Au XXe
siècle
En 1828, la Société Métallurgique
d’Engis
avait été créée pour
l'exploitation des
gisements de zinc régionaux ; elle est devenue, par fusion
avec
d'autres entreprises, la société de la Nouvelle
Montagne
qui, après la découverte de gisement de phosphate
en
Hesbaye, va se mettre à fabriquer aussi des engrais
chimiques et
devenir le groupe mondial Prayon. Son charbonnage de Bon-Espoir lui
procure des bénéfices considérables
mais, au
tournant du siècle, un changement de direction provoque une
modification des investissements et une baisse salariale pour les
ouvriers de 3 francs par jour. S'en suit une grève de plus
d'un
mois et demi dont on discute au Parlement car sept
grévistes - dont deux Engissois -, n'ayant pas
accepté
l'autorité d'un porion violent (d'ailleurs
déjà
condamné à une trentaine de condamnations
diverses) et
accusés par lui, sont arrêtés chez eux
à 6 h
du matin, le 5 juin 1901, bien que les bourgmestres d'Engis et des
Awirs, M. Plumier et M. de Clerx d'Aigremont, aient refusé
de
requérir la gendarmerie ; garrotés (et
même
pour l'un d'eux enchainé), ils sont conduits à la
gendarmerie d'Engis puis à Liège où
ils subissent
dix jours de détention préventive… [Demblon].
Le 13 juillet 1861, le Conseil provincial de Liège
avait débattu
d’une demande de scission des communes de Saint-Georges et de
Hermalle car la Mallieue désirait être
rattachée
à Flône. L’un des enjeux
était
l’école : il n’y en avait pas sur
la rive gauche
et les enfants de la Mallieue devaient passer la Meuse quatre fois par
jour, par bac, pour se rendre sur la rive droite, à
l’école d’Hermalle…
Chacun,
d'ailleurs, devait faire de même, s'il devait aller d'une
rive
à l'autre, que ce soit pour se rendre au travail ou
pour prendre le
train.
De cause
à effet, l’instauration d’un passage
d’eau.
La
barque
suivait un câble accroché aux poteaux.
Que
la
Meuse soit calme ou impétueuse,
Il
fallait
la passer, même par vagues dangereuses.
Gustave
Séverin, Souvenirs
(La rue de la Meuse)
Carte
postale représentant le château et la cour
d'honneur, adressée d'Engis en 1903.
Un projet de passerelle en fer, élaboré en 1894,
n'aboutit pas. En mars 1904, le député de
Huy-Waremme rappelle à la Chambre :
J'ai,
en second lieu, à réclamer du gouvernement un
autre
travail d'une utilité non moins grande ; je veux parler de
la
construction d'un pont sur la Meuse, sur le territoire de la commune de
Hermalle-sous-Huy.
Cette
importante commune est coupée en deux tronçons
par la
Meuse. La partie la plus considérable de la commune, ainsi
que
les communes environnantes situées sur la rive droite de la
Meuse, sont sans communication avec les usines de la rive gauche et le
chemin de fer du Nord-Belge, sis sur cette rive.
Ces
communes, parmi lesquelles je citerai, outre Hermalle-sous-Huy,
Clermont-sur-Meuse et Saint-Séverin ont une population de
plusieurs •centaines d'ouvriers qui, journellement, matin et
soir,
doivent traverser la Meuse en barquette pour se rendre aux usines de la
rive gauche, depuis Flône jusqu'à
Liège, et, depuis
Flône jusqu'à Huy. Il y a, en outre, en moyenne,
une
centaine d'autres personnes qui, quotidiennement, circulent d'une rive
à l'autre; ce qui fait environ 600 passagers par jour. -
En
cas d'inondation et de fortes pluies ou bien lors du chômage
de
la Meuse, ce qui représente, au total, une moyenne de 60
jours
par an, les malheureux habitants de ces communes sont
obligés,
soit de rester chez eux, soit de déloger, soit de faire le
matin
et le soir un détour de plusieurs lieues pour rejoindre
l'autre
rive par les ponts d'Ombret ou d'Engis. Il existe sur le territoire de
ces communes des richesses inexploitées et inexploitables
par
suite de l'absence de communications, notamment des
carrières,
qu'un pont mettrait en valeur.
Dois-je
insister sur les difficultés d'approvisionnement pour les
habitants et les cultivateurs de ces communes
déshéritées? C'est à grands
frais qu'ils
sont obligés d'aller prendre leurs marchandises ou
expédier leurs produits aux gares d'Ombret et d'Engis !
Enfin,
au point de vue spécial de la commune de Hermalle, sa
séparation par un obstacle difficilement franchissable,
entrave
et gêne les divers services publics, tel que
état-civil,
sépulture, service du culte, fréquentation des
écoles, etc.
Les efforts conjoints des
autorités communales et du député de
Huy-Waremme
aboutissent enfin au projet d'un pont construit en béton
armé, pour des raisons de cout et de rapidité ;
le
travail se fait en cinq mois (1908-1909).
Photo parue dans la revue Le Béton
armé, 1911.
« Examinons
le côté économique du
problème et les
raisons qui, dans le cas considéré, ont fait
préférer un pont en béton
armé à un
pont métallique.
Le pont de Hermalle-sur-Huy et le raccordement sur la rive
droite
au chemin reliant le village au passage d'eau n'ont
coûté,
tout compris, que 205.800 francs. Déduction faite du prix de
la
rampe, qui est évalué à 20.600 francs,
le
coût du pont proprement dit serait de 179.200 francs, soit
par
mètre carré 222 fr. 60, y compris les supports,
le pavage
de la chaussée et des trottoirs.
Un pont à travées
métalliques du type poutre
droite, qui semble le plus économique dans le cas actuel
reviendrait, toute chose égale d'ailleurs, sensiblement
à
240 francs le mètre carré, en
réalisant la
charpente métallique et les pavages seulement.
Il faudrait, en outre, ajouter le prix des supports en
maçonnerie (béton avec parements en pierre)
40.000 francs
en moyenne pour les piles en rivière et 15.000 francs pour
les
culées, ce qui, au total, donnerait une dépense
de 240 x
805 + 40.000x2 + 15.000x2 = 303.200 francs en supposant le pont
composé de trois travées.
Il y aurait donc, d'après ces calculs une
augmentation de
dépenses de 124.000 francs environ pour
l'établissement
d'un pont métallique.
On pourrait ajouter à cette raison que les ponts
en
béton armé offrent sur les ponts
métalliques
l'avantage d'un entretien moins onéreux.
Un pont métallique, à poutre droite, ne
présente pas à la vue la même harmonie
de lignes
qu'un pont en arc et en béton armé.
Un pont métallique, à poutre droite,
n'aurait pas permis de donner au pont son tirant d'air maximum.
Il
aurait nécessité des culées plus
élevées et par conséquent des rampes
d'accès à inclinaison plus forte.
Un pont métallique à arcs ou suspendu
ne
présenterait pas cet inconvénient mais le prix
d'exécution en serait plus élevé
encore.
Un pont en béton armé est plus
rapidement
construit. Celui de Hermalle-sous-Huy le fut en 5 mois ; un pont
métallique avec supports en maçonneries aurait
nécessité beaucoup plus de temps.
Résistance.
— Les épreuves auxquelles on soumet les ponts en
béton armé montrent que ces ouvrages sont
très
rigides. Au moment des épreuves, le pont de Hermalle fut
chargé à raison de 400 kilogrammes par
mètre
carré, on fit rouler ensuite une charge de 70 tonnes sur cet
ouvrage d'art.
Les flèches mesurées pendant ces
épreuves
furent à peine de quelques millimètres et le
recul des
culées inappréciable.
Ces flexions minimes furent élastiques et
momentanées. »[Béton
armé]
La « charge
roulante » a été constituée
de locomotives
de 30 tonnes sur 3 essieux et wagons de 14 tonnes sur 2 essieux.
Il faut aussi noter
que
c'est le deuxième pont de ce type construit sur la Meuse -
le
premier le fut à Rouillon (Annevoie) en 1905 - et
que l'utilisation du béton armé pour un pont
n'existe
alors que
depuis une dizaine d'années.
Scaphandrier et ouvriers à Hermalle
- coll. BMG
Des scaphandriers ont été nécessaires
pour déraser
le lit du
fleuve, enlever des poches de gravier et placer les sacs de
béton à la base des deux caissons.
L'inauguration du pont donne lieu à de fastueuses
cérémonies en
présence de la famille de Potesta,
du bourgmestre Diesmans et des autorités communales. Les
journaux hutois en font le reportage :
«
(…) Le
cortège se remet en marche pour faire à
travers les deux parties de la commune, La Mallieue et Hermalle
réunies, une promenade triomphante. Des terrasses
de la gare, on peut assister au spectacle du
défilé de cet innombrable
cortège. Les cavaliers sont
déjà aux portes du château que le
dernier groupe est encore sur le terrain de la gare. Le pont
et le village sont décorés de drapeaux, de
guirlandes et de fleurs. Le pont était remarquable
par sa décoration de drapeaux nationaux et du
Congo. La soirée était superbe et la
foule massée (plus de 10 000 personnes) sur les deux rives
put admirer l'éblouissant feu d'artifice. Le
bouquet représentait le pont de Hermalle avec en lettre de
feu Hermalle, le 11 juillet 1909. »
Notons que le village comptait seulement 1280 habitants en 1910…
Le malheur marque cependant le reste des 50 premières
années…
Et d'abord la Première Guerre mondiale qui amène
comme partout son lot de
souffrance.
En 1914, une jeune fille préserve
pourtant le village :
«
La scène se passe à Hermalle-sous-Huy, petit
village des bords de Meuse, à quatre ou cinq
kilomètres en aval de la cité mosane.
Nous sommes en aout 1914.
Au
sud du village dominé par le bois d'Hermalle, un coin
paisible, la Trihette. Quelques modestes demeures
campagnardes s'y échelonnent le long du chemin conduisant au
bois qu'il traverse pour atteindre Aux Houx, une sorte de
lieu-dit. Marie habite avec ses parents et son
frère une maison longue et basse perpendiculaire au chemin.
Soudain,
une
voisine, brave femme qui habite une humble bâtisse juste
avant le bois, fait irruption, hors d'haleine, dans la
cuisine. « Mademoiselle, hoquète-t-elle
à Marie, venez un peu. Il y a chez moi des soldats
et je ne comprends pas ce qu'ils veulent. »
Devant
le
trouble évident de la pauvre femme, Marie
n'hésite pas et toutes deux courent à toutes
jambes vers la maison du haut du chemin. En effet, il y a
là quelques cavaliers armés, coiffés
de curieux casques et vêtus de gris.
Immédiatement, Marie, qui termine l'école
moyenne, reconnait la langue allemande. « Ils ont
soif, dit-elle à la femme apeurée, et demandent
de l'eau pour eux et pour leurs chevaux. Donne-leur
à boire ».
Une
fois désaltérés, les cavaliers
remontent en selle et reprennent le chemin du bois par où
ils étaient venus.
Le
lendemain ou le surlendemain, c'était l'invasion. Toutes
à leur élan, les armées allemandes
submergèrent la contrée. Une troupe
s'arrêta à Hermalle pour y prendre
position. L'officier qui la commandait s'en fut trouver le
bourgmestre afin de régler des problèmes
d'installation. « Monsieur le Bourgmestre, dit-il au brave
homme éberlué, comme nos éclaireurs
ont été bien accueillis, vous pouvez
être tranquille, il ne sera rien fait à votre
village ».
D'heureux
effets
parfois… pour de bien petites causes !
Marie
Maréchal
(†), récit recueilli par son
neveu, Léopold Maréchal. »
Maréchal,
Léopold, Comment
Marie Maréchal sauva son village Hermalle-sous-Huy en 1914,
revue Le Guetteur wallon,
1994, 4, p 175. Nous communiqué par les Archives
de l'État de Namur en mars 2007.
Aout 1914…
Le 1er, la garde
civique liégeoise est arrivée
par train pour garder ce pont de Hermalle qui a cinq ans. Les hommes
sont logés dans des bâtiments
réquisitionnés, sur de la paille. Le
sous-lieutenant Léon Mélotte
a décrit le corps de garde :
«
Quelle masure ! Quel délabrement ! Il fallait aller vite ;
on
a occupé le premier bâtiment sous la main. Parmi
les marches branlantes, les murs lézardés, les
plafonds croulants, où d'énormes
araignées courent, les hommes ont jeté leur
paille. On entrera là-dedans que s’il pleut ;
l'odeur est
trop infecte. Cela sent la moisissure, le fumier et les rats
dérangés fuient de tous
côtés. »
Les officiers ont droit à une chambre à l'auberge
ou chez l'habitant.
Le 2, l'Allemagne adresse un ultimatum à la Belgique.
Le 3, la garde arrête un individu qui a tenté de
passer inaperçu en se jetant dans le fossé qui
borde le chemin. C'est un Allemand !
Le 4, la garde est remplacée par l'armée.
Pont
de Hermalle en aout 1914. À
l'arrière-plan la Tour Malakoff – photo offerte
par Georges Plumier † – coll. BMG
Dans la nuit du 4 au 5, le lieutenant du génie Beaupain
obéit aux ordres de l'armée belge et, vers 4
heures [Leman],
fait sauter le jeune
pont de Hermalle… Un pont qui ne sera reconstruit
(quasiment à l'identique) qu'en
1923-1924 … pour être miné par
le
génie belge le 11 mai 1940 et reconstruit
péniblement en
1947-48 - péniblement, car l'effondrement d'une arche en
septembre 1947 va provoquer la chute de 12 travailleurs dans le fleuve
et 5 y perdront la vie selon Le Patriote illustré. du 21 septembre 1947 :
Plusieurs Hermalliens, faits prisonniers par les Allemands, passent par
le camp d’immatriculation et de transit de
Gießen ;
parmi
eux, le receveur communal Camille Lecrenier, honoré ensuite
par
l’attribution de son nom à la rue de la
Héna.
Une femme joue un rôle majeur à Hermalle mais
disparait dans les oubliettes de l'Histoire hermallienne…
Marie Ladry :
Née à
Saint-Servais (Namur) le 15 juillet 1869, Marie Ladry arrive le 9
octobre 1910 à Hermalle-sous-Huy venant de Messancy (province de
Luxembourg). Selon le registre
de la population de Hermalle, elle exerce la profession de «
gouvernante ».
Elle a été engagée comme préceptrice du
jeune René de Potesta, fils héritier du baron
Édouard de Potesta décédé en 1911 à
l'âge de 43 ans, et d'Isabelle de Géradon qui va assurer
la gérance des biens familiaux. Durant le premier semestre de
1914, la baronne Isabelle se rend à Gand d'où sa famille
est originaire et elle confie la garde du domaine hermallien à
Marie Ladry. Celle-ci est alors âgée de 45 ans.
Marie Ladry commence à rédiger un journal le 13 aout
1914, jour où les Allemands envahissent le village. Elle va
noter quasi quotidiennement les évènements afin de
pouvoir transmettre ultérieurement des informations
précises à sa patronne et justifier ainsi ses propres
décisions en tant que régisseuse.
On y trouve des renseignements directement relatifs au château
mais aussi d’autres qui concernent le village et la région
et complètent les données recueillies par les historiens.
Ses informations, vérifiées par nous pendant des mois,
s'avèrent exactes à plus de 90 %. Le pourcentage
restant n'en est pas pour autant inexact : simplement, nous n'avons pas
réussi à les rattacher à des faits connus.
Le journal démontre que le comportement et les décisions de Marie pendant la 1 ère année
de la guerre ont contribué à maintenir calme et relations
courtoises avec l’envahisseur, allant parfois
jusqu’à inciter celui-ci à alimenter le personnel
du château – un comportement rarissime de l’occupant
lors d’une invasion caractérisée par le pillage
généralisé.
Il est évident que Marie Ladry, par sa maitrise
d'elle-même vis-à-vis d'un envahisseur qu'elle
exécrait, pour son attitude posée, par son
éducation et son intelligence, a réussi à
établir un climat serein propice à la mise en confiance
et au respect de l'occupant.
