Société anonyme métallurgique de Prayon
par Pierre Jadot, octobre 2013
mise en page et en ligne : janvier 2014
Pour alléger ses difficultés financières, la société de
la Nouvelle Montagne décide, lors d’un Conseil
d’Administration tenu le 3 avril 1882 et d’une
Assemblée Générale tenue le 14 avril,
d’apporter son établissement de Prayon, à une
Société encore à créer : la
Société Métallurgique de Prayon.
Son Président, Charles Nagelmakers, s’exprime en ces termes :
«
Une occasion se présente de tirer parti de notre usine de
Prayon, un peu éloignée du centre général
de nos opérations ; des capitalistes allemands nous proposent de
constituer une Société Anonyme dans laquelle nous
apporterions notre usine de Prayon, avec toutes ses dépendances
et son matériel, pour une somme qui nous serait payée en
actions entièrement libérées et
immédiatement réalisables. Le reste du capital serait
versé entièrement par les intéressés
allemands. »
La Société Anonyme Métallurgique de Prayon est
créée le 15 mai 1882 par acte notarié,
passé le 2 mai de la même année.
La diversification
Profitant d’une situation financière plus confortable,
suite à la cession de son siège de Trooz, la Nouvelle
Montagne modernise ses installations, construit un second laminoir
(1882), et surtout développe des activités avales. En
partenariat, elle crée deux filiales : la Société
des Produits Chimiques d’Engis et la Société
Anonyme des Engrais Concentrés.
L’épuisement progressif des mines locales impose de
recourir de plus en plus fréquemment à du minerai
étranger, pour l’essentiel de la blende. Il faut donc
penser à une installation de désulfuration efficace et
à la fabrication d’acide sulfurique. En effet
l’entreprise reçoit toujours de nombreuses plaintes des
riverains concernant ses rejets gazeux. Une demande
d’autorisation est introduite pour la construction d’une
usine de fabrication d’acide sulfurique et une fabrique
d’autres produits chimiques, des engrais [1], l’autorisation
lui est accordée par la députation permanente, le 27 mars
1889. La construction de l’usine débute dès
l’année suivante. [LNM] Elle produira également de l’acide nitrique, du bisulfate de soude, du sulfate de plomb et des sels de thallium.
Bien que la décision ait été prise dès
1887, la Société des Produits Chimiques d’Engis
n’est créée que le 4 mai 1889. Outre la Nouvelle
Montagne, qui est majoritaire, l’actionnariat est composé
de la Société des Produits Chimiques de Droogenbosch, et
de la Société des Manufactures de Glaces, Verres à
vitres, Cristaux et Gobeleteries de où ?. [MB-5/89]. La nouvelle société engage un
Ingénieur-conseil : Louis Fromont dont il sera question plus
tard. En 1898, les Sociétés de Droogenbosh et des
Manufactures cèderont, à la Nouvelle Montagne, leurs
participations dans la Société des Produits Chimiques
d’Engrais, la laissant presque seule propriétaire de ces
établissements. Toutefois, la fusion ne sera effective
qu’en 1912. (G.F.)
Les producteurs de zinc, obligés de griller leurs blendes, se
trouvent en possession de grandes quantités d’acide
sulfurique, or l’offre sur le marché de l’acide
sulfurique est largement excédentaire. En 1861, Ernest Solvay,
alors directeur adjoint de l'usine à gaz de Saint
Josse-Ten-Noode, avait déposé un brevet pour la
fabrication industrielle de carbonate de soude au départ de sel
marin, d'ammoniaque et d'acide carbonique. [2] Il concurrence directement
le procédé développé par Leblanc, qui
utilisait de l’acide sulfurique. Il va rapidement supplanter ce
dernier, en 1885, car toutes les installations utilisant le
procédé Leblanc ont cessé leur activité.
Ainsi disparaît un important marché pour l’acide
sulfurique. Les ventes n’épongent plus toute la production
et, difficulté supplémentaire, l’acide sulfurique
est un liquide hautement corrosif, de stockage difficile et son
expédition doit se faire soit en citerne soit en tourie de
verre.
Dans la seconde partie du XIXe siècle,
le développement de l’agriculture, rendue
nécessaire par l’augmentation de la population, et un
appauvrissement généralisé des sols,
nécessite un emploi plus intensif de matières
fertilisantes.
Une nouvelle industrie s’organise et ouvre de
nouvelles possibilités pour l’utilisation de l’acide
sulfurique : la fabrication des engrais chimiques phosphatés.
En
1873, A. Briart et F.L. Cornet découvrent du phosphate à
Ciply dans le Hainaut. En région liégeoise, en Hesbaye,
la découverte de minerais de phosphates est le résultat
d’études géologiques. La similitude des formations
géologiques des massifs du Hainaut et de la Hesbaye amène
des géologues à y supposer l’existence de
dépôts de phosphates de chaux analogues à ceux de
Ciply. Les premières recherches sont entreprises ; en octobre
1884 débute l’exploitation des phosphates de Hesbaye. De
nombreuses sociétés sont créées, dont l'une
est particulièrement intéressante pour la Nouvelle
Montagne : la Société de la Phosphatière
créée, le 1er janvier 1894, par le Crédit Général Liégeois.
Construction des chambres de plomb de la Société des Produits Chimiques
À
remarquer qu’aucun bâtiment des Engrais Concentrés n’est pas encore
construit dans la zone visible entre la route et le chemin de fer !
Comme
beaucoup d’entreprises de son secteur, et notamment la
Vieille-Montagne, la Société des Produits Chimiques d’Engis va
développer une activité de production d’engrais phosphatés. Par mélange
d’acide sulfurique et de phosphates, un engrais, appelé superphosphate
simple - en abrégé super simple - contenant environ 15% de P2O5 soluble dans l’eau, est obtenu. Toutefois, sa faible teneur en
phosphate assimilable par les plantes limite ses ventes aux zones
proches des lieux de production.
