacré au château de Hermalle, propriété alors de la famille de Moreau : « La Porte qui eſt une Grille de fer aſſortie d'ornements dorés, eſt cantonnée de deux Gladiateurs de hauteur naturelle parfaitement bien ſcultés. »  flèche

[15] Mallieue du latin leuca mala, mauvaise portion de chemin.  Ce nom est déjà cité dans le Cantatorium de Saint-Hubert (première moitié du XIIe siècle) : In leuga quae dicitur Mala inter Hoïum et Leodiumflèche

[lignée des 2 familles sur 4 générations] :   flèche
portraits 4 générations
















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