Elle a aussi protégé le personnel du château,
soit de la vindicte de certains villageois par exemple vis-à-vis
d’une villageoise d’origine allemande qui servit
d’interprète, soit d’un blâme de la baronne en
dissimulant dans son compte rendu l’arrestation du jardinier qui
fut traduit devant un Conseil de Guerre de campagne au prétexte
d’avoir conduit des soldats dans un guet-apens (qui
n’était autre que le local servant de réservoir
pour l’alimentation du système d’éclairage en
gaz éthylène).
En résumé, Marie Ladry a réussi à assumer :
- la gestion totale de la propriété : château, labours, vergers, bétail ;
- la gestion du personnel avec prise en compte des dégâts psychologiques ;
- l’accueil et la notation des visiteurs :
Allemands qui, pour passer le temps, viennent visiter les salons,
châtelains voisins qui viennent s’informer ou apportent des
nouvelles, civils fugitifs, etc. ;
- le relevé des nouvelles, vraies comme fausses qui circulent dans la région, pour mémoire ;
- les ventes de légumes, de vin, de
genièvre, de confitures, de piquets de sapin (pour la
restauration des ponts) aux Allemands, ce qui lui procure la
trésorerie nécessaire au paiement du personnel ;
- la notation quasi journalière du nombre
d’aéroplanes, dirigeables, camions, trains de soldats
comme de blessés, voitures mortuaires, voitures pleines
d’ouate, charriots pleins et vides – ce qui serait
considéré comme de l'espionnage par l'occupant s'il avait
découvert le carnet ;
- la mise à l'abri des biens précieux de la famille de Potesta ;
- la mise à l’abri du trésor de l’église dans la chapelle funéraire des Potesta ;
- l’expédition d’un colis et de 300 frs à sa maitresse restée à Gand ;
- la mention de commentaires de soldats allemands qui se plaignent de la guerre et disent leur désir de rentrer chez eux ;
- la notation de l’état de santé de la population en fonction de la pollution atmosphérique et
- la gestion des litiges que celle-ci entraine ;
- la notation des attentats contre les Allemands ;
- la location d’une chambre et du billard
à un officier allemand… qui y reçoit des
demoiselles de la région ;
- la distribution de bons aux pauvres qui viennent aussi chercher chez elle du linge et des vêtements ;
- la remise en état et la mise à disposition du manège
pour l’exercice des cavaliers allemands et la grande fête
qu'ils y organisent, y rassemblant officiers, soldats et…
musiciens stationnés à Amay.
Le café de l'époque a changé d'affectations au fil du temps.
En 2025, l'immeuble accueille un centre récréatif pour enfants, La forêt de Popy.
Le carnet s'arrête le 19 juillet 2015, jour du retour de la Baronne et de René de Potesta.
Marie Ladry quitte notre commune le 29 avril 1919 pour
aller à Hompré (Vaux-sur-Sûre). Plus personne ne se souvient d'elle à Hermalle.
|
Le problème de l'alimentation se révélé
crucial dès le début de la guerre,
particulièrement pour la ville de Liège qui se
fournissait principalement aux Pays-bas et en Allemagne par le
transport fluvial. Dans les campagnes, certains paysans ne connaitront
pas la faim, s'enrichisseront et seront d'ailleurs
détestés par leur concitoyens moins favorisés.
Peinture naïve mais explicite présentée dans l'exposition Cuisine de guerre au Musée de la gourmandise en 2014.
Bien sûr, l'humour
garde ses droits… ce qui nous permet de connaitre les noms de ce
tibercule qui, avec le pain, constituait la base de l'alimentation :
Faire-part également présent dans l'exposition précitée.
Les autorités communales organisent la distribution de potage
aux écoliers hermalliens. Sur cette photo qui rassemble le Personnel de la Soupe Scolaire se trouve assis, à droite, un certain Lambert Lepage… dont nous parlerons plus loin.
En janvier 1915, un attentat a été commis à Flône contre les Allemands.
C'est probablement en réaction qu'est née, le mois suivant, une Association
Mutuelle momentanée pour la réparation de dommages aux
bâtiments, mobiliers et marchandises résultant de
l’incendie ou de la destruction par fait de guerre,
d'émeute ou de révolution, pour l’arrondissement de
Huy-Waremme ; il est prévu que, prenant cours le 10
février 1915, elle entrera en liquidation « six mois
après la date de la signature de la paix entre la Belgique et
les puissances avec lesquelles elle est en guerre ». Denis
Demoulin, cordonnier à Hermalle, y a souscrit.
Contrat d'assurance, en vitrine dans l'exposition Hermalle 1914-1915 jour par jour, septembre 2014.
Le viol des femmes et des enfants est l'une des pires horreurs de la guerre.
On en parle peu… ou on n'en parle pas.
Sans qu'il soit excusable, il fut parfois pardonné… Ici
par une maman – rien ne permettant d'affirmer que les deux jeunes
filles violées aient pardonné… :
« 32e témoignage : REFUGIÉ BELGE. À
Hermalle-sous-Huy, au mois de Septembre, j'étais sur la
place en face de la gare. Il y avait une escouade ou un peloton
de soldats allemands, sous les ordres d’un officier. Ils ont
placé un autre officier qui était avec eux contre un mur.
J'ai alors vu une femme, qui tient un café à Hermalle,
sortir et parler à l'officier responsable du peloton.
L’homme debout contre le mur opposé à la section a
ensuite été autorisé à partir. Le
frère de la dame m’a dit que l'officier placé
contre le mur avait violé la fille de sa sœur,
âgée d'environ 18 ans, et avait été pris en flagrant délit de viol de la deuxième fille, âgée d'environ 12 ans.
C'était la mère qui avait surpris l'officier en train de violer sa cadette.
Elle
a porté plainte auprès des officiers supérieurs
allemands et le violeur a été condamné à
être fusillé. C’est pour cela qu’on l’a
amené comme je l’ai décrit ci-dessus. La
mère était la dame qui est sortie, et le responsable de
la section lui a demandé si elle voulait pardonner l'officier
condamné. Elle ne voulait pas le voir exécuter et a dit
qu'elle pardonnait. Il a ensuite été
libéré. Le policier était habillé de gris
et avait un casque avec une pointe au-dessus. Il appartenait au 32e
Régiment de ligne. Je le sais parce que j'ai vu le nombre sur le
revêtement de toile qu'il portait sur son casque. Les autres
soldats présents sur la place appartenaient au même
régiment. »
Committee on alleged German outrages. Evidence and documents laid before the committee on alleged German outrages.
Being an Appendix
to the Report of the Committee appointed by His Britannic
Majesty’s Government and presided over by The Bight Hon.
Viscount Bryce, O.M. etc.etc. Formerly British Ambassador at Washington.
MacMillan Company, New York for His Majesty’s stationery Office,
London, appendix A, p.19
Il nous reste de cette époque des cartes-photos, souvent en
format carte postale, de civils comme de militaires qui posaient
volontiers devant un photographe, sérieux ou pas.
Humour de jasses... Le panneau indique « Un condamné Boche ».
Le trompettiste est Henri Feron.
Ces photos témoignent parfois des relations qui, vaille que
vaille, se perpétuaient malgré l'éloignement. Nous
respections ci-dessous la graphie des auteurs.
 |
Joséphine Ancia, carte photo.
Texte au verso :
Monsieur Feron Jules
Hameln 17 n°42486 Province Hannover,
Deutschland
Hermalle le 6-1-18 [reçue le 1-2-18]
Cher Jules
espérant
que votre coeur serat à la joie de recevoir cette photo il n'est pas
besoin de vous dire comment va ma santé vous le verez bien elle n'est
pas fort bien faite mes enfin elle serat toujour trouver le coeur que
jaime Recevez mon Jules les amitier de votre Joséphine
|
Carte photo, texte au verso :
Mademoiselle Josephine Ancia
Hermalle (sous) Huy Province de Liége
Le 5-2-18
Très cher Joséphine
Je
viens toujours par une photo voire comment va à ta cher
santé car j’en suis bien inquiet je ne recois plus rien de
ta cher main Je ne sais vraiment à quoi attribuer le manque de
t’est nouvelle avans tu m’écrivais toujours des si
belle lettre et sétais rare une semaine que je ne recevais rien
m’aintenans plus rien de toi Enfn je ne peux rien vous apprendre
que de vous dire que j’attant avec inpassionse de vos nouvelles
Recevez de loin les maillieure baisers de votre Jules a toujours |
Jules Féron, 1er du 2e rang, à droite.
 |
Les cartes-photos nous permettent aussi de mettre parfois un visage sur
le nom d'une personne citée dans une lettre, comme dans le cas
de Julia Feron :
 |
|
Le 29 juillet 1914, le caporal hermallien Marcel Hella a reçu l’ordre
de rejoindre son unité.
Il revient au village en 1919, démobilisé pour
raison de santé et y retrouve Julia, une amie d’enfance et de jeunesse.
Il l’épouse, bien que ses propres parents déconseillent le mariage car Marcel a respiré du gaz moutarde (ypérite encore utilisé au XXIe
siècle) et a été transféré
longuement d’un hôpital militaire à l’autre.
Dix mois après les noces, Marcel décède.
Et Julia reçoit une lettre de l’État :
« Votre
mari était invalide de guerre à 100 %, nous regrettons Madame de ne
pouvoir vous accorder la pension de Veuve de guerre parce que vous
n’aviez pas un an de mariage accompli. » |
Le village est libéré par les Canadiens en 1918 ; des
familles hermalliennes les hébergent quelque temps avec plaisir.
Soldats canadiens hébergés en 1918 par Rosalie et Camille Feron. © Jean Mossoux.
La famille de
Potesta - II :
Pour
mémoire : Édouard
René Charles de Potesta
(Couthuin 17.08.1868-Hermalle 28.04.1911) + Isabelle Louise Julie de
Géradon (1873-11.1957) => Emma et René
Édouard Marie de Potesta
René
Édouard Marie de Potesta (Hermalle 22 juillet
1899-Hermalle 25 juin 1977)
Lorsque
les Allemands envahissent la Belgique au début de la
Première guerre mondiale, le jeune homme de 15 ans est
donc à
Gand avec sa mère.
À son retour à Hermalle en juillet 1915, il brule de
s'engager auprès des alliés et va finalement tenter de rejoindre
l'armée. Trahi par une sentinelle à la
frontière,
il sera emprisonné pendant un an à Anrath (Allemagne de l'ouest), avant
d’être transferé dans le camp de
Celle-Schloss, au nord de l'Allemagne, comme d'autres officiers belges, britanniques, polonais, roumains, français et russes.
La baronne Isabelle lui envoie des colis de vivres :
Comme d'autres prisonniers, René de Potesta reçoit aussi
des colis de l' Œuvre de secours aux prisonniers de guerre,
basée à Lausanne :
Comme bien des épouses veuves, avant et
après elle,
Isabelle Louise Julie de
Géradon assure l'intérim de la direction de la seigneurie de
Hermalle que, très traditionnellement, son fils devrait assumer à sa majorité.
Elle se heurte par exemple à la commune au sujet des
écoles que la famille a fait construire rue de Meuse (actuelle
rue du Pont) à 300 m du château et publie la
réalité du problème :
René rentre à Hermalle
après la guerre. Il a 19 ans, il n'est pas encore majeur.
Menu du repas offert au
château de Hermalle au baron G. de Potesta de Waleffe - coll.
BMG M-I 0036
|
Il y a eu d'autres catastrophes que la guerre :
Les inondations étaient courantes. On se rappelle de celle
de
1910, de celle de janvier 1920 où la Meuse est
montée
jusqu'à 1,89 m au-dessus du quai d'Engis (photo de gauche,
remerciement à Charly Debatty) ; le même endroit
sera
également inondé en octobre 1924, en
décembre 1925
et en mai 1959, après un violent orage accompagné
de
grêle (photo de droite).
En janvier encore mais en 1926, suite à des pluies
torrentielles, le fleuve
déborde et inonde complètement le quartier
Chaumont de Hermalle ; on sauve les gens mais pas la
totalité du
bétail.
La Meuse
autrefois était bien différente ;
Peu
draguée, elle devenait facilement envahissante.
Des
crues terribles sont restées en mémoire.
Celle
de janvier 1926 aura marqué l’histoire.
L’eau
monta très vite, créant une vraie crise.
Chaumont
était devenu comme un quartier de Venise.
Quelques
audacieux devinrent des marins improvisés.
Il
fallait ramer pour garder le cap vers les sinistrés.
La
ferme Orban devait souffrir davantage.
Le
bétail, lui, ne pouvait monter à
l’étage.
Bravant
les périls, on parvint à sauver
l’essentiel,
Devant
ce cataclysme, on implorait la clémence du Ciel.
Gustave
Séverin, Souvenirs
(Mon Chaumont d’autrefois)
Engis est envahie ! L'eau atteint la rue
Maréchal Foch, quasiment au sommet de la rue de la
station...
soit une hausse de quelque 6 mètres !
Inondées, les usines sont à l'arrêt… comme toute l'activité économique.
Et
surtout…
« Messieurs,
le vendredi 5 décembre 1930, à Engis, par un
temps couvert et froid, une ménagère d'une
soixantaine d'années vaque à ses occupations,
sort de sa maison, ressent brusquement à la gorge une
insoutenable brûlure et immédiatement
après une sensation d'étouffement. Elle rentre
chez elle, s'alite, et meurt quelques heures après.
Ce
fait ne reste pas isolé. Des centaines et des centaines
d'hommes, de
femmes, d'enfants, habitant la vallée de la Meuse ressentent
les mêmes
symptômes, sont victimes du même mal inconnu.
Soixante-douze d'entre
elles meurent dans les 48 heures; plus de 300 échappent
à la mort mais
conservent en elles les traces du mal. Des centaines de bêtes
à cornes
sont brusquement frappées de mort dans les
étables.
Les
morts habitaient les communes de Hermalle-S-Huy, Engis, La Maillieu [sic],
Flémalle-Grande, Flémalle-Haute, Vierset [sic],
Ivoz-Ramet, Seraing, Jemeppe,
Ougrée. »
Archives
de la Chambre, au 7 juillet 1931, interpellation du
député Jacquemotte.
De fait : du 1er au 5
décembre 1930, un épais brouillard s'étend sur
l’Angleterre, la France, la Belgique causant de multiples
accidents d'aviation, de train, de voitures.
Il règne particulièrement sur toute la vallée mosane, de
Jemeppe-sur-Meuse à Huy. C'est un brouillard tellement épais qu’à Engihoul, on ne peut plus voir
quelqu’un à côté de soi pendant des heures, un air visqueux, une odeur
âpre qui brule la gorge, fait tousser et cracher noir ou jaune, sucré,
une poussière gris ardoise, grasse et collante.
Faute de pouvoir
soulager les bêtes, on met des bonbonnes d’oxygène dans les étables et
puis on doit les abattre pour qu’elles restent propres à la consommation.
Le jeudi, le brouillard épaissit encore et
s’étend sur des hauteurs jamais atteintes. Les gens continuent à
travailler des 11, 12 heures durant. Les usines ne s’arrêtent pas. Les
symptômes s’aggravent. Panique.
Ce brouillard fait stagner les particules fines et les gaz émanant des
27 grandes usines de la vallée qui utilisent, comme les particuliers, la combustion
du charbon.
Gens et animaux ne peuvent que les respirer.
Dès le troisième jour, de milliers de personnes
souffrent d'affection respiratoire et plus de soixante en
décèdent.
|
Extrait d'un article paru dans le New York Times du 6
décembre 1930.
|
L'émotion est intense non seulement dans la
région, mais dans la Belgique entière et
même dans le monde.
En témoignent les titres de journaux :
6
décembre
The Evening
Independent (U.S.A.) : "Mysterious fog in Meuse valley",
The Times (Angleterre) : "Over forty deaths in Belgium"
Sydney Morning Herald (Australie) : "Fog of death"
Rotterdamsch Nieuwsblad (Pays-Bas) : "De doodende mist"
7
décembre :
New York Times
: "Fog brought death only to old and ill" - sous-titre : "Peasants
still in terror"
Le Matin (France) : « Le brouillard fait des
victimes en Belgique »
Het Vaderland (Pays-Bas) : "De moordende mist"
8
décembre :
L’Humanité
(France) : « Un brouillard mortel descend sur neuf
villages
et tue près de 70 personnes »
Canberra Times (Australie) : "The breath of death".