En 1891, la Société des
Produits Chimiques d’Engis crée, avec comme partenaire la firme H. et
E. Albert [3] (ChemischeWerkevorm H. et E. Albert) de Biebrich-sur-Rhin,
la S.A. des Engrais Concentrés. Dans l’acte constitutif de cette
dernière, la Société des Produits Chimiques d’Engis apporte le droit de
produire des engrais, droit qu’elle avait elle-même reçu de la Nouvelle
Montagne, et divers moyens matériels. Quant à la firme Albert, elle
fait apport de divers procédés, de plans et des renseignements
nécessaires à la bonne marche de l’usine.[MB-10/91]
La nouvelle société se spécialise dans la fabrication des
superphosphates doubles. Elle produira du superphosphate titrant de 12
à 20 % de P2O5 [4], du superphosphate double de 36 à 50 % de P2O5, du
phosphate de potasse et du plâtre phosphaté. Il convient de souligner
que l’usine des Engrais Concentrés fut, en son temps, une usine pilote.
Elle lança la première sur le continent, une des premières au monde, la
fabrication de l’acide phosphorique liquide 43/49°.
En 1893, la Nouvelle Montagne introduit une demande pour la mise en
place de nouveaux fours à zinc pour remplacer les fours de
conception ancienne.
L’Arrêté, publié le 11 avril 1896, fixe la
capacité de l’usine à 13 000 t/an.
Cette évolution est très importante à double titre
: c’est le premier progrès majeur apporté par la
Nouvelle Montagne au système liégeois, mais
également l’origine d’importantes difficultés
que va connaître la Société.
Elle modernise ses
installations, elle construit une centrale thermoélectrique (A.R.)
pour permettre l’électrification des usines, une nouvelle
poterie équipée d’une presse pour la fabrication
des creusets - jusqu’alors le travail étant
entièrement manuel -, etc.
Le plâtre provenant de la fabrication des engrais est mis en
dépôt, sur la colline, à l’aide d’un
transporteur aérien.
Établissements des Engrais Concentrés
À gauche de l’image une chambre de plomb est en cours de construction.
Pour toutes ses nouvelles installations, des briques sont fabriquées à Chaumont, sur la rive droite de la Meuse.
Elle obtient, en 1900, l’autorisation d’établir,
au-dessus de la Meuse, un transporteur aérien pour
déverser les cendres des fours à zinc sur un terrain dont
elle dispose face aux fours à zinc. Jusqu’alors elle les
avait déversées en tas dans une zone située en
aval de ses usines. Ce premier transporteur sera détruit et
reconstruit en 1906.
« On raconte que pendant les vacances, les enfants
traversaient la Meuse en barque pour aller ramasser le charbon qui
n’avait pas brûlé (escarbilles). Ils le rapportaient
chez eux, il servait à se chauffer pendant les mois
d’hiver. Ce travail était aussi réalisé par
des femmes. Il n’était pas sans danger, et on eut à
regretter plusieurs accidents mortels lors de ce qui était une
véritable expédition. »
En 1889, la
Nouvelle Montagne
complète son domaine houiller en faisant l’acquisition des
concessions du Burton, d’Oulhaye et Lurtay, (Sur les Bois).
Trois ans plus tard, elle réunit, sous le nom de Concession
Houillère de la Nouvelle Montagne, l’ensemble de ses
concessions d'Engis, Bon-Espoir, Burton [5] et Oulhaye-Lurtay. Elle
couvre une superficie de 1 638 ha 33 a 94 c. [AMB-99] Au total, elle extraira 1 300 000 t de charbon de différentes qualités.
La vie sociale n'est pas oubliée. La S.A. L’Ouvrier Prévoyant est créée le 31
mai 1895 en vue de faciliter la construction ou l’acquisition de
maisons par le personnel ouvrier. Charles Hilgers,
ingénieur sous-directeur à Engis en est un des
administrateurs. Afin d’éviter aux habitants de La
Mallieue de se déplacer jusque Flône pour assister aux
offices la Nouvelle Montagne y fait construire une chapelle.
Dans un article paru en 1901, Ad. Firket décrivant les
installations de la Nouvelle Montagne termine son article de la
façon suivante :
«
En résumé, les installations des fours
belges-silésiens à gazogènes et
récupérateurs de chaleur de la Société
d’Engis, ne méritent que des éloges sous tous les
rapports. Celles des fours liégeois sont satisfaisantes,
notamment du point de vue des dimensions et de la disposition des
halles et des caves. »
Comme nous le verrons la situation n’est pas aussi idyllique que ne le laisse penser Ad Firket.
Entre 1890 et 1899, les résultats explosent et dépassent
1 400 000 fr. Les amortissements sont également plus que
doublés tout comme les tantièmes et les dividendes.
Malgré ces excellents résultats, la Direction juge la
situation de la Société inquiétante. En effet, le
marché du zinc est source d’inquiétude et, sur le
plan technique, les nouveaux fours posent problèmes. Lors
d’une inspection réalisée par un fonctionnaire, la
poterie a été très sévèrement
critiquée. Aux charbonnages, la situation est devenue tellement
mauvaise que l’Administration des Mines, après menaces,
classe le charbonnage de la Héna dans la catégorie des
charbonnages dangereux et grisouteux ! Cette mauvaise conjoncture
n’est pas sans conséquence sur la situation
financière. L’exercice de l’année 1900 se
solde par une perte, la distribution de dividendes est suspendue.
C’est dans ce contexte subitement très difficile que la
Direction, pour redresser la situation, fait appel à Louis
Fromont à la tête de l’entreprise. Le 15 septembre
1900, il est nommé Directeur Général. Gindorff,
qui avait rempli cette fonction jusqu’alors, étant admis à
la pension.
Cinq jours plus tard, un des nouveaux fours
s’écroule après moins d’un an de service ! Il
s’avère alors que tous les fours construits depuis 1896
doivent être démolis suite à des défauts de
constructions. La Nouvelle Montagne intente un procès à
son constructeur. Elle est obligée de laisser les fours
effondrés en l’état jusqu’à
l’issue du procès, en 1903. Si la situation est
catastrophique sur le plan technique, il n’en va pas autrement
dans les autres domaines.
Confiant dans ses succès obtenus aux Produits Chimiques,
Fromont croit qu’une usine à zinc, sous son aspect
vétuste, doit être entièrement modernisée.
Immédiatement il s’attache à son nouveau
défi et entame de nombreux travaux. Il rase les vieux fours,
sécurise et modifie la poterie qui menace ruine, prépare
la construction de nouveaux fours. Des travaux d’assainissement
et de recherches sont réalisés dans les mines. Une
nouvelle bure [6] est foncée à Stockay, la bure
Grevesse ; il semble qu’elle n’ait pas répondu aux
attentes car elle est comblée en 1904.