9
décembre :
Les archives de Gallica.fr indiquent que le
quotidien français La Croix du 09 décembre 1930
(Numéro 14656) a écrit sous le titre «
Le
brouillard mortel dans la vallée belge de la Meuse
» : A
Hermalle-sous-Huy, on signale plus de 100 malades, mais il est
impossible de vérifier le chiffre.
«
Brouillard homicide », «
Vallée de la
mort »…
Le New York Times s'interroge : grippe espagnole,
arme chimique ou microbe du Sahara ? Il précise que
« 20 000 masques à gaz sont
acheminés
d'urgence de Londres à Bruxelles ».
Brouillard dans la vallée de la
Meuse - Collection Albert Humblet.
Une
hypothèse a effectivement surgi : le brouillard aurait
été contaminé
par la rupture de conteneurs contenant les gaz meurtriers
utilisés par
les Allemands durant la Grande guerre, conteneurs qui auraient souffert
d'un affaissement de leur lieu de stockage suite aux
périodes
d'inondations des années 1926.
Les journaux du nord de la France
relatent d'autant plus l'évènement que les
populations
civiles
françaises ont fortement souffert des gaz allemands et
qu'elles
ne peuvent donc que lire la presse avec
intérêt…
Mais il est
vrai que des rescapés, anciens combattants gazés,
ont établi la
comparaison entre la brulure ressentie dans les tranchées et
celle du
brouillard de 1930 [Prochasson].
Le 6 décembre, le procureur du Roi lance une enquête
sur
base d'une plainte
contre X et on crée une commission d'enquête
criminelle.
Le 7 décembre, la reine Élisabeth de Belgique
visite la
zone sinistrée et assiste depuis la maison communale d'Engis à un cortège funèbre.
Le Premier ministre Henri Jaspar présente les
condoléances du gouvernement lors d'une séance de
la
Chambre des représentants, et des parlementaires en
profitent
pour rappeler des incidents causés par des gaz industriels
à Havre, Frameries, Tilleur, Vilvoorde,
Willebroek…
Le 12 janvier 1931, une commission est chargée
d'étudier l'application des dispositions légales
et règlementaires destinées à
prévenir les dangers résultant, pour
l'hygiène publique et pour le régime des eaux, de
l'exploitation des établissements insalubres.
Le
total des morts est de 60 selon la plupart des auteurs
récents
:14 pour Engis la plus touchée (sur 3759 habitants), 12 pour
Seraing (45133 habitants), 9 pour Jemeppe (13905 habitants) et
Flémalle-Haute (6074 habitants), 7 pour Yvoz-Ramet (3786
habitants), 5
pour Flémalle-Grande (5840 habitants), 4 pour Amay (6353
habitants) [Buijsman]
La consultation des archives de la Chambre, au 7 juillet 1931, donne
d'autres informations, rappelons-le : le député
Jacquemotte a cité 72 décès dans les
premières 48 heures, et le ministre de l'industrie,
du
travail et de la prévoyance sociale qui lui
répond, M. Heyman, n'a pas démenti pas
ces chiffres
: « plus
de soixante décès se sont produits. Il ne fut
constaté aucun cas de mort immédiate ou rapide.
L'action du brouillard s'est surtout manifestée par une
irritation des voies respiratoires, accompagnée de
complications diverses. »
Le quotidien français La
Croix du 9 décembre précise dans un
petit article en page 2 : «
À Hermalle-sous-Huy, on signale plus de 100 malades, mais il
est
impossible de vérifier le chiffre. »
Seuls les adultes ont été victimes : « il
n'y a pas un seul enfant atteint », ajoute La Croix.
Cortège funéraire rue
Wauters, Engis.
Mais il y a eu plus de 300 malades de longue durée. Et des
centaines de têtes de bétail mort sur place. À
Hermalle-S-Huy, Engis, La Mallieue, Flémalle-Grande,
Flémalle-Haute, Vierset, Ivoz-Ramet, Seraing, Jemeppe,
Ougrée.
Quant à l'indemnisation des victimes…, le
ministre
précise que 1/ le juge d'instruction a chargé des
experts
d'étudier les questions relatives à cette affaire
et
d'établir, éventuellement, les
responsabilités,
que 2/ il ne peut être question pour l'Etat d'intervenir dans
l'indemnisation des familles des victimes ou des personnes ayant subi
des dommages matériels.
Les articles 1382 et 1383 du Code civil prescrivent en effet que tout
fait quelconque de l'homme qui cause à autrui un dommage
oblige
celui par la faute duquel il est arrivé à le
réparer et que chacun est responsable du dommage qu'il a
causé, non seulement par son fait, mais encore par sa
négligence et par son imprudence. C'est aux tribunaux qu'il
appartient de se prononcer sur la question des indemnités
à allouer. Le problème, c'est qu'il n'est pas
possible de
déterminer qui est responsable…
Il y a pourtant longtemps que la pollution par les usines posait
problème !
En janvier 1860 a été imprimée par de
Thier et
Lovinfosse, à Liège, une plaquette
intitulée Réponse
par les principaux industriels en zinc de la Belgique à une
note
tendant à démontrer la prétendue
insalubrité des fabriques de zinc adressée par
MM.
Collette et Laport à la Chambre des Représentants
le 20
décembre 1859.
Les directeurs de la Sté de Corphalie, de la Sté
de
Colladios, de la Sté de la Vieille-Montagne, de la
Sté de
la Nouvelle-Montagne), des propriétaires de fabriques de
zinc
à Ampsin et Ougrée, des lamineurs de zinc
à
Longdoz, Liège et Chênée y
démontraient avec
moultes annexes que les usines de zinc n'étaient pas
responsables des cas de choléra que connaissait le pays de
Liège.
Et ils avaient raison puisque cette maladie contagieuse est due
à une bactérie et non… au zinc !
Mais certains témoignages, cependant, évoquent
cependant
des problèmes résultant des poussières
zinciques
déposées par les fumées des usines sur
les
herbages environnants, nuisant à la santé des
végétaux arborescents et des bestiaux.
Ces
affirmations furent évidemment battues en brèche
notamment par M. Pétry, vétérinaire,
membre de
l'Académie royale de médecine et de la Commission
provinciale d'agriculture :
« Il n'existe pas une seule
preuve claire, positive, que l'homme, l'animal, les prés et les plantes
annuelles
dépérissent ou meurent par l'action des fours
à
réduction de zinc. Des observations, des
expériences nombreuses, des ouvertures de cadavres, faites
par
des hommes compétents, n'ont décelé aucun
signe caractéristique,
démontré aucune
lésion morbide sérieuse,
qu'on puisse directement rapporter à un empoisonnement par
le
zinc ; comme on n'a pas prouvé davantage,
jusqu'à
ce jour, par l'analyse chimique, la présence de ce
métal
dans les entrailles des animaux, ou dans les différents
tissus
des végétaux. »
Carte
postale, 1ère
moitié du XXe
siècle
Avant la Guerre de 1914-1918, la famille de Potesta avait
cependant intenté un procès aux usines
à Zinc de
Flône
et des experts se déplacèrent à
Hermalle dans ce
cadre. Marie Ladry, la préceptrice du
jeune baron de
Potesta et devenue, à cause de la guerre,
régisseuse du
château dont nous avons parlé plus haut – a écrit dans son Cahier à
la date du 4 décembre 1914 :
« Abordant
un sujet local, disons que, les usines ne crachant plus leurs
fumées empestées, la santé
générale des hommes et des animaux s’en
ressent
malgré tout : un fermier, voisin de l’usine de
Flône, assurait qu’il voyait périr
quantité
de jeunes poulains, chose qui ne s’est pas produite cette
année. Des personnes souffrant de l’estomac voient
leur
état s’améliorer au point de vue de la
digestion. Depuis le mois de Juin
jusqu’à ce jour,
il n’y a eu qu’un seul décès,
et encore
était-ce un suicide ! Aucun malade !
»
Et le 4 juin 1915 :
« Les
Experts pour le procès des fumées sont venus hier
et
aujourd’hui. Ils avouent que le feuillage est beaucoup plus
beau
que les années précédentes.
» .
De fait, le journal La
Wallonie,
dans son article « Le mauvais brouillard » du 15
décembre 1930, signale la lettre envoyée deux
jours
auparavant par le Bourgmestre de Hermalle au directeur de la Commission
d'hygiène de la province de Liège pour faire
état
de la situation habituelle des habitants :
« Ces
plaintes concernent d'abord, de façon
générale, le
tort causé à la santé des habitants,
les ravages
produits dans la végétation et les maladies
occasionnées dans le bétail par les
fumées et les
émanations des diverses usines situées sur le
territoire
de notre commune ou voisine (sic)
de celle-ci : fours à zinc des
sociétés La Vieille
et la Nouvelle Montagne, briquèterie et cimenterie Dumont-Wautier
à la Mallieue, Hermalle et St Georges, produits chimiques
à Engis. Mais la présente
requête vise avant
tout la situation intolérable causée tous les
jours, dans
la matinée surtout par la société des
fours
à zinc de la Vieille montagne à Flône. [À ses abords] il s'agit
[…]
de traverser sur une étendue de plusieurs centaines de
mètres, un nuage opaque de fumée jaune,
chargée de
cendres qui brûle les yeux, oppresse la respiration, suscite
une
toux incoercible et va jusqu'à couper à certains
moments
la visibilité. […] Je
conclus, Monsieur l'inspecteur en demandant, au nom de mes
administrés et au nom de l'Administration communale […]
qu'une enquête sérieuse et impartiale soit faite
et que
des mesures efficaces soient exigées des usiniers pour les
obliger à annihiler ou tout au moins à amoindrir
dans de
très notables proportions les effets désastreux
que les
fumées et les émanations de leurs
établissements
causent à notre population. »
Cette
catastrophe et la commission d'enquête ont induit la
première étude
scientifique au monde sur la
mortalité et les maladies liées à la
pollution de l'air. Le pathologiste liégeois Jacques Firket
a dirigé une
équipe de médecins,
météorologues,
toxicologues et chimistes qui ont déterminé que
l'air froid
saturé de toxines a été
surplombé par une
couche d'air plus chaude qui l'a piégé
à une
hauteur de 80 m. C'était le smog…
L'étude a conclu que
«
Si les mêmes conditions se trouvent réunies, les
mêmes accidents se
reproduiront. (…) Si un
désastre survenait à
Londres dans des
conditions analogues, on aurait à déplorer 3 179
morts immédiates. »
Et cela s'est reproduit : on
attribue au brouillard de pollution qui a couvert Londres, du 5 au 9
décembre 1952, 12 000 morts «
excédentaires » entre décembre 1952 et
février 1953… [13]
Dans l'impossibilité où l'on se trouve
d'empêcher
le brouillard de se produire, l'effort demandé par les
autorités va se porter sur le contrôle des
émissions de gaz industriels, ce qui va prendre de
nombreuses
années ; en 1938, un parlementaire évoque encore
à
la Chambre les conditions dans lesquelles vit la population :
obligation en certains endroits de « garantir les yeux
»
pour pouvoir circuler, obligation de vivre portes et fenêtres
fermées sous peine de pouvoir en une heure à
peine
d'ouverture « avec le doigt, écrire votre nom sur
les
appuis des fenêtres, sur les parquets, sur les tables, sur
les
murs, partout », obligation de vivre dans cette
atmosphère empoisonnée alors même que
la plupart
des mineurs souffrent de pneumoconioses contractées par le
travail même dans les usines…
Près de
l'entrée de la maison communale d'Engis, une sculpture de
l'Engissois Paul Vandersleyen,
installée en décembre 2000, commémore
le drame environnemental de
1930 en évoquant une des toutes premières
victimes engissoises, la jeune Louise Dams, dont on sait que…
À peine revenue de Liège à Engis, elle a
gravi péniblement les quelques centaines de mètres qui la
séparaient de la maison familiale. On l’a
alitée, le médecin a fait « une
piqure » pour la soulager des douleurs respiratoires. Du feu
dans la poitrine. Il ne savait ce qui se passait mais a dû
intervenir chez d’autres pour les mêmes symptômes.
À l’aube du vendredi, Louise est décédée comme beaucoup d’autres.
L'inscription indique :
« Louise était jolie. Louise avait vingt
ans. Elle revenait du bal. Elle était une enfant…
À la mémoire de la soixantaine de morts, jeunes
et
âgés d'Amay, d'Engis, de Flémalle et de
Seraing,
victimes de l'accident atmosphérique de décembre
1930 dans la grande région engissoise.
Toute entreprise humaine, fût-elle industrielle, est
susceptible de perfectionnement ! »
Le Bourgmestre cité dans le journal La
Wallonie est Lambert Lepage, depuis 1921.
Le 1er janvier de
cette année-là, un nouveau Conseil communal a
été installé.
Pour la première fois, tous les citoyens mâles
âgés
de 21 ans ont pu participer aux élections, selon le principe
« un
homme, une voix ». Les socialistes ont obtenu la
majorité.
Lambert Lepage a été nommé
bourgmestre, avec autorisation
exceptionnelle de continuer à exercer ses fonctions
d'enseignant.
Lambert
Lepage :
Lambert,
Louis, Léopold Lepage, frère ainé de Louis Lepage
termine ses études diplômé de
l'université
de liège, docteur en philosophie et lettres.
À l'âge de 23 ans, il entame sa
carrière
professorale à l'athénée de Thuin. Il
exerce
ensuite les fonctions de professeur à
l'Athénée
royal de Huy jusqu'en 1932 et reçoit la croix de chevalier
de
l'Ordre de Léopold.
En 1898, il a fondé la Mutuelle
Saint-Lambert. Pendant la
guerre 1914-18, il organise le ravitaillement de la population,
crée la soupe scolaire et fait distribuer des petits pains.
On
lui décerne la médaille du Comité
national.
Hermalle est la seule commune entre Liège et Huy qui ne
dispose pas encore de l’électricité.
Lambert Lepage obtient le raccordement au réseau en 1922 ce
qui est évidemment fêté.
En 1923, il transforme en écoles officielles les
écoles
adoptées des Potesta et crée de nouvelles classes
maternelles et primaires, renouvelant le matériel scolaire
et
fournissant un caban imperméable à chaque enfant
–
ce qui est noté par un journaliste contemporain comme
« une chose remarquable ».
L'inauguration des écoles et du kiosque de la place de
Hermalle se déroule en 1929. ( Pour
l'histoire des écoles, lire
la page dédiée.).
Avec des mandataires de communes voisines, il crée un
Comité intercommunal des mieux doués avec
dotation de
bourses spéciales permettant aux enfants d'ouvriers de
poursuivre leurs études, comité qui fonctionne
jusqu'en
1928. À l'intention des enfants
« débiles », il va
organiser pendant
plusieurs années des séjours à la mer.
Il va aussi
créer deux bibliothèques, l'une à
Hermalle,
l'autre dans le hameau de la Mallieue.
Il parvient à convaincre le ministre Ruzette de la
nécessité de reconstruire le pont de Hermalle qui
est
ré-inauguré en 1924.
Il fait moderniser les routes du Tilleul, de la Héna, du
Mabotte [? de Magotte ?], du pont et le chemin de Chaumont.
Pour faire disparaitre les épidémies de typhus et
de
fièvre scarlatine, il fait canaliser les rigoles et fait
passer
un projet d'installation d'une distribution d'eau potable, dite
«
alimentaire » dans le village ; Le projet est
accepté par
la
province
suite à la demande du 13 octobre 1931.
L'arrivée de l'« eau
alimentaire »
est
vécue comme un évènement d'importance
; chacun ne disposant pas d'un puits, il était
fréquent
que plusieurs voisins aillent s'alimenter dans une
propriété voisine privée –
ainsi en était-il
à la ferme castrale qui approvisionnait en eau de source,
notamment, le curé du village.
Le nom de
Lambert Lepage, en reconnaissance, va être donné
au petit
square qui
fait face
à la Maison communale et au milieu duquel se trouve le buste
du
« bienfaiteur », et aussi à une
rue
parallèle à l'actuelle chaussée Freddy
Terwagne.
L'année de sa mise à la retraite par limite
d'âge,
en 1932, Lambert Lepage perd son épouse et reste avec ses
deux
fillettes Marthe et Lisette.
N.B.
La
majorité de ces informations provient du discours
funéraire de Monsieur Orban, reproduit dans un hebdomaire de
la
région Huy-Waremme paraissant le samedi, daté du
28
février 1938 et nous communiqué par monsieur Jean
Mossoux.
La parenté entre Lambert et Louis Lepage a
été
établie par les recherches de monsieur Benoît
Louis.
Nous les en remercions vivement.
|
La famille de Potesta roule en automobile depuis de longues
années. En témoignent différentes photos dont les
plus anciennes ont été réalisées à
partir de plaques photographiques en verre (commercialisées
à partir des années 1890). Ce sont
généralement des véhicules qui ne protègent
pas le conducteur des intempéries – soit qu'il n'y ait
tout simplement pas de toit au véhicule, soit que l'habitacle ne
commence qu'après le siège du chauffeur.
Brrr ! Quel temps pour aller en voiture ! Qu'on soit chauffeur ou passager…
Famille de Potesta, plaque photographique s.d.
En 1929, le baron René de Potesta change de voiture. Pour
remplacer sa Voisin qui date de 1921, où le conducteur est
exposé aux intempéries, il choisit une Buick 21 HP,
conduite intérieure
– ce qui indique que chauffeur et passagers sont tous
installés à l'abri, à l'intérieur de la
carrosserie.
Ce changement lui vaut une proposition d'assurance de la Cie belge
d'Assurances Générales sise à Bruxelles. Le
courtier lui fait remarquer que les tarifs, depuis 1921, «
ont subi des hausses considérables, en présence du nombre
croissant de sinistres, du coût élevé des
réparations en cas d'accident et de la situation
résultant de la dévalorisation du franc. C'est vous dire
que nous ne pourrons acter le changement survenu dans votre risque que
par l'application de nouvelles conditions. »
La prime est calculée en fonction de la garantie assurée
: 1.050 francs
pour une garantie de 100.000 fr, 1.100 fr pour 200.000 fr, 1.250 fr
pour une garantie... illimitée, ce qui est inférieur au
tarif normal, souligne l'assureur qui lui offre une ristourne de plus de 20 % « eu
égard aux bonnes relations qui n'ont cessé d'exister
entre vous [le baron] et notre Compagnie. »
Le baron a dû apprécier et comprendre car en matière d'accident... la famille en avait connu !

Accident d'un véhicule de la famille de Potesta,
plaque photographique s.d. (probablement de l'époque du Baron Édouard).
En mai 1940, la Deuxième guerre mondiale éclate !
Cela fait des mois que le Gouvernement belge, et les pouvoirs publics
de tous niveaux y compris communal, se sont inquiétés de
la situation politique européenne et de la menace d’une
nouvelle invasion allemande; des plans, d'ailleurs souvent
critiqués par les parlementaires, ont été mis en
place.
L’État, par exemple, a prévu l'évacuation
des populations les plus directement menacées (celles les plus
proches de la frontière allemande). Rassurante à court
terme, cette organisation va pourtant laisser à désirer
car les pouvoirs communaux sont seuls juges alors qu'ils estiment que
c'est aux autorités administratives et militaires à
prendre cette responsabilité.
Et quand c'est l'exode...
À Hermalle, la population a été avertie par un courrier communal en
décembre 1939, du parcours de 29 km qu’elle sera tenue de suivre par
ses propres moyens pour aller à Momalle prendre le train qui la mettra
à l’abri.
Mais quand l’attaque allemande se déclenche et que le
Génie belge fait à nouveau sauter les ponts d’Engis et Hermalle – comme
en 1914 –, chacun ne pense qu’à sauver sa peau et part – en camion, en voiture, en
charrette, à vélo ou à pied – dans un immense chaos.
Arthur Vandebosch, fondateur de la section locale de la Croix-Rouge
d'Engis décrit la situation pour sa commune, 60 ans plus tard
dans le journal du Centre culturel L'Aguesse du 10 novembre 2005 :
«
Les Messieurs-Dames filent dans leurs autos. Les pauvres diables
s'en vont nantis d'un bric-à-brac qui serait du plus haut
comique, si ce n'était la situation tragique dans laquelle nous
nous trouvons. Cet exode est souhaité par l'ennemi : il
entravera nos moyens de défense. Nos malheureux concitoyens vont
payer cher cet exode : 14.000 d'entre eux seront tués par les
bombardements. Il y a cependant une loi votée le 5 mars 1935 sur
la mobilisation civile qui astreint tous les fonctionnaires à
rester sur place quoi qu'il arrive ; loi qui prévoit des
sanctions allant de 1 mois à 1 an de prison sans
préjudice des peines disciplinaires. Mais la loi ne compte plus,
c'est la nécessité qui fait la loi, selon un vieux
proverbe boche.
(…)
Des détonations se font entendre. Une explosion plus forte que
toutes les autres nous jette à bas du lit : c'est le pont
qui saute, il est 3 h 1/2.
On
s'habille, on sort. Sur la route, vers chez Méard, des
débris de toutes sortes jonchent le sol, les toitures sont
criblées de trous, les carreaux sont cassés. Un cheval,
toutes les entrailles dehors, est étendu sur l'accotement
près de la maison Noirfalize. Le pont fait deux V majestueux,
pointes vers le bas, entre les piles de la Meuse.
(…) Nous avons deux militaires tués, un autre a le
fémur fracturé, un vieillard a le bassin
défoncé, d'autres personnes sont couvertes de contusions,
etc. « Et alors, dis-je, les médecins sont
auprès de nos blessés ? ». « Les
médecins, fait M. Mélard, mais ils sont tous partis en
exode. » Et nos infirmières qui avaient pris la garde ?
Elles sont parties, comme sont partis les D.A.P. et toute la police
auxiliaire.
(…) Nous voudrions envoyer nos blessés graves dans une
formation où ils pourraient recevoir les soins voulus. Les
réponses viennent : ni Liège ni Huy ne désirent
recevoir des blessés de notre section. Il n'y a plus aucun
médecin à 10 kms à la ronde. Nous nous
replions sur nous-mêmes, on tiendra. »
Certains Hermalliens tentent bien de gagner le lointain lieu de
sauvegarde : Dottignies (village de Mouscron près de la
frontière française), mais d’autres sont
brimbalés de villages en villages au gré des
bombardements, de la pénurie alimentaire, de l’accueil de
la population et des autorités françaises.
Voici, pour comparaison, une carte qui retrace les parcours
(aller-retour depuis Hermalle et Engis) de la famille Mossoux, et de
Jean-Raoul Troquay qui recoupe en partie celui de Georges
Longrée et Léonie Jacques :
Émile Fouarge n’a pas quitté
Hermalle en mai 1940.
Avec quelques personnes, il organise un service
de ravitaillement et la surveillance des fermes et des magasins
abandonnés par leurs exploitants.
Faisant temporairement
fonction de bourgmestre car le socialiste élu en 1936,
Édouard Vandeweghe, est parti en exode comme pas mal de ses
administrés, Émile Fouarge est menacé par les
Allemands d’arrestation et
d’exécution, faute de pouvoir fournir la main
d’œuvre indispensable à
la réparation des routes abimées par le charroi
militaire. Il est sauvé
par Hubert Obrié, l’ancien majordome du château,
capable d’expliquer en
allemand qu’étant donné l’évacuation
des habitants, plus personne n’est
disponible pour ce travail.
La Résistance va naitre et s'organiser ; pendant toute la guerre, membre du
Mouvement national belge, Émile Fouarge va s’occuper de la presse
clandestine, avec l'aide de son épouse et de ses jeunes enfants Jean, Richard et
Arlette qui décèdera à l’âge de 10 ans mais sera citée en 1945.
Rentré à Hermalle, Édouard Vandeweghe sera
révoqué pour abandon de poste (arrêté du 13
juin 1941) par l'Autorité militaire allemande qui lui choisira,
le 17 janvier 1942, un remplaçant en la personne de Louis
Galère, tailleur de profession. Ce Hermallien était connu
comme rexiste et, suite à des remarques qu'on lui avait faites,
avait plusieurs fois menacé Édouard Vandeweghe de
l’envoyer en Allemagne.
Face à des résistants qui tentent de lui voler le sceau communal, ce « bourgmestre de guerre
» les mettra en fuite par menace armée. À partir de
janvier 1944, il deviendra commandant, en uniforme, de la
Formation B régionale, une unité (parfois appelée Étendard de Protection Paul Colin)
chargée de la protection des autorités civiles rexistes.
En déplacement ou pour la simple distribution des timbres de
ravitaillement à la commune, il se fera accompagner de deux
gardes
du corps armés.
À la Libération, il prendra la fuite mais sera
condamné en 1946 pour collaboration politique avec, en appel,
trois ans d’emprisonnement et
une amende de 40 000 francs.
Édouard Vandeweghe retrouvera sa place comme bourgmestre légal ; il sera réélu en 1946 et en 1952.
Au plan professionnel, il a été directeur des Magasins de
l'Union coopérative, rue Joseph Wauters (actuelle
chaussée Freddy Terwagne) dont sa fille tenait la boucherie
– témoignage de Victor Dardenne †).
Édouard Vandeweghe portant la ceinture maïorale entouré des membres du conseil communal.
De g. à droite : 1 homme non identifié, Jules Sacré (le 2e, décoré), Julien Dardenne (arrière plan), Augustin Ameil,
Édouard Vandeweghe, Camille Moisse (secrétaire communal en arrière-plan), Henri Hayman, 2 personnes non identifiées,
Léon Hennuy, 1 homme non identifié, René Lebon et Victor Dumont.
En janvier 1942, l'hiver est si rude que la
Meuse a gelé et
qu'on peut la traverser à pied.
La famille de
Potesta - III :
En
famille et dans le village, René de Potesta est
jugé rigoureux voire difficile.
Il est fort bon tireur au
tir
aux pigeons ce qui l’amène à de
fréquents
voyages ; au retour de l'un d'eux, il ramène un
Séquoia dendron
giganteum, d'abord placé du côté du potager, puis
déplacé à l'aide d'une grue dans la
drève,
en façade nord de la Ferme castrale. Ce séquoia
est
répertorié arbre remarquable par la
Région
wallonne depuis 2000. Le parc compte aussi un orme classé,
cité dans le livre des arbres remarquables de Belgique, un
catalpa et un tulipier de Virginie. La propriété
compte
alors 600 hectares.
J. Silvestre, Le Château de
Hermalle-sous-Huy, 1938.
Deuxième Guerre mondiale.
En 1943, au château, la famille fait ses courses comme tout un
chacun : savon, thé, cacao, lames de razoir [sic],
vêtements pour les enfants (robes pour Hélène et
Anne, pyjama, chemises et gants pour Charles), et livres – de
Carlo Bronne ( Les Abeilles du manteau), Mazo De la Roche ( Le Maitre de Jalna), René Besson ( Destins en vrac), Friedrich Hartnagel ( Amazones de Broadway) –, mais ces déplacements anodins cachent une autre réalité :
René
de Potesta, 44 ans, s’est engagé activement dans l'AS, l’ Armée Secrète,
à l'état-major de la Région de Namur.
Successivement chef de plaine et adjoint au chef de parachutage
d’un secteur, il transporte armes, munitions, vivres, postes
émetteurs.
Sans doute est-ce pour lui que la Gestapo débarque à
Hermalle-sous-Huy le 4 mars 1943. Mais Jules Leclercq, caché par
le fermier Wéry dans la Ferme castrale, prend peur et tente de
s’échapper. Il est aussitôt abattu par les Allemands
tout près de l’entrée du château. Une plaque
sur le mur d'enceinte du site castral
– chaussée Freddy Terwagne – rappelle,
sans ambages, le
décès de ce résistant.
Dénoncé par un
résistant chef de plaine à l’A.S., qui était
en fait… un agent de la Gestapo carolorégienne !,
René de Potesta est arrêté le 13 juin 1944
à
Maredsous (Denée) avec des moines de l'Abbaye .
Torturé à Namur, le baron est ensuite
incarcéré à Mons, puis à Charleroi. En
aout, il est envoyé vers une destination inconnue.
Son épouse Alie – qui réside avec leurs deux filles
au château Saint-Marc d’Annevoie tandis que le fils Charles
est à Hermalle avec sa grand-mère, la
baronne Isabelle – tente vainement, pendant des mois, de
retrouver sa trace. Quelques maigres informations vont peu à peu
surgir sur les conditions de détention de René et sur son
état avant le transfert, mais en février 1945, la baronne
ignore toujours où il se trouve.
On apprendra plus tard que René a été envoyé à Buchenwald puis dans le kommando de Blankenburg-Klosterwerke
lié
au
tristement célèbre camp de Dora. Pendant 7
mois René de Potesta
y subit comme les autres la vie décrite par Lucien Defauw
; comme lui, il va devoir faire la marche forcée
d'évacuation de 80 km jusqu'à Magdebourg puis
être
embarqué sur une péniche pour descendre vers
Lubeck
où grâce à Folke Bernadotte,
la Croix-Rouge prend en charge les prisonniers qui ont
réussi
à survivre et les transfère en Suède.
Vers le 13 mai 1945, un télégramme a appris à Alie l’arrivée de René dans en Allemagne.
Elle peut enfin correspondre avec son époux et lui donne des
nouvelles de la famille et des amis : leur fils Charles, qui
dès octobre 1944 voulait s’engager pour venger son
père, est caporal dans les Fusiliers stationnés en
Allemagne occupée ; Anne, leur fille cadette, se rend trois
à quatre fois par semaine à Namur, au service des
prisonniers revenus d’Allemagne ; le château de Hermalle
est plus beau que jamais, hormis quelques carreaux cassés par
les V1 ; etc.
Elle aussi lui envoie des colis.
René
de Potesta est rapatrié le 5 ou le 6 juillet 1945.
Son fils ainé Charles,
stationné à Verviers, est averti de son retour par un
télégramme d'Alie le 13 juillet : PRIERE PREVENIR CAPORAL CHARLES DE POTESTA 22-EME MATAILLON (sic) 4_ME COMPAGNIE RETOUR SON PERE
Extrait de la Citation de l'Armée Secrète - 25
mars 1946 : (...)
il [René de Potesta] se laisse torturer plutôt que de parler. Bien
plus, il
risque de perdre sa dernière chance de sauver sa
tête en
prévenant à plusieurs reprises ses compagnons du
danger
qu'ils courent.
Le dénonciateur, Raoul Cassart, né à
Ittre le 12
juillet 1904, sera traduit en justice devant le Conseil de guerre
à Namur, et René de Potesta y
témoignera. Le
procès durera plusieurs jours et l'auditeur requerra 20 ans
d'emprisonnement contre Cassart en juin 1948 tandis que la
défense plaidera l'acquittement. Le quotidien Vers
l'Avenir
y consacrera plusieurs articles.
La Cour Militaire de Liège clôturera ce
dossier,
infligeant à Cassart 15 ans de détention
ordinaire et
accordant le franc symbolique à la partie civile du baron de
Potesta.
|
Bien
des choses se sont passées à Hermalle, Clermont et Engis
pendant son séjour en Allemagne… Attentat contre un train
allemand à la Mallieue en 1943, bateau allemand coulé
dans la Meuse à hauteur de Hermalle par un avion anglais et
vedette allemande détruite par la résistance la
même année.
La destruction de la vedette suscite évidemment des
représailles : l'occupant rafle la famille Martin –
père, mère et deux enfants – qui habite à
proximité, à la limite de Hermalle et Ombret, et l'envoie
en camp de concentration. N'en reviendront que deux personnes, le
père et un fils ayant disparu au camp de Buchenwald. Les
postiers hutois honoreront leur mémoire par la pose d'une
stèle dans la Grand poste de Huy. Et lorsque le bâtiment
postal de Huy sera désaffecté, le monument – qui
semble être le seul mémoriel dédié à
des postiers – sera installé à l'entrée du
musée Postes restantes dans la Ferme castrale de Hermalle-sous-Huy.