Au cours de l’année 1902 le laminoir est modernisé,
il sera prêt à démarrer en janvier 1903 (11).
Le 30 octobre 1902, des industriels et des marchands de métaux
créent la Société Anonyme des Laminoirs
d’Engis [7]. Il est important de noter que la Nouvelle Montagne ne
participe pas à la constitution de cette Société
mais qu’elle lui loue ses laminoirs. Mais le marché du
zinc laminé n’est pas bon, les prix sont au plus bas et la
concurrence allemande est fort active (11).
Afin de maintenir les prix, un accord de
limitation de la production est conclu en 1904 entre les lamineurs belges, et la
Société des Laminoirs d’Engis obtient un quota de
3 000 T.
Par manque de capacité de réduction, en 1902 et 1903, la
Nouvelle Montagne fait produire une certaine quantité de zinc
par un confrère ; plus tard elle achètera, à la
Société de Prayon, 900 T de zinc brut, achat
compensé par la livraison de blendes grillées. [8]
Par Arrêté Royal du 21 septembre 1903, elle est
autorisée d’établir 9 nouveaux fours de
réduction du zinc. Les premiers des nouveaux fours sont mis
à feu en février 1904. Mais tant les anciens fours, qui
avaient été reconstruits, que les nouveaux connaissent
des problèmes de creusets. Finalement, les nouveaux fours
donneront satisfaction.
Fromont supprime alors le travail des 24 heures
consécutives, qui jusqu’alors était de mise, et met
en place une organisation du travail par cycle de 8 heures, telle
qu’il l’avait mise en place à la
Société des Produits Chimiques (cf. annexes). (11)
continuer relecture
Tout va vraiment mal pour la Nouvelle Montagne! De nouveaux
problèmes apparaissent. Tout d’abord, Thiry, chef-laveur
aux lavoirs à charbon, est tombé entre une courroie et
une poulie et a été tué sur le coup. Encore plus
grave, l’ankylostomasie [9] se déclare aux
charbonnages et, malgré les mesures prises, le nombre
d’ouvriers atteints va grandissant. Fromont fait procéder
d’urgence à l’installation d’un lazaret. Les
choses ne s’arrêtent pas là une campagne est
menée contre la Nouvelle Montagne, le député
Demblon prononce à la Chambre des Représentants, un
discours qualifié de mensonger. Le Docteur Malvoz et le
député permanent Laboulle se rendent aux charbonnages et
agréent le dispensaire qu’ils considèrent comme le
plus complet et le mieux installé de la Province, allant
même jusqu’à conseiller aux charbonnages
d’établir chez eux des dispensaires semblables.
Un conflit éclate entre Eugène Regout, qui avait
été commissaire réviseur pendant de nombreuses
années, (il avait résilié son mandat le 12 avril
1902) et la Direction. Dans un livret publié en 1904, Regout
s’en prend directement à Fromont. La campagne
d’hostilité, à la fois contre la Nouvelle Montagne
et les Produits Chimiques, s’intensifie encore et le Conseil est
amené à conclure que certains faits ne peuvent être
connus que par des indiscrétions. Lors de la séance du 10
janvier 1905, M. Nagelmackers qui vient de succéder au Baron de
Macar, fait au Conseil un historique détaillé de la
direction de Fromont, et conclu que la Nouvelle Montagne a
reculé car, malgré la hausse du prix du zinc, les ventes
de minerais, les nouveaux instruments, « on ne gagne pas plus
qu’en 1902 ! ». La réponse de Fromont
n’emporte pas l’adhésion du Conseil qui reste
convaincu que la campagne de presse, engagée dès 1903,
n’a été possible qu’avec sa
complicité, et l’invite à démissionner. (11)
La situation financière est critique, une
augmentation de capital de 2 MF, sous forme d’actions
privilégiée, est décidée. La Compagnie
allemande Beer-Sondheimer& Cie, par ailleurs majoritaire dans la
Société Métallurgique de Prayon, souscrit
entièrement à l’augmentation de capital. (24 juin
1905). Marcel Nagelmackers reste Président du Conseil, un
Vice-Président est nommé - Louis Feist
représentant les intérêts allemands et homme de
confiance de la Compagnie BeerSondheimer& Cie -, A. Sondheimer est
élu Administrateur. Pour remplacer Fromont, les nouveaux
administrateurs allemands présentent von Zelewski qui, afin
d’uniformiser la gestion, ajoute à ses fonctions de
Directeur-Général celle de Conseil aux Laminoirs
d’Engis et d’Administrateur aux Produits Chimiques.
». À partir de ce moment, un courant d’affaires
s’établit entre la Nouvelle Montagne et Prayon.
Il est intéressant de noter que la Compagnie Beer-Sondheimer
possède à ce moment des intérêts importants
dans quatre sociétés belges productrices de zinc :
Nouvelle Montagne, Société Austro-Belge, Prayon et
Overpelt, à elles quatre, elles représentent 25% de la
production du sud de l’Europe, (l’Allemagne n’en
faisant pas partie) tandis que la Vieille Montagne en représente
33%.
La nouvelle direction imprime une nouvelle dynamique.
D’importants travaux sont entrepris, construction de nouveaux
fours, réfection des anciens, construction d’une nouvelle
poterie, exploitation de terre à brique le long du Chemin de Fer
du Nord, travaux aux mines et aux charbonnages, principalement au
Héna où quelques nouveaux gisements ont été
trouvés. Dès 1906, des améliorations sont
constatées, mais il faut néanmoins attendre 1908 pour que
la marche des fours à gaz soit jugée très
satisfaisante. (11)
La quantité de blende grillée est
insuffisante. La Nouvelle Montagne et les Engrais Concentrés se
plaignent à tour de rôle auprès des Produits
Chimiques, l’une de ne pas avoir assez de minerai grillé,
l’autre de ne pas recevoir assez d’acide sulfurique. La
calamine, devenant rare et coûteuse, la Nouvelle Montagne
décide d’y renoncer et demande, en 1909 aux Produits
Chimiques de construire deux nouveaux fours. Le grillage restera
toujours insuffisant si bien qu’en 1911, c’est la Nouvelle
Montagne qui décidera à construire 4 nouvelles chambres
de plomb.
Publicité de la Société des Engrais Concentrés
En 1907, les Engrais Concentrés [10] absorbent la
Phosphatière de Fexhe le Haut Clocher. Le 25 juin 1913, le
chemin de fer vicinal Engis – Saint-Georges, dont les travaux
avaient débuté en 1908, est inauguré. [11] Il permet
d’atteindre Fexhe-le-Haut Clocher d’une part, Verlaine et
Donceel d’autre part facilitant le transport des phosphates de
Hesbaye vers l’usine d’Engis. Ce tronçon sera
démonté par l’occupant en 1916 puis ouvert à
nouveau le 1er février 1923. Les mines de phosphates seront exploitées jusqu’en 1932 [12] (30).
Quant à la mine métallique de La Mallieue elle est la
dernière à être exploitée en Belgique. La
décision d’arrêter son exploitation sera prise en
1908.
En 1912, après avoir acquis les dernières actions en
circulation, la Nouvelle Montagne absorbe la Société des
Produits Chimiques d’Engis. Les charbonnages deviennent
d’exploitation onéreuse et la Nouvelle Montagne les
cédera en 1919 à la « Société des
Charbonnages du Pays de Liège ». [13]
Vue des installations des Engrais Concentrés, à l’arrière-plan les Produits Chimiques.
À gauche de l’image le dépôt de gypse produit résiduaire de la fabrication des engrais
Le plâtre provenant de la fabrication des engrais est mis en
dépôt, sur la colline, à l’aide d’un
transporteur aérien.
À gauche de l’image une chambre de plomb est en cours de construction.
Les
sœurs de Neufchâtel ouvrent une école à La
Mallieue en 1902. Elles quitteront La Mallieue le 30 août
1921. [14] En 1913, La Nouvelle Montagne construit
l’école et l’hôpital de la Mallieue. (Autorisation du 29 avril 1912)
En 1910,
pour son Directeur-Général, la Nouvelle Montagne
construit à Ehein, sur un terrain appartenant aux Produits
Chimiques, une maison avec dépendances ; le château
Nouvelle Montagne. (cf. la photo)
La guerre 14-18
Le mardi 4 août 1914, le jour même où les troupes allemandes envahissent la Belgique, Roman ? von Zelewski fait apposer sur les portes des usines une affiche ainsi rédigée :
«
Dans la crise actuelle que traverse la Belgique, beaucoup
d’usines sont obligées d’arrêter le travail.
Nous
portons à la connaissance de nos ouvriers que notre usine
à zinc est suffisamment approvisionnée en charbons et
minerais pour continuer le travail pendant plusieurs mois. La Direction
compte sur la bonne volonté des ouvriers pour pouvoir continuer
la fabrication ; il importe à cet effet qu’ils continuent
à travailler comme par le passé, en se rendant exactement
chaque jour à l’usine.
C’est le meilleur moyen pour eux de venir en aide à leur famille dans ces moments difficiles. »
Le Directeur-Général
(s) von Zelewski.
La brusque invasion de la Belgique empêche la presque
totalité du personnel belge de rejoindre leurs postes de
travail, les usines sont arrêtées, les fours
éteints dès le 5 août, les charbonnages
arrêtés le 6 août.
Les stocks n’étaient pas aussi importants que le
prétendait von Zelewski. On ne pouvait envisager aucune remise
en marche, même partielle, dans l’immédiat.
Néanmoins, après un examen approfondi
réalisé par l’ingénieur Lepersonne, le
Président Nagelmackers donne à celui-ci les instructions
et les pouvoirs nécessaires pour la remise en exploitation des
charbonnages, l’étude de la remise en marche des
différentes divisions : grillage, fours, lavoir, laminoir et les
moyens de préserver de la misère la population
ouvrière. Le fonds de roulement sera assuré par les
banques Nagelmackers et Fabri, auxquelles s’adjoint Sondheimer. (11)
Les charbonnages sont remis en activité le 31 août, le
lavoir en septembre. Le manque de minerai empêche le
redémarrage des fours. En octobre on a toutefois pu se procurer
du réductif, du coke et des terres pour marcher à allure
réduite. La creusetterie fonctionne à nouveau le 26
octobre, ainsi qu’un premier four de 96 creusets ; trois autres
suivront de 2 en 2 jours.
Les réquisitions par les forces occupantes commencent,
d’abord le plomb ; les chambres de plomb de la
Société des Engrais Concentrés sont
menacées. En avril 1916, les autorités d’occupation
enlèvent 1.051 T. de cendres plombeuses, ainsi que 35 T. de
plomb zincifère. En septembre et octobre, elles enlèvent
à nouveau 472 T. de zinc brut, et plus de 467 T. de zinc
laminé. Au mois d’août, le charbonnage de la
Mallieue est provisoirement abandonné et la galerie
inondée jusqu’à 46 mètres. Les sièges
du Héna et Tincelle sont encore en exploitation et des explosifs
peuvent être utilisés. La mine métallique de La
Mallieue connaît encore une très faible activité,
seulement une vingtaine d’ouvriers y sont occupés. Mais la
situation est devenue dramatique pour le zinc : le minerai sera
épuisé dans quatre à cinq semaines. Si la
fabrication est arrêtée un grand nombre d’ouvriers
chômeurs serait déportés et de plus, comme
ailleurs, les chambres de plomb seraient réquisitionnées.
On cherche à acheter le moindre petit lot de minerai, lesquels
finalement permettront d’aller jusqu’à la
mi-août ; le zinc est vendu aux pays neutres.
Au Conseil du 19 juin 1917, Sondheimer insiste à nouveau sur la
nécessité de continuer la fabrication pour éviter
la mise sous séquestre, l’enlèvement des chambres
de plomb ou la saisie des usines. La menace devient effective au
Conseil d’Administration du 22 novembre lorsque le chef de la
« Rohstoffverwaltungstelle » de Bruxelles, Bernheim,
annonce qu’en date du 18 novembre, le Gouvernement
Général a nommé l’ingénieur
Höchstädter en qualité de Commissaire de Surveillance
de la Société et lit une note qui est une mise en demeure
: reprise complète du travail – ou séquestre.
Après la lecture commentée de cette note, les membres
belges du Conseil d’Administration, considérant que leur
conscience leur interdit de laisser reprendre le travail,
déclare refuser de se soumettre aux injonctions de la
Rohstoffverwaltungstelle, et donnent leur démission
d’administrateur.