Le 7 septembre 1944, enfin ! Les libérateurs américains sont tout proches, à Ombret.
Les Allemands font donc sauter
le petit pont qui enjambe le ruisseau d'Oxhe pour les empêcher
d'emprunter la grand-route qui mène directement au village de
Hermalle.
Guidée par trois Hermalliens – Félix Halleur,
René Davignon (cousin de Jules Lecrenier) et Jean Welliquet
–, les premiers véhicules de l'armée de
libération vont contourner la colline du Thier d'Olne et suivre
l'antique chemin romain qui la mènera jusqu'à se faufiler
entre la Ferme castrale (cachée par les arbres, à gauche, sur la photo suivante)
et la Cense cassal (mur de droite) et déboucher enfin sur la
place du village (qui s'appela ensuite place des Combattants).
Premier véhicule à entrer à Hermalle : une jeep Willys. Félix Halleur, René Davignon (cousin de Jules Lecrenier) et Jean
Welliquet sont juchés sur le véhicule à côté des G I’s dont l'officier
gardait en permanence la main sur son révolver.
L’homme au brassard qui court
à gauche est Jules Lecrenier (le fils de l’ancien receveur
communal Camille Lecrenier déporté par les Allemands
pendant la Première Guerre mondiale) ; la femme souriante est
Yvonne Sauveur.
Reproduction avec l’aimable autorisation de Jules Hastir ;
informations de Francis, fils de Jules Lecrenier.
Suivent d'autres véhicules
légers dont un half-track du Combat Command A de la 3e Division
blindée et des « autos blindées ».
Les blindés lourds de l'armée US du type Patton
n'arriveront que le lendemain, par la voie directe normale, le
génie ayant installé un pont sur l'Oxhe et ils
commenceront à défiler dans le village, en direction
d'Ivoz-Ramet. Mais l'armée américaine installe aussi un
camp dans le domaine de la famille de Potesta, juste en face du
cimetière villageois (voir la carte ci-dessus).
Yvonne
Ramackers, Hermallienne licenciée en langues germaniques,
servira
d'interprète pour les nouveaux arrivés.
Hermalle est libérée mais la guerre n'en est pas finie pour autant.
Le 4 janvier 1945, une bombe volante tombe à Engis et tue deux
personnes : Victor Bourguignon, 41 ans, combattant et prisonnier de
guerre, rentré grand invalide et pourtant devenu maquisard dans
l'Armée secrète, et son fils Marcel âgé de 9
ans.
En aout suivant, un grand cortège dont témoignent pas mal
de photos parcourt le centre du village de Hermalle. En voici une
explicite :
Participants et public se
retrouvent ensuite au château pour commémorer le retour
des prisonniers de guerre. Cette phto nous a été
transmise par Victor Dardenne † :
Le photographe liégeois Félix Célis, lui,
immortalise l'ensemble des soldats et résistants hermalliens,
dont 6 femmes, rassemblés dans la cour du château :
Plus de cinq ans après la fin de la guerre, dans les
années 1950, les deux cloches (sur les trois
que possédait l'église d'Hermalle),
réquisitionnées par les soldats allemands pour être
fondues et
transformées en
canons, sont enfin remplacées aux frais de l'État, en vertu de
la loi du 6 juillet 1948.
Sur le parvis de l'église Saint-Martin, le jour d'arrivée des deux nouvelles cloches
Deux dalles commémorent la mémoire des
héros villageois des deux guerres mondiales, l'une
placée longtemps sur le
côté de l'ancienne maison communale – rue
Wérihet –, puis déplacée sur le mur de
l'église Saint-Martin pour cause de réaffectation
du bâtiment communal,

l'autre contre l'église
Saint-Martin - place des Combattants ; ce dernier monument a
été déplacé vers le chevet
de
l'église lors de la rénovation de la place en
2013.

Mais rien ne rappelle l'action des résistants et plus
particulièrement celle de deux jeunes femmes…
Onolinda
Cunaccia :
Elle
nait le 1 er octobre
1909 à Wells Creek. P.a., Comté de Somerset,
Pennsylvanie, d'un couple d'ouvriers italiens originaires de
Pinzolo (Trente, Italie) et possède donc la
nationalité américaine.
Elle a 16 ans quand la famille arrive d'Italie en Belgique et
s'installe à Gives (Ben Ahin) où
« Linda » va travailler au
charbonnage. Trois ans plus tard, elle déménage
avec ses parents à Dudelange (Grand Duché de
Luxembourg) et devient servante.
Le 6 juillet 1929, elle épouse à St-Georges
« Joseph » Giuseppe Gianni Ceol,
de six ans plus âgé, arrivé en Belgique
en 1924 et devenu Engissois depuis 1927. Le couple va vivre
successivement à Engis, Amay, Saint-Georges. La
Sureté de l'État signale que Linda « parait
honnête ». Elle ne travaille
plus : Joseph a un bon salaire à l’usine de
Flône.
Le 25 avril 1936, la Gendarmerie contrôle les six
participants à une réunion antifasciste
à la maison du Peuple d’Engis. Parmi eux se
trouvent Joseph et son cousin Lino Scarian, connu comme militant
communiste. La Sureté publique enquête
sur l’ « attitude au point de vue
politique de Joseph »… Elle
constate qu'il est absent des meetings ou manifestation subversive du
canton, non abonné à un journal
subversif,… mais qu'il reçoit quotidiennement la
visite de Lino.
Celui-ci, persécuté par l'OVRA (Organisation
fasciste italienne de répression des anti-fascistes), a
émigré en France (1923) puis en Belgique
(1924).
Lino devient délégué des groupes de
langue italienne au comité central du P.C.B. (Parti Communiste Belge), responsable
local à Engis de la section italienne du Secours Rouge
International. En 1936, la guerre civile éclate en Espagne
et Lino s'engage car
« Ayant
souffert depuis mon enfance, je ne pouvais pas être absent de
la lutte du peuple espagnol pour le pain et la liberté
menacée (...) En tant qu'ouvrier opprimé et
amoureux de la liberté, je me suis
précipité à son secours et j'ai
été parmi les premiers internationaux
à avoir pris les armes contre l'ennemi commun : le fascisme.
»
En septembre 1936 Lino se bat dans le bataillon Garibaldi, combat sur
tous les fronts de Madrid à Guadalajara où il est
blessé. Plus tard, dans le 2 e
bataillon de la brigade Garibaldi, il est présent dans
toutes les actions militaires du département.
Blessé sur le front de l'Èbre (07-11-1938), il
rentre en France en 1939 et est interné au camp de Gurs.
Il est évident que la famille Céol a subi
l'influence de Lino Scarian et fermement partagé ses idées.
Linda et Joseph adoptent José Miguel Berastegui, un des 5130
enfants abrités en Belgique pendant cette guerre.
« Zio (oncle)
José » – comme l'appellera la
famille –, décèdera à Huy le
30 juillet 2006, âgé de 81 ans.
Le 11 janvier 1941, le couple déménage
à Hermalle /s Huy, Rue Magotte 218, avec ses deux fillettes
Gloria et Jeannine (nées en 1933 et 1936).
Linda a gardé sa nationalité
américaine mais, sur le conseil de Camille Moisse,
secrétaire communal hermallien de l'époque, se
fait inscrire comme Italienne au registre de la population pour
éviter des représailles des Allemands. La
situation administrative aurait dû être
rétablie une fois le danger écarté ;
ce ne sera fait qu'en 1962 lorsqu'elle souhaitera revoir ses
frères et sœurs aux USA.
La même année, le consul italien signale que Lino
a repris ses activités de résistance
antifasciste. En fait, Lino sera reconnu résistant
armé à
partir du 1er juin 1940…
la Belgique ayant été envahie le 10
août.
Les petites-filles de Linda, indépendamment l’une
de l’autre, affirment que Linda était
très taiseuse mais qu'« elle a
sauvé le village ». Elles sont certaines
qu’elle a caché des Anglais et des
Américains dans des galeries horizontales donnant sur le
puits au fond du jardin – mais en 2021, il n’y a
pas de puits… dans ce jardin de la rue Magotte.
1963 : Lino et Linda avec les
petit-enfants
René (fils de Gloria), Chantal et Danièle (filles
de Jeannine)
Deux certitudes :
1 - Elle a gardé un contact ininterrompu avec Lino
Scarian, « ouvrier d’abattoir »,
domicilié à Hermalle-sous-Huy, reconnu
résistant armé pour avoir
- diffusé de la presse
clandestine ; abrité un dépôt
d’armes ;
- brulé des champs de colza et
de lin ;
- participé à
l’enlèvement des registres de la population
à l’administration communale ;
- hébergé des
réfractaires et des résistants ;
- aidé à
l’évasion d’un prisonnier russe ;
- été membre du Front
de l’Indépendance, partisan armé
III/1271.
2 - En 1962, un document administratif relatif à la
nationalité de Linda indiquait
« (...) De
plus CUNACCIA est décorée de la
Médaille de la résistance belge lui
décernée par Ar. Min. n°5384 en date du
17/9/1948. »
Pour quels faits ? On l’ignore toujours…
Le 30 novembre 1948, famille et enfants ont
déménagé de la rue Wauters Hermalle
à Amay, ch. de Liège. Joseph est
décédé en 1960, Lino en 1975, Jeannine
en 1980, Linda en ±1990…
|
Marie
José Brasseur :
Marie
José,
Thérèse, Joséphine, Brasseur
nait le 22 aout
1926 à Hermalle-sous-Huy. Elle habite avec ses
parents,
Jules Joseph Brasseur et Marie Victorine Rasquin, rue d’Aux
Houx
203 à Hermalle.
À l’âge de 16 ans et demi, elle est
déjà affiliée aux mouvements
clandestins S.R.A.,
Association des Filiéristes et Aide aux Ailes
Brisées
Alliées.
Elle est membre actif du Service D, mouvement de résistance
armée. Elle a fait partie du réseau Escape et de
l’U.S.R.A. (Union des Services de Renseignement et
d’Action).
Son père Jules est un résistant convaincu : il va
héberger des résistants, des parachutistes
anglais et des
prisonniers évadés d'Allemagne, et fabriquer des
fausses
cartes d'identité, de travail et des timbres de
ravitaillement
que Marie-José transmet. Elle vend aussi des vignettes
représentant des fusillés de la citadelle et des
journaux
clandestins (ex. Le Coq
Wallon et L'Arc-en-ciel)
à des Hermalliens et à quatre régentes
à
l‘École moyenne de Huy où elle se rend
à
vélo en tant qu’élève ; elle
remet les
sommes recueillies à son père.
De son propre aveu, Marie-José lui obéit
lorsqu’elle conduit des français
évadés, et
des paras Anglais sur le chemin qui les mène à un
réseau de prise en charge.
En 1948 : elle est reconnue résistante
armée isolée
(n’appartenant pas à un groupement).
En 1949, monitrice dans un home ONE de Comblain-au-Pont, elle introduit
une demande de reconnaissance au titre de résistante civile
et l’obtient.
La commission de contrôle de Liège fait appel pour
lui refuser ce titre car le Commissaire de
l'État J. Blanpain donne pour avis :
« (…)
En fait l'activité principale était
l‘œuvre
de son père mais occasionnellement elle a
été
chargée par celui-ci de conduire à une autre
personne des
hébergés par son père; elle a
également
remis sur les ordres de son père des timbres et cartes
d'identité, etc. à des gens qu'elle ne
connaissait pas
personnellement. Les faits sont attestés par (…)
Quoi qu'il en soit j'estime que pour louable et méritoire
qu'elle ait été, cette activité ne
peut valoir le
titre de Résistant Civil. ».
Et le titre lui est retiré !
En fait, elle a trop minimisé son action : diverses
attestations, dont la première date de 1942 !, indiquent
- qu’elle servait aussi
d’agent de renseignement,
- qu’elle a apporté
une aide
précieuse aux prisonniers français
évadés
jusqu’à la Libération (daté
1947),
- qu’elle a mis en lieu
sûr des personnes hébergées lors de
perquisition allemandes,
- qu’elle a transporté
depuis le
dépôt du domicile hermallien, de 1943 à
la
Libération, des armes et des munitions
nécessaires
à l’A.S., à l’A.Lib., aux
Partisans
Armés et au 1er
régiment du M.P. du Front de l'Indépendance,
secteur Huy-Waremme (daté 1947),
- qu’elle a fourni des
vêtements civils à des prisonniers russes
cachés au Bas-Bois (daté 1953).
Elle va en appel ; une enquête s’en suit (avec des
questions pointues auxquelles il doit être difficile de
répondre 10 ans après les faits,
d’autant que le
secret et le compartimentage étaient des
impératifs de
sécurité…) et, le 14 novembre 1953,
elle obtient
le « droit au titre de Résistant
civil »
pour la période du 31 mars 1943 au 8
septembre 1944.
Pour sa qualité de résistante armée,
il y a aussi
eu révision et cette qualité a
été
maintenue pour les actes
- pilotage d'aviateurs - prisonniers
évadés (Français et Russes)
- placement et aide aux
réfractaires
- diffusion de la presse clandestine
- membre réseau
Escape : carte n° 306
- membre U.S.R.A. - carte n° 782
Elle était alors mariée à Joseph Lomba
et habitait à Seraing.
Elle épousera en secondes noces Jean Del Bel Belluz qui nous
a permis, en 2014, de photographier ses médailles.
De gauche à droite :
médaille
« 1940 1944 Association nationale des filiéristes
passeurs
d’hommes de Belgique » ;
médaille de la Résistance armée
« 1940
Resistere 1945 » ; médaille de
l’Union de la
Résistance et Jeunesse patriotique belge «
Résistance belge 1940-1944 », avec
étoile en agrafe
sur le ruban rouge et noir ;
médaille commémorative de la guerre
1940-1945 avec petite agrafe au ruban,
en forme de sabres croisés indiquant le service au combat en
1940 ou dans la Résistance armée.
|
Quasiment personne, même parmi les anciens de Hermalle, ne se
souvient de ces courageuses jeunes femmes en 2020.
Certains n'ont découvert la qualité de
résistante
de Marie José qu'à son
décès, son
deuxième époux ayant fait placer les
médailles sur
le cercueil.
Pour Linda, il n'y a plus que la pauvre parole de ses petites-filles.
Quatre autres femmes ont aussi été
résistantes
mais nous ne connaissons que les noms de Jeanne Derwael l'infirmière,
Laure Charlier l'épouse du garde-champêtre Vandeweghe, Isabelle Massart-Leroux...
Rien sur leur vie. Merci pour
vos compléments d'information ! Merci aussi de nous communiquer le ou les exemplaires de La vaillante hermallienne, Bulletin patriotique ne se soumettant à aucune censure,
si vous en retrouvez. Nous n'avons qu'une copie de l'exemplaire
d'octobre 1943 – d'ailleurs menaçant un habitant…
Côté masculin, pour Hermalle et Engis, sont restés
en
mémoire soit par la parole des anciens, soit par la presse, soit
par des photos et documents divers, soit par le nom de rues les
patronymes des combattants
résistants
René de Potesta, Louis Dispas, Pierre Servais, Victor
Bourguignon, Renier Baldewijns qui dirigeait
le réseau local du Front de
l’Indépendance.
Alphonse Lecarte, chef de section de l’Armée
secrète, et Nicolas Lhomme qui décéda
le 30 mars
1945 dans le camp de concentration d’Ellrich.
Et encore Roger Ancia qui fut emprisonné à la
citadelle
de Liège avec Émile Dehin, le chef de
réseau local
du Front de l’Indépendance. Gaston Libert le fils
du
batelier, et René Dengis engagé volontaire
à 18
ans aux chasseurs ardennais, René Boneux et Raoul Mossoux
qui
transportait des journaux clandestins et des marchandises
pour les réfractaires de la commune d’Antheit dans
le
camion de la
coopérative…
Il faut aussi se rappeler Georges Longrée qu’on a
longtemps considéré comme un traitre alors qu'il
accomplit de très nombreux actes de résistance et
entra
finalement dans la Gestapo avec l'intention de jouer un double jeu.