Le Docteur Sondheimer déclare alors :
«
Monsieur Wreschner et moi déplorons profondément la
décision grave prise par nos collègues belges de quitter
le Conseil d’Administration de la Nouvelle Montagne. Il
n’est pas dans nos intérêts de vous suivre, mais
bien de conserver notre mandat. Nous prenons cette
responsabilité, non seulement dans l’intérêt
du groupe important d’actionnaires que nous représentons,
mais surtout dans l’intérêt même de la
Société qui serait sans cela mise immédiatement
sous séquestre au détriment de tous les
intérêts sociaux. En agissant ainsi, nous ne faisons que
remplir notre devoir de mandataires des actionnaires.
Nous
espérons que le jour reparaîtra où nous
travaillerons de nouveau ensemble pour le bien de la Nouvelle Montagne
sans que les sentiments nationaux, que nous comprenons et respectons,
nous séparent.
Attendu
que, par votre démission, le nombre des Administrateurs est
réduit à trois, alors que les statuts exigent un minimum
de sept administrateurs, il sera nécessaire de convoquer de
suite une Assemblée Générale pour parer
à la situation ainsi créée. »
Un conseil de séquestre est installé et le directeur von
Zelewski gardera sa fonction jusqu’à la fin de la guerre,
moment où il « s’enfuira » en Allemagne.
Dès septembre 1914, l’aide au personnel s’organise.
Des travaux, non nécessaires pour l’immédiat mais
utiles pour l’avenir, sont entrepris, tel le déplacement
d’un crassier situé entre le chemin de fer et la
grand’ route, le salaire était de 2 fr. par jour.
En juillet 1915, la Société obtient l’autorisation
de vendre des denrées alimentaires à son personnel
à charge d’imputation sur les salaires. D’autre part
la Société Coopérative « Comité de
secours et d’alimentation de la Province de Liège »
est créée par Van Hoegarden, un emprunt de 2.500.000 fr.
est réalisé pour subvenir à l’alimentation
de la population. Il demande aux charbonnages, mines et
métallurgies, de garantir les sommes empruntées à
raison de 10 % du capital. Les usines souscrivent, en
général, 20 fr. par ouvrier. La participation de la
Nouvelle Montagne est de 35.000 fr. Ceci laisse supposer un effectif de
1.725 personnes.
Au sortir de la guerre, l’usine d’Engis est à bout
de souffle, les installations ont irrémédiablement
vieilli, les marchés sont à recréer. Louis
Boscheron est appelé à la tête de la
Société. Une grève éclate, elle durera du
19 septembre 1919 jusqu’au 11 février 1920. La Nouvelle
Montagne opère un dernier redressement. Les engagements de
personnel s’intensifient, un certain nombre d’ouvriers
provient de la province d’Anvers et, dans une moindre mesure, du
Limbourg.
La Nouvelle Montagne cède ses concessions charbonnières
aux Charbonnages du Pays de Liège contre remise de 1 500
actions nouvelles de cette Société. Le siège du
Héna était toujours activement exploité. Pour
assurer son approvisionnement en matières premières, elle
fait l’acquisition de 2 600 parts de la
Société Coopérative Union des Usines à Zinc
et 316 parts du Groupement Charbonnier Belge. [15] L’Union des
Usines à Zinc, regroupe l’ensemble des producteurs belges
hormis la Vieille Montagne et la Compagnie des Métaux
d’Overpelt-Lommel. Cette société coopérative
est chargée d’acheter des minerais pour ses membres et
éventuellement de vendre du zinc. La Nouvelle Montagne fait
également l’acquisition de 641 actions des Engrais
Concentrés, société qu’elle absorbera le 13
mai 1924.
En 1920, la Nouvelle Montagne entreprend de nouvelles recherches
minières à Engis, elles resteront sans résultats.
Elle obtient, le 6 avril 1925, de la députation permanente de
Liège, l’autorisation d’apporter diverses
modifications dans son usine d’acide sulfurique et dans ses
laminoirs, d’établir un atelier de préparation et
de lavage des cendres plombeuses et d’employer des moteurs et
appareils électriques pour le service de ses
établissements. À ce moment les installations comportent
:
- deux usines d’acide sulfurique,
- une usine à zinc d’unecapacité de
production annuelle est de 18.000 T. de zinc brut lequel, à
raison de 50 % environ, sont laminés dans l’usine
même,
- un laminoir à zinc,
- un atelier de préparation et de lavage des cendres plombeuses provenant des fours à zinc,
- une usine de fabrication d’engrais
concentrés d’une capacité de production est de 100
T. d’engrais par jour.
Entrée en gare d’Engis du vicinal venant de Hesbaye.
Le premier wagon est chargé de phosphates à destination de la Nouvelle Montagne.
La Situation Sociale
Dans les années 20, l’ensemble des usines occupe environ
1.500 ouvriers et employés, pour lesquels une importante
organisation sociale se met en place : habitations,
sociétés de secours, allocations familiales,
hôpital, école, assurances, un bâtiment à
l’usage de douches consultation des nourrissons, etc.
Avant la guerre, la Société possédait
déjà de nombreuses habitations tant à la Mallieue,
rue Surface, qu’à Engis. Pendant la guerre,
l’entretient de ces immeubles a été
complètement abandonné. Bon nombre d’entre eux ont
été réquisitionnés et occupés par
des Allemands.
Dans un premier temps, la Nouvelle Montagne rénove de nombreuses maisons et détruit les plus vétustes.
À partir de 1924, elle en construit de nouvelles, notamment
rue de l’Industrie, elle en possèdera 240, dont des
maisons à appartements (rue des Mèches), pour
l’époque c’était une véritable
innovation.
Elle transforme des bâtiments en phalanstère [16]. Au moins
trois ont existé : un avait été
aménagé dans un bâtiment en bois construit à
l’occasion du centenaire de la Société, pour cette
raison il avait été baptisé au Centenaire, le
second se trouvait derrière le terrain de football au 65 rue
Vinâve et un troisième près du quai du halage.
À la veille de la première guerre mondiale il
n’existait qu’un embryon d’infirmerie, les soins
étaient dispensés par un peintre, que les circonstances
avaient mué en infirmier. Durant le conflit, l’idée
a germé d’installer un hôpital répondant aux
normes les plus exigeantes de l’époque. Ce sera chose
faite en 1927. Dès 1919, l’ancien couvent de la rue de la
Surface est aménagé pour recevoir les locaux
nécessaires : salle d’opération, salle de visite,
cabinets pour les spécialistes, chambres pour les personnes
hospitalisées (la capacité de l’hôpital
était de dix lits), locaux utilitaires… Le service est
assuré par les médecins de la localité, un
chirurgien, un médecin spécialisé et un infirmier
diplômé attaché à
l’établissement.
En 1925, en application de la loi du 10 mars 1925, le personnel
employé est assuré contre la vieillesse et le
décès prématuré auprès de la caisse
commune « Intégrale» à Liège.
Déjà, quelques années auparavant, les ouvriers,
les surveillants et les employés avaient créé une
société mutuelle qui sera reconnue par un
arrêté royal le 30 novembre 1925. Ses buts principaux
étaient :
- de procurer les soins du médecin et les
médicaments aux membres effectifs malades ou blessés par
un accident, ainsi qu’aux personnes de leur famille et aux
membres participants
- de payer aux membres effectifs un indemnité journalière pendant le temps de leur incapacité de travail
- d’accorder éventuellement des secours
extraordinaires et temporaires aux membres effectifs qui n’ont
plus droit aux secours ordinaires
- d’intervenir dans les frais funéraires de ses membres effectifs et
- d’accorder une indemnité à leur veuve ou à leurs enfants en bas âge.
Moyennant une cotisation mensuelle de 7 à 12,5 fr., les
adhérents avaient droit à un service médical libre
(libre choix médecin). Toutes les interventions
pratiquées dans son hôpital ; service chirurgical,
frais d’hospitalisation, accès aux services
spécialisés (radiographie, O.R.L.,dentisterie, pharmacie
...) sont pris en charge par cette mutuelle, elle intervient
également dans d’autres frais (verres, montures,
bandages…). Lors de sa création la mutuelle comprenait
626 membres, fin 1928 elle en comptait 1720 ; ceci situe
l’importance de la Société.
En 1921, la Nouvelle Montagne reprend l’école que les
sœurs de Neufchâtel avaient fondée en 1902 et
quittée cette année. Une école gardienne et une
école primaire sont installées dans un bâtiment
jouxtant l’hôpital. La Nouvelle Montagne est très
fière de la méthode d’éducation qui y est
appliquée et qui est celle développée par Olive
Decroly, la méthode globale. Des cours de sténographie et
de dactylographie sont également organisés. Des enfants
qui ont suivis ces cours sont engagés par la
Société. L’école sera reprise par la
Société de Prayon lorsqu’elle fera
l’acquisition de la Nouvelle Montagne. L’école
fermera définitivement ses portes en 1970.
Les loisirs ne sont pas oubliés, au lendemain de la guerre, une
nouvelle salle des fêtes est construite, elle remplace un
bâtiment devenu vétuste qui se trouvait le long de la voie
de Chemin de fer. Le 27 septembre 1920, elle obtient
l’autorisation d’exploiter un cinéma permanent
à la Mallieue, c’est un des plus moderne de la
région, l’autorisation sera reconduite en 1926. Chaque
semaine des séances cinématographiques sont
organisées, les films sont choisis par la
société… En hiver des représentations
théâtrales sont organisées en collaboration avec la
troupe liégeoise « Les Comédiens
Liégeois ». Le 11 mars 1928, elle joue Denise
d’Alexandre Dumas fils ; le programme spécifie que le
spectacle sera terminé de façon à ce que le public
puisse reprendre le train de 11 heures qui fait arrêt à La
Mallieue vers Huy et celui de 11h27 se dirigeant vers Liège.
Cette salle sert aussi à d’autres occasions ; bal travesti
le 25 janvier 1931 avec l’ancien orchestre-jazz du Moulin Rouge
de Paris le prix de l’entrée est fixé à 4 fr
pour les hommes, 2 fr pour les dames et 1 fr pour les mamans !
À l’occasion d’une grande soirée de
gala, le 5 mai 1932, une conférence est prévue sur le
thème : l’alimentation de la plante – engrais ; la
conférence est suivie d’une pièce en wallon «
qui est-ce qu’est l’maisse ?
», suivra un concert et cette soirée se terminera par un
grand bal. Cette salle est également utilisée pour des
évènements plus officiels: remise des prix aux enfants de
l’école, remise des décorations aux personnels
…
À partir de 1925, des ouvriers venant d’Italie sont
embauchés, par la suite, des ressortissant d’autres
nations seront également engagés, mais les italiens
seront toujours en plus grand nombre. Au cours de l’année
1927 des tensions apparaissent. Elles se marquent par un nombre
important de travailleurs prestant des périodes très
courtes, moins d’un mois ! Les syndicats, bien que moins
présents dans les usines à zinc situées à
la périphérie du bassin, attaquent violemment la
Direction de la Nouvelle Montagne. Ils décrivent des conditions
de travail catastrophiques : salaire de misère, non-respect de
la loi des 8 heures, voies de fait de la part des gardes. [17] Au
niveau de l’ensemble des usines à zinc du bassin, des
négociations sont ouvertes concernant des augmentations de
salaire, il est question d’une augmentation de 5 %. À la
Nouvelle Montagne, les salaires n’ont plus été
augmentés depuis 1924. En mars 1928, 5 % sont accordés
aux ouvriers des fours à zinc et 4 % à ceux des Engrais
Concentrés. Mais à la préparation des minerais,
ceux du « Vapart » [18], ne les reçoivent pas sous
prétexte que précédemment ils avaient obtenu 3
fr/jour en compensation de travail supplémentaire qu’ils
devaient effectuer ! Tous les ouvriers occupés au Vapart
remettent leur préavis. Après de nouveaux pourparlers ils
obtiendront également l’augmentation de 5 %.
À la lecture des livrets d’ouvrier apparaît un
phénomène, qui aujourd’hui [19], serait jugé
comme un manque de loyauté vis-à-vis de
l’entreprise : certains ouvriers quittent l’entreprise et y
reviennent à de nombreuses reprises.
Au niveau national, les syndicats revendiquent, pour les ouvriers des
fours à zinc, un abaissement de l’âge de la retraite
à 55 ans. Ils justifient leur demande en arguant des conditions
de travail extrêmement pénibles que connaissent ces
travailleurs. Pour ne pas rencontrer cette revendication, le Ministre
Heyman argumente que celle-ci soulève cependant une
difficulté à savoir l’importante diminution du
montant des rentes qu’entraîne mathématiquement
l’abaissement de l’âge d’entrée en
jouissance de la pension de vieillesse. La réponse du journal
« Le Prolétaire » (30-12-1927) :
«
À cette objection une réponse immédiate est
nécessaire, c’est que les ouvriers des usines à
zinc – cela est prouvé par les statistiques citées
par le citoyen Wauters au Sénat lors de la discussion sur la loi
des huit heures – ne vivent pas jusque 65 ans et par
conséquent ne profitent pas des versements qu’ils ont
faits eux et leurs patrons. Donc la réserve mathématique
ne doit pas être aussi élevée pour les travailleurs
de l’industrie du zinc, en raison du degré de
mortalité existant. »
Cette revendication ne sera jamais rencontrée.