Soupçonné et dénoncé par un
de ses nouveaux
collègues, il fut arrêté le 18 aout,
torturé, incarcéré à la
citadelle,
condamné à mort et exécuté
d'une rafale de
mitraillette.
Dans un tout autre domaine, rien ne rappelle non plus que les rails de
la 4e
ligne de tramways ouverte par la Société
Nationale des
Chemins de fer Vicinaux (SNCV) le 25 octobre 1913 entre Engis
(gare) et Dammartin ont été
démontés par
l'occupant allemand en 1916 et réutilisés sur les
chemins
de fer militaires du front de l'Yser…
Cette ligne fut reconstruite en 1923 et, n'étant
utilisée
que par peu de gens, fut supprimée en 1932 au profit des
autobus
; comme le nombre de ceux-ci fut fortement réduit pendant la
Deuxième Guerre mondiale, elle retrouva du service pendant
quelques années - jusqu'au 19 mars 1950. Il en
reste
quelques rails place des Déportés et des
Réfractaires…
Il ne reste rien, par contre, des câbles
électriques qui
permettaient le roulage des trolleybus (autobus à traction
électrique dont le moteur reçoit le courant des
câbles aériens conducteurs, les
caténaires, par
l'intermédiaire d'une perche mobile). Une ligne de la RELSE
(Société Anonyme des Railways
économiques de
Liège-Seraing et extensions) a pourtant
existé…
Elle devait prolonger la liaison électrique Seraing-Ivoz
jusqu'à la Mallieue et ce projet avait
été
approuvé par arrêté royal le 26 mars
1938.
Mais la guerre a modifié les plans : le pont-barrage
d'Ivoz-Ramet étant détruit, la jonction du
tronçon
de la rive droite avec Flémalle n'est plus possible.
Flémalle-Haute (passage à niveau)-Engis, ouverte
le 5
janvier 1942, reste donc isolée du reste du
réseau ;
parqués au dépôt de Jemeppe, ses
trolleys bi-mode
arrivent à la tête de ligne de Flémalle
grâce
à la ligne de tramway et à leurs batteries qui
permettent
la très longue traversée du passage à
niveau de
Flémalle. Bien que prolongée jusqu'à
la Mallieue
le 5 janvier 1943 par un arrêté du
Collège des
Secrétaires généraux (qui fut
confirmé le
11 février 1946 par un arrêté du
Régent),
l'exploitation de la ligne ne devient régulière
qu'en
octobre 1945 car la libération de Liège et le
transit des
convois alliés participent, autant que la pénurie
de
pneus et les restrictions d'électricité,
à de
nombreuses perturbations.
L'unification des tronçons des deux rives formant un trajet
de 12 kilomètres[Lambou]
se fait le 10 mars 1948, après la reconstruction du
pont-barrage
mais la section vers la Mallieue n'est constituée que d'une
ligne, pour des raisons d'économie, et cela impose des
changements de polarité et des déplacements de
perches au
personnel. Jusqu'aux années 1960, le départ vers
la
Mallieue se fait à chaque heure 47. Le 31 aout 1963, la
ligne de
trolley est arrêtée et remplacée par un
service
d'autobus ; les câbles, démontés
l'année
suivante, vont être largement
réutilisés pour
l'aménagement du tram vert au nouveau pont de Seraing[Godeaux].
Édouard Vandeweghe a donc été nommé bourgmestre de
Hermalle en
1946 ; fort actif et apprécié, il va
être réélu pour la
législature 1952-1958. La
cité d'habitations sociales construite au début
des
années 1960 portera son nom.
La population s'enrichit d'étrangers, et notamment
d'Italiens.
La reconstruction du pays après la Deuxième
Guerre mondiale nécessitant une importante main
d'œuvre, un
protocole a été signé en 1946 entre la
Belgique et l'Italie, garantissant des livraisons de charbon
contre…
50 000 travailleurs que le gouvernement belge s'engage à
loger et à payer décemment. Nous avons
trouvé le témoignage d'un enfant
d'immigrés [14]
:
«
Au début de 1947, la famille Barcaro vit à
Vicenza, près de Venise. Le père,
maçon fumiste - donc capable de travailler dans les fours
à chaux –, a vent de la possibilité
d'aller
travailler en Belgique, en échange d'un bon salaire. Voyant
là une solution à la misère, il
décide de tenter le coup. Il signe un contrat avec la
carrière des fours à chaux à
Hermalle-sous-Huy et part seul au mois de février. Puis
revient chercher femme et enfants en octobre.
Armando,
cadet
de la famille, a alors 4 ans. Il se rappelle…
«On
était rassemblé sur le quai numéro 6
à la gare de Milano Centrale. On a voyagé dans
des wagons en bois qui servaient au transport des troupes pendant la
guerre 14-18. On a changé plusieurs fois de trains,
notamment en Suisse. Puis on est arrivé à
Liège-Guillemins. La rame de wagons a
été rattachée à un train de
marchandises, jusque Hermalle-sous-Huy, où on est
arrivé dans une gare de triage après un voyage de
plus de 20 heures.»
La
première nuit, les Barcaro seront logés par une
famille amie, aussi originaire de Vicenza. Le lendemain, ils
s'installent dans la «maison» qui leur a
été attribuée par la
carrière où travaille le papa. Il s'agit d'une
maison de quatre pièces au rez-de-chaussée et
quatre pièces à l'étage…
à partager à deux familles! Les Barcaro
s'installeront à l'étage.
Il
n'y a pas de WC : le papa a lui-même creusé la
feuillée au fond du jardin !
Un
robinet et un poêle seront les seuls
éléments de confort.
L'art
de
la débrouille, un peu de braconnage et de chapardage sont
indispensables pour tenir le coup et manger à sa faim.
Par
contre, dès leur arrivée, les enfants sont
scolarisés et suivis, au niveau de la santé, par
la Croix- Rouge de Belgique. Armando, anémique, sera
d'ailleurs soigné pendant quelques temps dans un centre
à Dolhain.
Le
dimanche, les familles italiennes se réunissent à
la Cantina, où les femmes discutent et les hommes jouent aux
boules autour de charcuteries ou d'une pizza typiquement de
là-bas… Deux ans plus tard, la famille s'installe
à Engis, dans une petite maison unifamiliale avec un jardin,
appartenant toujours à la carrière. »
Au centre de Hermalle, le cimetière emmuré qui
longeait
les deux flancs de l'église est réduit de
moitié :
sa partie sud, rasée, devient la place des Combattants, et
la
« place de l'église » (au nord de
l'église, entre le mur du cimetière et la rue Gerée),
où se
réunissaient les villageois et où jouaient les
enfants,
perd son attrait public.
Quand je
revois
cette chère petite place déserte,
Je
ressens comme un malaise, une espèce d’angoisse.
Son
grand calme actuel me pèse sur le cœur
Quand
on a connu naguère, tant de bruit et d’ardeur.
Tout
gamin, la place était le privilège de nos
ébats.
Elle
a connu toutes nos prouesses et nos heureux exploits.
Le
talus offrait une belle glissade en face du presbytère.
Notre
souci, retrouver la balle dans le vieux cimetière.
Le
soir nous rentrions parfois tout penaud [sic].
Lorsque nous marchions, le sabot donnait un son faux.
Le dribling trop rude avait créé
l’accident ;
Remontrances, et petit cercle, servaient de renforcement.
La ruelle de l’Église était propice pour jouer des
farces.
Avec une betterave, OSCAR, ce truculent comparse,
Avait fabriqué une tête de mort
éclairée par une bougie.
Vue par dessus le mur, le passant RAPHAEL frisa l’apoplexie.
Le jeu de la cachette nous intéressait en particulier
Les murs, les véhicules, tout obstacle devenait un
allié
Découvert, un sprint effréné
désignait le gagnant ;
Nous avons battu des records, mais le chrono était absent.
Nous étions témoins des activités des
fermes du château.
Dès
l’aube, c’était le vacarme pour le repas
des animaux.
Mélodie
champêtre, piaffement et beuglement du bétail.
Pour
les travaux, on apprêtait tout l’attirail.
Attelage dans la cour de la Ferme castrale.
Nous
remercions l'auteur de cette photo de se faire connaitre.
La sortie
des
chevaux était un spectacle inoubliable ;
Tête
fière, crinière lissée, leur
beauté était remarquable.
Dans
le frimas du matin, la buée sortant de leurs naseaux
S’élevait
vers le ciel en petits nuages de vapeur d’eau.
La
saison des pâquerettes retrouvera le troupeau dans le
pré.
Pour
la traite, les vaches rentreront avec le vacher.
Assises
sur un tabouret, les trayeuses collées à la panse
En
rayons croisés, tireront le lait en abondance.
La
rentrée des moissons nécessitait un nombreux
personnel.
Sous
le porche, la perte de gerbes était traditionnelle.
Les
bras manieront la fourche pour la mise en place,
Un
chardon mal placé décochera à
l’entasseur une grimace.
Eh
oui, bien sûr, c’était le temps de notre
jeunesse.
Les
décades ont passé amenant une certaine richesse.
L’affirmation
n’empêche pas le droit de rêver,
Détruisons
le moderne et les jeunes pourront travailler.
La
petite place si déserte à présent me
fait mal au cœur.
Pareil
à la démolition de Flône, me donne la
rancœur.
Le
temps passé était difficile mais il faisait bon
vivre ;
Époque
d’heureux souvenirs, tu m’enivres.
Gustave
Séverin, Souvenirs
(La place de l'église)
1976, la sècheresse.
L’Institut royal météorologique (IRM) rappelle sur
son site, à la date d'avril 76, qu'une sécheresse
généralisée a frappé le pays
déjà depuis l'hiver (fort froid) et qu'elle est à
l'origine d'incendies dans les Hautes-Fagnes.
Le printemps est le plus sec du siècle : fin mai seulement 69,0
mm ont été recueillis pour ce mois au pluviomètre
d'Uccle alors que la normale est de 179,8 mm.
Et pourtant il ne fait pas vraiment chaud, et le froid va même
revenir à plusieurs reprises en juin et juillet. Les 2 et 3
juin : pas plus de 11 à 13°C en Basse et Moyenne
Belgique, 5 à 9°C en Haute Belgique. La nuit du 4 au 5 : il
gèle par endroits ! –0,1°C à Dourbes et
–1,6°C à Rochefort...
Mais juin compte le plus petit nombre de jours de pluies de tous les mois de juin du XXe
siècle, soit 5 jours contre 15,7 jours habituellement et le
total des précipitations n'est que de 12,1 mm alors que la
normale est de 66,4 mm.
À partir du 22, c'est la canicule, la plus longue qu'on ait
connue
de mémoire d’homme : plus de 30°C pendant 16 jours
consécutifs ! (Record toujours actuel en 2025…) La
Campine limbourgeoise et la région de Maasmechelen connaissent
de violents incendies.
Voici la situation le 3 juillet :
Et le 4 juillet... Voici ce qu'on lit dans le quotidien Vers l'Avenir du lendemain :
« Clermont : un violent incendie ravage la forêt entre la poudrerie et le hameau des Fontaines.
Dimanche
4, vers 10 h 30, un violent incendie s'est déclaré dans
les bois du baron de Potesta, situés entre la poudrerie et le
hameau des Fontaines.
Le
feu a pris au lieu-dit « Bois Madame », en
surplomb de la route des Fontaines qui relie ce hameau de Clermont
à Hermalle-sous-Huy et à la vallée de la Meuse.
Rapidement,
le feu se développa dans les plantations de pins sylvestres et
menaça d’atteindre les premières habitations des
Fontaines. Il s’agissait de cinq à six maisons,
habitées par les familles Liégeois, Elen, Devalet, Rome
et Deschamps.
Aussitôt
les premiers pompiers venant de Seraing portèrent leurs efforts
dans ce quartier afin de protéger les immeubles.
Parallèlement,
les ouvriers du service de sécurité de la poudrerie de
Clermont, laquelle se trouve à quelques centaines de
mètres du bois en feu, ont aussitôt pris les
premières mesures.
Des
bulldozers de la firme Cop et Portier intervinrent pour élargir
les coupe-feu [sic] protégeant les stocks d’explosifs.
Pendant ce temps, le sinistre progressait sur plusieurs fronts de
manière implacable.
Près
de cinquante hectares de pins s’embrasèrent, le feu
étant aspiré vers la cime des arbres, dans un souffle
impressionnant, tandis qu’une colonne de fumée noire
surplombait la vallée.
Étant
donné la menace directe sur les stocks de poudre et sur le
hameau (une quarantaine de maisons), un imposant dispositif de secours
fut bientôt mis en place.
C’est
ainsi qu’on fit appel aux pompiers de Hannut, de Jemeppe, de
Flémalle et de Liège pour prêter main-forte
à leurs collègues de Seraing.
La
Protection civile de Kemexhe, une quarantaine de militaires de la base
d’aviation de Florennes, en intervention à Huy, furent
également appelés sur les lieux.
Un bulldozer et du matériel du 4e
génie d’Amay arrivèrent aussi sur place, tandis que
deux hélicoptères de la Protection civile et du Corps
régional d’incendie dirigeaient les opérations et
observaient le développement du feu.
La réquisition des habitants
M.
Beaujean, échevin de Clermont, réquisitionna de son
côté une centaine d’hommes dans le hameau et aux
environs.
Ceux-ci,
à l’aide de pelles et de lances fournies par les pompiers,
établissaient principalement une barrière de protection
des immeubles, à l’orée du bois. À ce
moment, plus de deux cents hommes luttaient contre le feu.
Toutes
les bouches à eau situées à proximité du
bois furent utilisées, tandis que les autopompes faisaient la
navette entre la Meuse et la forêt en feu.
Vers midi, les flammes traversaient la route en contrebas du village y progressaient vers les poudreries.
Vers
16 h, cependant, la protection des stocks de poudre semblait
assurée, tandis que le vent tournoyant chassait le feu en
direction du hameau des Fontaines, sans toutefois créer un
danger immédiat.
Des
bulldozers, dont deux de 65 tonnes, appartenant aux carrières
Dumont-Wautier, accomplirent alors un travail gigantesque, travaillant
jusqu’à minuit. Ils ouvrirent dans le bois un coupe-feu
principal de vingt mètres de large sur une distance d’un
kilomètre.
Une
barrière de protection pratiquement infranchissable par le feu
fut ainsi créée devant le premier stock de poudre
également séparé du feu par la route d’Ehein
aux Fontaines.
La
pointe ultime de l’offensive du feu atteignit néanmoins la
route, arrivant à quelque 150 mètres du magasin le plus
menacé, contenant 40 tonnes de poudre.
De
nombreux arbres furent à ce moment abattus mais les flammes,
à deux reprises, franchirent la route, sans toutefois se
propager dans les plantations les plus proches du stock.
Lundi
pendant toute la journée, l’incendie, qui avait cependant
perdu beaucoup de sa vigueur, se ranima à de nombreux endroits
et notamment à quelques dizaines de mètres du coupe-feu
principal.
Le feu se rapprocha du quartier des « Sarts », et des maisons des familles Davignon, Lecrenier et Delarue.
Les
gendarmeries de Vierset-Barse, d’Amay, de Huy et de Braives se
rendirent également sur les lieux, bloquant la circulation sur
les voies secondaires entre Hermalle et Clermont et celles
situées à proximité de la zone sinistrée.
On
ignore encore les causes de ce grave sinistre. Il faut cependant
signaler que plusieurs mégots et des paquets de cigarettes vides
avaient été récemment abandonnés dans le
bois, négligence criminelle en cette période.
Le gouverneur sur les lieux
Rappelons
que le gouverneur de la province de Liège s’est rendu sur
les lieux au moment le plus intense de l’incendie, lors de la
menace sur la poudrerie.
Lundi,
le travail a repris normalement à la poudrerie qui comporte,
outre les ateliers, sept magasins de 25 à 70 tonnes de poudre,
séparés chacun par une centaine de mètres. »
Francis Hosdain, 18 ans, joue au bouchon [Jeu du bouchon] avec des copains sur la place de l’église St-Martin [légendé 1 dans le schéma ci-après],
où une messe est en cours, quand quelqu’un annonce
qu’il y a le feu dans le bois. Tous se précipitent
le long de la façade sud de la ferme castrale d’où
ils ont une vue dégagée vers la colline – la salle
de l’Amicale n’était pas encore construite. Et
oui, ça fume ! Il est environ 10h 30.