Vue d’une partie des installations lors des inondations de 1926
La Nouvelle Montagne fête son centenaire
C’est le 28 juin 1929, que la Société fête
son centenaire en présence du prince Léopold, futur roi
des belges, et du ministre de l’Industrie et du Travail M.
Heyman. L’escorte royale, se rend de Bruxelles à Engis par
chemin de fer, non sans s’être arrêtée
à Liège pour embarquer un certain nombre de
personnalités liégeoises. À la gare d’Engis, la
suite royale prend place dans deux rames de wagons du Nord-Belge ;
celles-ci, tractées par des locomotives de la
société, conduisent la suite jusqu’au laminoir
à la Mallieue. L’accueil réservé par la
Société a lieu dans la cour devant l’hôpital
et les écoles. [20] Parmi les nombreuses personnalités
présentes, il est à remarquer que toutes les
sociétés produisant du zinc en Belgique sont largement
représentées. Les installations des fours et du laminoir
sont au programme de la visite, les différentes
opérations de construction d’un four et de son
exploitation font l’objet d’explications approfondies.
La fête sera de courte durée, la crise de 1930 se profile.
Dès le début de l’année des fours sont mis
à l’arrêt. Si le premier janvier, 24 fours sont en
activité très rapidement il n’en restera que 5 fin
avril. Et en octobre il est question d’une diminution de 5 % des
salaires alors qu’ils avaient été augmentés
de la même valeur l’année précédente.
L’année se solde néanmoins par un résultat
positif, en 1931 la chute des cours du zinc se poursuivra.
Le 1er décembre 1930, un brouillard très épais
apparaît en différents endroits de Belgique. Dans la
vallée de la Meuse on constate également que les
fumées s’échappant des cheminées des usines
se rabattent dans la vallée (phénomène
d’inversion des températures aujourd’hui bien
connu). Le brouillard disparaîtra dans le courant de la
journée du 5. Quelques heures après l’apparition du
brouillard, dans toute la vallée depuis Seraing
jusqu’à Huy, des centaines de personnes sont atteintes de
différents problèmes respiratoires, ces symptômes
apparaissant quasi simultanément. Le bétail
présente également des symptômes analogues. Au
cours des journées des 3 et 4 décembre une soixantaine de
personne décèdent. Les communes les plus atteintes sont
celles de Flémalle, d’Engis et d’Hermalle. Ceci
s’explique alors par la présence d’usines
importantes, la Nouvelle Montagne et la Vieille Montagne à
Flône, et par le fait qu’à cet endroit la
vallée se resserre, ceci augmentant la concentration en
contaminant.
Visite de la reine
Élisabeth sur les lieux de la catastrophe. Au cours
de celle-ci, elle croise l’enterrement d’une des victimes.
À l’arrière-plan on devine les installations de
grillage
de la Nouvelle Montagne.
Ce phénomène fait grand bruit à
l’étranger, surtout en Angleterre où plusieurs
régions sont régulièrement confrontées
à d’importants brouillards. La Société des
Nations elle-même s’inquiète et sa section
Hygiène demande au gouvernement belge de lui adresser un rapport
complet sur ce qui a frappé les habitants de la vallée de
la Meuse. Aujourd’hui encore cette catastrophe écologique,
la première identifiée, marque la mémoire
collective. Et des recherches récentes tendent encore
d’identifier tous les éléments ayant
provoqués cet évènement. (31, 32, 33,34)
Statue commémorative de la catastrophe inaugurée en le 2
décembre 2000 ;
Elle se situe à côté de la maison communale
d’Engis.
Les conditions de marché sont mauvaises dans tous les domaines
d’activité de la Nouvelle Montagne : zinc, zinc
laminé, acide sulfurique et engrais. Il y a notamment
l’interdiction d’exporter de l’acide sulfurique en
Allemagne. D’importantes difficultés sont également
rencontrées en agriculture. Les épreuves de la guerre
n’ont pas permis à la Nouvelle Montagne de retrouver assez
de vigueur que pour pouvoir surmonter la crise économique de
1930 qui sera suivie d’une crise sociale en 1936. Le 1er septembre
1932, la Nouvelle Montagne contraint son personnel à opter entre
le congé immédiat ou une diminution de 20 % de sa
rémunération. [21] Nombre de membres du personnel
supérieur sont congédiés, Bocheron a quitté
la Société. Malgré cette période
troublée la Nouvelle Montagne poursuit ses recherches pour
améliorer et développer ses activités. Elle
renouvelle pour un an l’autorisation d’exploitation de sa
division des Engrais Concentrés, elle l’obtiendra ensuite
pour une période de 18 ans. Elle dépose, au cours des
années 1931 à 1933, plusieurs brevets, non seulement en
Belgique, mais également dans d’autres pays tels la
France, les Etats-Unis… Trois de ces brevets concernent un
procédé de préparation des blendes en vue de leur
supergrillage. Le supergrillage consiste à griller du minerai en
vent soufflé ou aspiré, cette façon de
procéder permet d’obtenir un meilleur rendement
d’oxydation des sulfures. Un autre brevet porte sur une
amélioration de la valorisation des poussières de zinc
récupérées dans les allonges. Jusqu’à
ce moment, la Société a été très
active dans le développement de ses procédés.
Mais, à partir de 1933, elle semble ne plus en faire une de ses
priorités.