Benoît Louis, du même âge, habite avec ses parents
à Hermalle, au 26 de la rue Lepage [légendé 2
dans le schéma ci-après]. Il dort encore en ce
dimanche 4 juillet, quand le mugissement d’une sirène le
réveille ; il ouvre les volets de sa chambre et voit de la
fumée monter juste après le « virage de la fontaine
St-Jean » ! C’est le début d’une longue
journée dont il se souvient parfaitement.
Deux photos prises par Benoît depuis la fenêtre de sa chambre, à quelques instants d'écart.
Le feu a pris derrière le tournant en épingle à
cheveu de la route qui grimpe vers le hameau des Fontaines et va
s’étendre en direction de Liège.
Les pompiers arrivent par la chaussée Terwagne, gravissent la rue
Wérihet puis la route qui monte vers le hameau des Fontaines
– le feu étant sur leur droite. Quasiment au sommet, ils
laissent les camions dans le cul-de-sac de la 1ère route à droite et commencent, à pied, l’attaque du feu.
À Hermalle, tout le monde est dehors. Les nombreux
fidèles qui assistaient à la messe, les habitants des
rues Magotte, Wérihet, Ronheu, Lepage, Lecrenier, etc.
Inquiétude bien sûr, vraie panique pour certains –
comme Madame Jean Maes qui ne cesse de supplier les pompiers de
protéger sa belle villa (le « chalet » [comme on
l’appelle au village], légendé 3 dans le
schéma ci-après) qui est, à vrai dire, à
200 m
maximum à vol d’oiseau du départ de feu !
Crainte mais curiosité aussi car des véhicules ne cessent
d’arriver : voitures de la police, autopompes, véhicules
et petits bulldozers de la protection civile, etc.
Forcément on veut voir. Et on veut savoir ! On veut aider aussi.
La police doit canaliser les gens au croisement des rues
Lepage-Wérihet-Magotte et se heurte d’ailleurs au baron de
Potesta qui, tout rouge d’énervement, force le passage
avec son gros véhicule pour rejoindre les sapeurs-pompiers qui,
dans un premier temps, sont parvenus à contenir le feu au
deuxième tournant de la route. Le Génie d’Amay les
a rejoints et les soldats bataillent, pied à pied, avec leurs
pelles.
Il fait chaud, très chaud. Tellement… brulant…
qu’une idée vient à Claudy Marsin qui habite au 19
rue Magotte. Cuistot en hiver, glacier ambulant en été,
il possède une chambre froide : on va faire des glaçons !
Avec Marie-Louise, la maman de Francis, il s’y met et 2 heures
plus tard, Francis et Benoit seront autorisés à monter la
colline – en vélo et dans une certaine obscurité vu
l’avancée du jour et surtout les fumées –
pour porter à 2 ou 3 reprises les sacs de glaçons qui
rafraichiront les pompiers « mourant de soif ».
Le feu. C’est un feu rampant car les bois ne sont pas
constitués de résineux – même s'il y en a une
ou deux parcelles de jeunes arbres). Un feu de broussailles et de
taillis, un feu qui attaque la base des bouleaux, des hêtres, des
houx qui constituent les bois du baron, un feu qui va se jouer des
sentiers, sauter le ruisseau du Roua puis celui du Sart, avancer
inexorablement vers le hameau des Fontaines et, surtout, vers
Éhein, donc vers les stocks de tonnes de poudre… des
Poudreries de Clermont, dans le Bois de Cornillon contigu au Bois Jacob
et au Bois Madame qui brulent !
La poudre n’étant pas confinée, on ne craint pas
d’explosion mais un développement gigantesque de
l’incendie !
Et on sait ne sait comment le vent va tourner et l'incendie se
développer..., on annonce aux habitants du sud-ouest des
Fontaines [légendé 4 dans le schéma
ci-après] comme à ceux du Sart Lombard
[légendé 5 dans le schéma ci-après] qu'ils
doivent être prêts
à évacuer.
On tente de joindre le Gouverneur de la province…
Malgré tous les efforts, malgré l’accroissement des
moyens mis en œuvre, la situation se détériore
très vite, il faut absolument établir des coupe-feux et
les petits bulldozers de la Protection civile, qui dérapent et
patinent, n'arrivent pas à gravir le flanc droit du vallon St-Jean tout en abattant des arbres, sont insuffisants.
En fin de matinée se tient une réunion dans la cuisine
des parents de Benoit, qui y assiste, avec seulement deux responsables
des opérations : Un gradé en uniforme (le commandant des pompiers ?) et le bourgmestre
Camille Jamagne car on n'a pas encore réussi à joindre le
Gouverneur de la province.
Il est décidé de faire appel à la firme
Dumont-Wautier qui exploite la carrière sur la rive gauche de
Hermalle et possède un matériel performant. Le papa de
Benoit, cadre dans cette entreprise, contacte le directeur par
téléphone et explique la gravité de la situation.
Discussion… Oui, Dumont-Wautier pourrait prêter deux
machines, mais à condition qu’elles soient conduites par
deux chauffeurs bien précis de la firme et que le risque de
dégradation de la voirie dont les bulldozers occuperaient toute
la largeur, d’infrastructures privées et publiques
(comme des poteaux électriques), soit couvert par les
autorités.
Or il est impossible d’établir un écrit, de
rédiger une décharge, et de la porter à Marchin
où habite ce directeur : on n’en a plus le temps !
Bourgmestre et commandant des pompiers rassurent le directeur et
s’engagent verbalement devant témoins.
L’opération est lancée et une trentaine de minutes
plus tard, les machines passent le pont de Hermalle pour monter vers la
colline par la rue du Pont dans un bruit de plus en plus assourdissant,
leurs chenilles attaquant l’asphalte de la voirie et y laissant
des marques pour de longues années…
Sur un fond de carte de 1971 © IRM :
1. Place de l'église – 2. Maison de Benoît Louis et de ses parents – 3. Chalet de M. et MmeMaes
– 4. Maisons de l'impasse des Fontaines où les
camions des sauveteurs durent s'arrêter et dont les habitants
durent se préparer à évacuer – 5. Ferme du
Sart Lombard où on se prépara aussi à
évacuer – Petit cercle rouge et jaune près du 3 :
point de départ du feu.
En blanc, à gauche : tracé du pont et de la route que
suivirent les bulldozers de Dumont-Wautier. En voile orangé : le
Roua.
Petit cercle noir et blanc : emplacement du bulldozer Cop et Portier calciné. En fuschia : tracé des deux coupe-feux réalisés par des bulldozers.
Par comparaison avec ceux de la Protection civile, les bulldozers de
Dumont-Wautier sont des monstres : 2 fois plus larges et 3 fois plus
hauts ; il font dans les 5 mètres de haut.
Ils vont entrer dans le bois par le virage de la Fontaine St-Jean à gauche du chalet de Mme Maes,
passer à travers tout, abattre de gros arbres de plusieurs
mètres de diamètre comme du bois d’allumette, pour
créer une tranchée [trait fuschia dans le bas du schéma] vers les
pompiers qui sont aux Fontaines [un peu au nord-est du point 4 du schéma].
Une vingtaine de Hermalliens – dont le papa de Francis –
les suivent, ramassant les branchages, nettoyant le passage ; ils y
passent la soirée et vont y veiller la nuit pour éviter
les reprises.
À l’autre extrémité de la zone en danger, ce
sont des bulldozers prêtés par la firme Cop et Portier qui ont établi un
coupe-feu près des stocks de poudre. Un chauffeur qui
s’est aventuré trop avant vers la zone en flammes au sud du Roua
est obligé d’y abandonner son terrible engin… pour
sauver sa propre vie.
Jean-Claude Ht, 16 ans à l'époque : « J'ai des souvenirs précis de cet épisode... Habitant La Mallieue
à l'époque, nous étions avec ma soeur et mes
parents sur la terrasse de la maison à observer le
développement de l'incendie de l'autre côté de la
Meuse avec des jumelles ! Je me souviens bien du bulldozer
abandonné aux flammes... il était en bordure de la
vallée et bien visible depuis ma maison. »
Et Francis Joseph Haidon précise :
« C'était un Bull sur pneus. L'épave
complètement calcinée se trouvait à qqs
mètres de la route des Fontaines, route qui sépare le
Bois du Baron René de Potesta et le Bois de la Poudrerie
où était entreposée la poudre.»
Enfin le danger semble écarté mais les sapeurs-pompiers
resteront plusieurs jours sur place pour parer les possibles reprises
de feu.
On a eu chaud ! C'est le cas de le dire…
Et cela jusqu’à Saint-Georges, en rive gauche au nord de
la Meuse, car la configuration de la vallée peut toujours
(encore en 2025) y entrainer les fumées éventuellement
toxiques de la poudrerie…
Les fumées, l'odeur... Cela va sentir pendant plusieurs jours.
Un feu intentionnel ? Des mégots abandonnés ? On ne l'a jamais su.
Des arbres abimés vont être ensuite abattus et
remplacés mais le baron de Potesta laisse globalement
les choses en l’état et la nature va reprendre ses droits.
D'autres incendies se déclarent en Wallonie et l'un d'eux concerne Engis :
Michel Grigolo se souvient que « le
bois des Fagnes a totalement brûlé à partir des
pilasses de la rue des Fagnes jusqu’à
l’entrée du Mosa actuel.
Je me souviens que les pompiers sont restés plusieurs jours
– et les riverains leur offraient à manger et à
boire ! – pour
circonscrire cet incendie car ils avaient des problèmes pour se
ravitailler en eau, leurs citernes étant occupées
ailleurs. Ils devaient se brancher sur les bornes incendie des rues des
Fagnes et Reine Astrid, et dérouler des centaines de
mètres de tuyaux pour accéder aux flammes.
Sur Engis, je pense qu’il n’y eut pas de problèmes
de blessé, mais je pense que sur Hermalle il y eut un ou deux
blessés dans les rangs des pompiers !
Mais je n’ai pas trop suivi ce qui ce passait dans les bois
d’Hermalle ; pour le gamin que j’étais,
l’actualité ce passait avant tout dans ma rue ! ». On peut le comprendre : il avait 11 ans cette année-là !
Et Lise Dubreucq précise qu'il y avait souvent des petits
départs de feu à Engis car les dépôts
d'immondices clandestins y étaient fréquents. Or il
suffit parfois d'un rayon de soleil sur un morceau de verre pour
enflammer les broussailles par temps de sècheresse.
C'était tellement habituel, dit-elle, qu'elle n'y faisait
même plus attention !
Nos
sincères remerciements à tous ceux qui nous ont transmis
leur témoignage début avril 2025, par les réseaux
sociaux,
et qui nous ont permis de reconstituer ces moments de la vie engissoise.
La sècheresse dure jusqu'à l'automne.
En certains endroits de la province de Liège, il n'y a plus
d'eau courante, on doit acheter de l'eau en bouteille, ce dont on n'a
pas l'habitude car on consomme généralement une eau de
distribution d'autant moins chère que le compteur d'eau n'est
pas (encore) installé pour une bonne partie des Belges. [source : IRM]
Agriculteurs et éleveurs souffrent tellement que le gouvernement
Tindemans doit prendre des mesures : aides fiscales, prêts
à taux réduits, intervention du fond des calamités
et même aide de l'armée pour le transport de la paille.
Il en a d'ailleurs été de même dans d'autres pays,
ce qui n'a consolé personne évidemment.
Mais on ne parle pas encore ouvertement, à l'époque, du dérèglement climatique…
La famille de
Potesta - IV :
Le Guide des 7 châteaux, fine brochure de 16 pages produite par l'imprimerie S t-Jean
de Liège, rassemble des textes de présentation des
châteaux de Donceel, Hermalle, Lamontzée (près de
Burdinne), Longchamps (près de Waremme), Marchin, Xhos et
Warfusée ; il parut à l'occasion d'une visite
exceptionnelle de ces bâtiments, habituellement non accessibles,
organisée le dimanche 30 juin 1957 au profit de l'institut
Dominique Savio (Œuvre de Don Bosco, S t-Georges s/ Meuse) [s/Meuse]. Cet écrit indique que l'appellation S t-Georges sur Meuse est donc bien antérieure à la fusion des communes de 1977 !
Les visiteurs terminaient la journée par un Cocktail-Souper dansant avec l'Orchestre Joë Oblin à partir de 17 h. Les entrées étaient évidemment payantes.
Le descriptif de chaque château est rédigé par le
ou la propriétaire du lieu – tous appartenant à la
noblesse belge. Pour le château de Hermalle, il est signé
Baron et Baronne René de Potesta mais c'est le nom de la Baronne
Édouard de Potesta (mère de René) qui figure sur
le feuillet volant servant de programme pour la journée.
Qu'importe ! C'est le texte qui nous intéresse : après un rappel du passé de Hermalle, il précise
« (…) le château subit encore des transformations au XVIIe
s. Mais depuis, si l'extérieur est resté intact, il n'en
est pas de même de la décoration intérieure,
profondément remaniée en 1850. De magnifique gladiateurs
en plomb, sculptés par Delcour [Saumery],
ont cédé la place à des chimères de pierre,
de grandes fenêtres ont remplacé les embrasures à
meneaux tandis que subsistait un salon du XVIIIe
s. aux moulures ajourées encadrant des toiles peintes
représentant, probablement, des scènes de chasse de Louis
XIV.
Les salons du rez-de-chaussée contiennent des armures ciselées, des portraits de l'École hollandaise
dont un, daté de 1608, représentant le
célèbre latiniste Gérard Vossius ; une
scène de bataille signée van der Meulen, un Corot, un Ségers [Adrien ?], des [des !] Claude le Lorrain et un portrait d'homme de Gérard Douffet (1594-1660), élève liégeois de Rubens.
Parmi
les pièces d'argenterie ancienne, un nécessaire de
voyage, dans son écrin, a appartenu à Jean-Louis
René de Potesta, seigneur de Mostombe, Montigny et
Bomrée, Capitaine de Dragons au service de la France. Il
l'accompagna dans toutes ses campagnes. »
Don
on clic so lès loyin èt vos-avez ine îdèye
dès sôrt di pondeûres k' inmèt bin [Cliquez donc sur les liens : vous aurez une idée de leurs tableaux !]
L'épouse de René de Potesta, Amélie
Paule Marie de Meeus dite
« Alie », décède le
1 er
septembre 1971 ; le corps - visage maquillé, ongles vernis
-,
revêtu d'une belle robe, est exposé dans le hall
du
château pour que les villageois puissent rendre hommage et
garder
encore un souvenir de cette femme d'une grande beauté et
d'une
extrême gentillesse.
Le 25 juin 1977, René meurt à son tour et laisse
le domaine
en indivision
entre les enfants qu'il a eu de son épouse :
- Hélène Emma
Henriette Marie
Ghislaine, 1922 - 2011 (qui a épousé en 1947 l'aviateur
Léon
Marie Joseph
Yves Ghislain Benoit Baron de Villenfagne de Vogelsancx),
- Anne Marie
Claire Ghislaine, 1923 - 2000 (qui s'est mariée en 1946 avec Jean André
Marie Joseph
Ghislain Baron de Bassompierre, ambassadeur honoraire du Roi des
Belges)
- Charles
Édouard René Marie Ghislain de Potesta, 6
juin
1925-27 avril 2015, qui convole le 20 Mars 1948 avec Nicole Marie
Thérèse de Gaiffier d’Hestroy, puis en secondes noces, le
27 aout 1992, avec Nicole Motte.
Charles
Édouard René Marie Ghislain de Potesta,
dit Charly, a habité au château de
Hermalle avec son épouse Nicole de Gaiffier
d’Hestroy
jusqu'en 1933, date où il s'installe dans une
propriété d'Annevoie qui lui vient de
sa mère, car la cohabitation d'un jeune couple dans la
demeure
familiale régie par un père autoritaire n'est pas
toujours aisée.