Vue des derniers fours à zinc de la Nouvelle Montagne
La Nouvelle Montagne accumule des pertes importantes. Ses installations
sont obsolètes et sa production est la plus faible de Belgique
avec seulement 14.000 T. de zinc en 1936 et 1937. La demande de zinc de
haute qualité, produit par électrolyse, est de plus en
plus importante. Le marché du zinc laminé devient de
moins en moins rémunérateur. Les difficultés
d’exportation toujours plus grandes et des entraves
créées par le gouvernement conduisent les producteurs de
zinc laminé à envisager le rétablissement
d’une entente. Le 21 janvier 1936, un projet
élaboré par la Société de Prayon est
approuvé par toutes les sociétés concernées,
à l’exception de la Nouvelle Montagne qui discute
principalement le coefficient qui lui est réservé. [22] Le 31
juillet, pour éviter la rupture de cette entente, il est convenu
que tous les lamineurs fassent l’acquisition de titres de la
Nouvelle Montagne. Des tractations ont lieu entre les membres de
l’entente ; finalement très habilement, lors d’un
Conseil d’Administration tenu le 8 décembre 1937, Prayon
décide définitivement de reprendre la
Société de la Nouvelle Montagne. Les buts qu’elle
poursuit en réalisant cette opération sont de faire
disparaître un concurrent, de s’assurer une place
importante dans le marché du zinc laminé, de faire un pas
dans la rationalisation de l’industrie du zinc en Belgique et de
disposer d’une capacité qui pourrait être facilement
arrêtée en période de basse conjoncture pour
préserver l’activité de l’usine de
Trooz. Officiellement, l’acquisition de la Nouvelle Montagne est
proclamée en 1938. À cette occasion elle Prayon annonce son
intention de maintenir les usines d’Engis sous
l’appellation « Siège Nouvelle Montagne ».
L’activité de l’usine d’Engis est
intégrée dans les comptes de Prayon à partir du
premier semestre 1938. L’usine de la Meuse retrouve ainsi celle
de la Vesdre, dont elle avait été séparée
pendant plus d’un demi-siècle. L’entente étant
réalisée au sein des producteurs de zinc laminé,
Prayon décide d’acheter deux nouveaux trains de laminoir
pour son usine de Trooz. Elle rationalise ses activités ; les fours
à zinc et le laminoir d’Engis sont être
définitivement arrêtés. Les installations de
grillage de blende sont modernisées et agrandies, les
fabrications d’acide phosphorique et d’engrais vont
être développées.
Notes
[1] M.B. du 22/05/89.
[2] Ce procédé est basé sur la chimie découverte plus de 50 ans plus tôt par Augustin ??? Fresnel mais la technologie de l’époque empêchait sa mise en œuvre industrielle.
[3]
Heinrich Albert, le fondateur de la société
ChemischeWerkevorm H. et E. Albert, a eu comme professeur à
l’université de Munich Justus Liebig. Il débuta la
production d’engrais au départ de déchets
d’abattoir le 1er octobre 1858. Avant
la première guerre mondiale, sa société employait
près de 2 400 ouvriers et avait plus de 30 succursales tant
en Allemagne qu’ailleurs en Europe. Le procédé de
fabrication des superphosphates doubles daterait de 1871 !
[4] Unité utilisée par les professionnels pour exprimer la teneur en phosphore des engrais.
[5]
Burton : un article de presse de 1935 situe le Burton en face du pont
d’Hermalle et exploité par la Vieille Montagne ( ?). Dans
ce même article « Le
Burton fut fondé par la famille Pasquet de Gilly-lez-Charleroi,
puis repris par M. Noiset, dont un puits de St-Georges a porté
son nom. Ce charbonnage est le type des premiers charbonnages, parce
que les eaux étaient évacuées par un «
sèwe ». C’est le ruisseau qui coule encore de la
galerie.
[6]
Bure vient de « bûr » en langue germanique et
signifie maison devenu en wallon liégeois « beûr
», et désigne l’abri qui recouvre le puits.
[7] G.F. 1906.
[8] Rapport du Conseil d’Administration du 21 mars 1904 de la Société de Prayon.
[9] Ankylostomasie (dite ankylostomose au XXIe
siècle) ou anémie des mineurs. Parasitologie, pathologies
infectieuses et tropicales. Maladie provoquée par la
présence dans l'intestin, de l'ankylostome (Ankylostoma duodenale),
maladie qui s'observe essentiellement dans les régions
tropicales. Les ankylostomes pénètrent dans l'organisme
à l'état de larves, surtout par la peau. Parvenus dans
l'intestin grêle, ils se fixent sur sa muqueuse, en provoquant de
nombreuses petites hémorragies responsables de l'anémie. Cette maladie atteint les mineurs en 1890.
[10] À ce moment les Engrais Concentrés occupent 320 ouvriers. (1909).
[11]
La Société Nationale des Chemins de Fer Vicinaux
(S.N.C.V.) avait été créée en 1888 afin
d’établir un réseau complémentaire aux
grandes lignes qui existaient en Belgique.
[12]
Pour occuper son personnel, la Société de Prayon en
reprendra l’extraction pendant la seconde guerre mondiale.
[13]
L’exploitation sera arrêtée en 1928. Le charbonnage
de « la Surface » quant à lui a cessé ses
activités dès 1921. À la Surface, du charbon de
très mauvaise qualité sera encore extrait par la
population pendant la seconde guerre mondiale. En 1943, le puits de la
Héna sera obturé d’une dalle surmontée
d’une borne.
[14] Informations fournies par la Compagnie des Filles de la Charité à Bruxelles.
[15] GF 1921.
[16] L’idée du phalanstère revient à Charles Fourier, philosophe français du XIXe
siècle, fondateur de l’École Sociétaire. Il
l’imagine comme un bâtiment de très grande taille
où chaque famille a un logement privé et dispose
d’espaces de vie collective. Dans le cas présent, il
s’agit plutôt de dortoirs avec salle commune.
[17] Le Prolétaire, 11 février 1928.
[18] Il s’agit en fait du nom d’un broyeur fabriqué à Liège. Une rue porte encore son nom.
[19]
Nous portons cette appréciation sur la culture
d’entreprise que nous avons connue au sein de la
Société de Prayon qui succéda à la Nouvelle
Montagne à Engis.
[20]
Un bâtiment en bois, construit pour cet événement,
subsista jusqu’à la dernière guerre.
[21] M.M.I.L.
dossier Musch-Beeckman.
[22] Rapport du C.A. de Prayon du 4 octobre 1935.
Bibliographie
[LNM] « La Nouvelle Montagne » dans Bulletin mensuel Negelmackers Fils et Cie, mars 1930.
[MB-05/89] Moniteur belge, 22 mai 1889.
[MB-10/91] Moniteur belge, 17 octobre 1891.
[AMB-99] Anales des Mines de Belgiques, 1899.
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