Menu du repas offert à
Charles de Potesta à la ferme Wéry
coll. BMG M-III 0266
Charles
s'occupe des fermes qui dépendent du château,
d'abord de 1947 à 1954 en
association avec un monsieur Romedenne, dont on dit qu'il s'est
livré
au marché noir durant la guerre - la nuit, des charriots
quittaient la
ferme, tirés par des chevaux dont les sabots
étaient emmaillotés de
linges - ce qui débouche sur un procès
–, puis seul
(et même après son
installation à Annevoie).
Cultivant lui-même, Charles de Potesta fait construire
vers 1950, sur l’idée de son père, dans
les écuries de l’aile ouest de
la Ferme qui avaient abrité une vingtaine de chevaux, une
dalle en
béton armé pour faciliter le pelletage
à partir du charriot. La
modification d'une baie que cela implique sera corrigée dans
les années
1990.
La demi tourelle mitoyenne à l'avant-cour du
château et à la
bassecour de la ferme sert de chenil.
Dans un autre poème, Gustave Séverin a
écrit :
Chère
Gérée, les chevaux t’ont
quittée, c’est dommage ;
Les
moteurs te [sic] remplacent, ils travaillent davantage.
L’ancienne
méthode était pourtant courage et passion,
Ces
machines à chômeurs méritent quelques
réflexions.
Pourtant,
malgré la mécanisation,
l'activité agricole
générée par le château
diminue dans les années 1970.
En cause, pour une grande part au moins, les expropriations
prévues dès 1967 et
réalisées pour la
construction de la nationale 90 à quatre bandes qui coupe le
village de ses campagnes mosanes et pour l'ouverture d'un parc
industriel dans cette zone. Dans un premier temps, la culture reste
possible mais d'une année à l'autre
l'entrepreneur
agricole peut voir la superficie cultivable fortement
réduite.
Charles
Édouard René Marie Ghislain de Potesta et
Nicole Marie Thérèse de Gaiffier
d’Hestroy ont
eu 2 filles et
deux fils :
- Isabelle Marie Ghislaine,
née le 23 janvier 1958 à Huy, qui
épouse
Jorgé-Enrique Carmona le 10 octobre 1986 à
Arequipa
(Pérou) ;
- Doris Amélie, née
le
15 avril 1949, qui épouse Bernard de Thomaz de
Bossierre,
puis Didier Piers de Raveschoot ;
- Jean Louis René de Potesta,
né le 8 février 1951 à
Liège, baron, qui
épouse la princesse Sophie de Hohenberg [lignée des 2 familles sur 4 générations]
- Philippe
Paul Guy de
Potesta, né le 5 juillet 1954
à Liège, écuyer, qui épouse
Nathalie
Raphaëlle
Camille baronne de Tornaco.
Philippe Paul
Guy de Potesta
Aucun projet de
rentabilisation des
bâtiments (transformation en centre de détente et
de loisirs ou en maison de repos…) n'a abouti. Philippe Paul
Guy
de Potesta continue l'activité agricole mais dans les
mêmes conditions que son père.
Il rachète le château qui était
toujours en indivision mais ne le garde que peu de temps.
Après la vente de la ferme aux deux tours, après
celle de
la Ferme castrale, il vend le château en 1992 à
Geoffroy
de Jamblinne de Meux qui le remet sur le marché immobilier
deux
ans plus tard.
Le château, séparé de sa ferme
castrale, n'est plus
propriété d'aucune famille noble.
|
Le moulin hydraulique de Hermalle a cessé de
travailler,
semble-t-il, dans les
années 1960, tandis que ses deux plus proches voisins
ombrétois continueront de produire
jusqu’en
1991-1992 de la farine panifiable mais aussi de la farine et des
aliments pour le bétail et même des
engrais. Faute
d’un
entretien que l’activité commerciale
n’impose plus,
le bâtiment et le
mécanisme se délabrent ; la
végétation
envahit la roue, difficile d’accès et donc
pénible
à nettoyer, une meule en pierre disparait,
et il va être nécessaire
d’étançonner
la
charpente pour éviter son effondrement.
L’axe de la
roue, une grosse
partie des engrenages et les trémies restent cependant en
place.
À front de rue, une annexe de stockage du XIXe
siècle, sans intérêt
architectural, va être démolie en 2009.
L'espace bâti s'accroit de part et d'autre du
centre ancien, tout au long de la chaussée principale, et
grignote peu à peu le contrefort du plateau condruzien en
direction de Clermont-sous-Huy, sans trop de cohésion quant
aux matériaux, plans et types de bâtiment.
Panorama
du centre de Hermalle vu du sud. Décembre 1992.
Au centre les tours du château. À
l'arrière la découpe de la colline
causée par l'exploitation d'une carrière.
La comparaison
entre le nombre de commerces
à 50 ans d'intervalle indique clairement dans la
seconde partie du siècle la modification de
l'activité économique du village, sans nul doute
due à la construction, dans les années 1980, de la voie
express N90 qui
allège fortement le charroi automobile… et prive
les
petits commerces de chalands, mais aussi à l'installation
des « grandes surfaces » d'Amay, Engis, Huy,
Jemeppe et à la modification des habitudes de consommation
qui entraine la clientèle locale à
délaisser les petits fournisseurs.
Les villageois ont trouvé emploi dans l'industrie et les
services. L'agriculteur est devenu minorité.
Camille Jamagne est bourgmestre de Hermalle-sous-Huy et va donner son
nom au centre culturel édifié rue du pont. Il
dirige un conseil composé de 4 membres du parti socialiste, 2 du
parti social-chrétien et 1 communiste.
De g. à dr. Raymond Lizin (secrétaire communal); Georges Maréchal (échevin des travaux),
François Vandeweghe (échevin des finances) et Camille Jamagne (bourgmestre), circa 1975.
Il ne restera pas à la tête de la commune car…
Le 1er
janvier 1977, Hermalle-sous-Huy « disparait » sur
le plan administratif :
La fusion des communes
décidée par le gouvernement belge
réduit son territoire – la Mallieue [15], partie
située sur la
rive droite de la Meuse passe à la commune de
Saint-Georges qui devient Saint-Georges-sur-Meuse.
Cette fusion rassemble Hermalle,
l'ancienne commune de
Clermont-sous-Huy, une partie d'Éhein et Engis (dont Vicky Albert est le bourgmestre socialiste) dans la nouvelle entité de « Engis » donnant à cette nouvelle commune une superficie de 27,7 km2.
C'est Vicky Albert qui en est désigné bourgmestre. La
nouvelle commune entre dans l'arrondissement de Huy-Waremme.
La nouvelle Engis va être jumelée avec la ville
française Ribécourt-Dreslincourt,
dans l'Oise, le 22 septembre 1980.
Le village d'Engis, où se trouve centralisée
l'administration, est situé sur la rive gauche de la Meuse, à
4 km en aval de Hermalle.
Il n'y a pas de moyen de transport en commun
direct
entre le centre administratif et les sections de Hermalle-sous-Huy,
Clermont-sous-Huy et Éhein-bas sises sur la rive droite du
fleuve.
Le préfixe
téléphonique étant
différent, le tarif des communications est plus
élevé pour les Hermalliens et Clermontois qui doivent
appeler l'administration communale que pour les habitants
d'Engis-village.
Et, surtout, les villageois des deux rives n'ont ni la même
mentalité, ni la même culture. Ceux de la rive gauche, par
exemple, font préférentiellement leurs courses vers
Liège tandis que les autres privilégient la ville de
Huy…
Pendant plus de 20 ans, les Hermalliens se sentiront
frustrés et quelque peu négligés.
Leurs anciennes archives officielles ne sont plus accessibles pour
diverses raisons ; ils ont parfois l'impression que leur
passé leur échappe.
Fin des années 2000, malgré de nombreux efforts
– notamment
des animateurs du Centre culturel –, l'intégration
des différentes populations n'est toujours pas réalisée.
Malgré plusieurs demandes depuis 1994, il n'existe toujours
pas en 2025, à Engis, de signalisation routière
qui
indique Hermalle ou Clermont-sous-Huy, et les automobilistes qui ne connaissent pas la
région peuvent facilement tourner en rond pendant 20
kilomètres pour trouver ces sections de la commune d'Engis si par malheur ils se sont
d'abord rendus à « Engis-village », l'officiel centre administratif…
La fusion des communes de 1977 a offert à
Saint-Georges-sur-Meuse la
gare
de Hermalle qui est fermée au public en 1993. Pour prendre le
train, les habitants de la rive droite doivent alors
se
rendre à Engis-village, rive gauche, par le seul bus (n°9)
qui passe dans Hermalle, une
fois
l'heure, et
s'arrête au « pont d'Engis », rive droite, un
pont qu'il faut traverser à pied pour pouvoir monter
jusqu'à la gare d'Engis-village prendre un omnibus.
En 1994, la SNCB, fermant les guichets de cette gare…
et sa
salle d’attente…, ne laisse aux voyageurs qu’un
abri
transparent, sans siège, sur chaque quai. Le souterrain
remplaçant l'ancien passage à niveau pour
l’accès à la voie 2 est en piteux
état ; le
parking latéral n’a de parking que le nom ; la gare
elle-même n’est plus qu’un lieu de
stockage pour
quelques services de la SNCB ; l’information manque. La zone
d’habitat environnante s’est
dégradée, la
place où se tenait la fête locale se meurt…
On
comprend que les Hermalliens préfèrent rejoindre
Huy par
ce même bus 9 qui les dépose à
côté
d'une gare moderne et fonctionnelle. Ils y perdent 5 minutes mais y
gagnent en confort.
En 1991, la Ferme castrale a repris vie avec une nouvelle affectation
basée sur la culture et le tourisme. Le
château est
devenu l'année suivante propriété de
la famille
de Jamblinne de Meux, puis deux ans plus tard d'une
société de cinéma publicitaire pour
l'industrie.
En 1993, on procède à la réfection du
pont de
Hermalle : l'accroissement du trafic et, surtout, du passage de
nombreux camions de fort tonnage l'impose.
L'hiver de
cette année-là amène une
crue importante de la Meuse et des
inondations dans la vallée. Le centre de Hermalle, plus
élevé de niveau, n'est pas
touché à
l'encontre d'Amay où 73 dossiers sont introduits
auprès
du Fonds des calamités. Il en va de même
l'année suivante.
1993 : la Meuse déborde,
envahit le bas de la rue du pont.
Quelques mètres au nord du poteau de signalisation, la
ridelle qui marque le bord du chemin
de halage n'est plus visible.
Cette
page a été revue ou complétée pour les
dernières fois en janvier et février, les 21 mars et 3 avril de cette même année.
Commentaires
:
Sur la page Facebook Les Engissois parlent aux Engissois, à propos de la sècheresse et du feu de forêt de 1976 :
Benoît Louis, d'Engis, 04-04-2025 : Félicitation pour ton superbe travail de compilation et de synthèse.
Notes

Jasse «
Pendant la Grande Guerre, plusieurs dénominations
désignant le soldat belge, telles “jass” (ou
“jasse”, “jas”), “piotte”,
“piou-piou” ou “poilu” sont
indifféremment utilisées par les anciens combattants
belges dans leurs carnets de guerre. Durant l’entre-deux-guerres,
l’appellation « jass » va s’imposer.
Ce terme est issu du mot flamand “jass” signifiant manteau.
» Citation extraite de « Au Poilu et au Jass
inconnus… Mémoires de 14-18 dans l'entre-deux-guerres
», in Cahiers électroniques de l'imaginaire, n° 2, 2033-2004, éd. e-Montaigne, p. 167 en ligne sur http://www.uclouvain.be/cps/ucl/doc/ucl/documents/cahiers2.pdf

[13]
Informations plus détaillées.

[14]
Dans http://www.soumagne.be. 
[Jeu du bouchon] Ce
jeu d’adresse en plein air fut pratiqué en Wallonie mais
aussi dans la partie nord et nord-est de la France depuis la
période napoléonienne, au moins, par les populations
locales et par les soldats pour occuper leur temps de loisir entre les
périodes d’exercices.
On y jouait très fréquemment, dès que le temps le permettait. Il nécessite peu de choses :
• un terrain plat
et dur – le sol de la place de l’église hermallienne
était encore en 1976 en terre battue avec brique pilée
(comme un terrain de tennis, explique Francis Hosdain) –,
• un petit bout de bois de faible section et de ± 10
cm de haut (jadis un gros bouchon, d’où le nom de
l’objet et du jeu), remplacé parfois par un tuyau de plomb
ou de fer,
• des rondelles d’aciers (entre 5 et 10 cm Ø x 1
cm d’épaisseur) dites « palet », «
take » ou « mal » selon la région, et
• des pièces de monnaie, posées en pile sur le
bouchon, constituant la mise de départ des joueurs.
Les joueurs, placés derrière une ligne de départ
à une petite dizaine de mètres du bouchon, lancent leur
palet à plat vers le bouchon pour le renverser, ce qui fera
s’éparpiller les pièces.
Le joueur dont le palet se trouve le plus près d’une pièce en devient propriétaire.
Ce jeu a progressivement laissé la place au jeu de boules (en
ciment ou en pierres) importé par les ouvriers italiens. 
[Chalet comme on l'appelle au village] Le
bâtiment ressemble très exactement à un chalet de
la Forêt-Noire ; situé sur la commune de
Clermont-sous-Huy, juste à la limite de Hermalle, il fut
construit en 1958 à la demande de M. et Mme Jean Maes, ingénieur-directeur technique de Dumont-Wautier, par le Bureau d'Architecture de l'Engissois Lucien Dardenne. Cette photo date de 2012 : 
[Toponymie : variation des appellations]
Il faut noter des différences dans la dénomination des
lieux : selon les cartes géographiques de différentes
époques, l'appellation d'un même lieu, d'un même
bois peut varier.
Ainsi la voirie prolongeant la rue Wérihet (à Hermalle)
vers le hameau des Fontaines (à Clermont), au départ
nommée route de Hermalle aux Fontaines, est devenue simplement Fontaines sur les plans géographiques puis rue aux Houx sur Google map... alors que les Hermalliens disent toujours route des Fontaines, appellation que les Clermontois appliquent aussi à la rue de la poudrerie – en toute logique… puisqu'elle mène aussi aux Fontaines !
De même le bois incendié en 1976, nommé Bois Madame sur la carte de 1850 établie par Vandermaelen, puis Bois Madame (moitié ouest) et Bois Jacob
(moitié est) sur celle de 1865 dite Carte du dépôt
de la Guerre, est couramment et indifféremment appelé par
les gens du coin Bois de la poudrerie, Bois du baron (de Potesta) et Bois d'Hermalle
– alors que cette dernière appellation devrait être
réservée, selon les cartes, à des bois
situés à l'ouest de Hermalle, à la limite d'Ombret
et de Nandrin !
Dernier exemple… Hermalle compte deux places depuis la seconde moitié du XXe siècle : place d'Hermalle (où se trouvent friterie et grand parking en 2025) et place des Combattants (le long de l'aile sud de l'église St-Martin).
Mais jusque dans les années 1980-90, trois lieux étaient
nommés la place par les villageois : les deux
précités et aussi le terrain sis au nord de l'ancien
cimetière paroissial, propriété de la famille de
Potesta qui en permettait l'emploi pour des activités de
délassement. 30 ans plus tard, les nouveaux propriétaires
ont toujours du mal, malgré barrière et affichettes,
à faire respecter le caractère privatif du lieu !
Une simple mention comme « on était sur la place quand le feu a commencé » nécessite donc investigations pour précision… 
[Saumery] Ces gladiateurs sont cités dans le premier tome des Délices du Païs de Liége publié par Pierre-Lambert de Saumery
en 1738, dans le chapitre consacré au château de Hermalle,
propriété alors de la famille de Moreau : « La Porte qui eſt une Grille de fer aſſortie d'ornements dorés, eſt cantonnée de deux Gladiateurs de hauteur naturelle parfaitement bien ſcultés. » 
[15]
Mallieue
du latin leuca mala,
mauvaise portion de
chemin. Ce nom est déjà
cité dans le Cantatorium
de Saint-Hubert
(première moitié du XIIe
siècle) : In
leuga quae dicitur Mala inter Hoïum et
Leodium. 
[lignée des 2 familles sur 4 générations] :
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